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La grenouille ébouillantée…

Publié le 15 mars 2010 par Lgdeluz

Encore inspiré du livre Le Sarkozysme sans Sarkozy, de Serge Portelli, chez Grasset. Serge Portelli est vice-président au Tribunal de Paris, président de la 12ème Chambre correctionnelle.

C'est un grand classique philosophique, la métaphore de la grenouille dans la casserole sur le feu..

Placez une grenouille dans une casserole pleine d'eau bouillante et elle sautera hors de la casserole pour s'en échapper. Placez la même grenouille dans de l'eau froide et montez progressivement la température de l'eau, elle se laissera engourdir et mourra ébouillantée presque sans s'en apercevoir.

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Les changements sémantiques, le nouveau vocabulaire, les modèles véhiculés mettent en place une nouvelle société où l'homme se tait. Penché sur son ouvrage, attelé à la tâche, il ne dit rien, il ne proteste jamais. Même le dimanche, après l'office, avant de regarder une série américaine ou la messe de Michel Druker, il se rend au supermarché pour pouvoir sans relâche consommer. Il est prêt à tout recevoir du pouvoir. Il lui a délégué sa part de cerveau disponible. La liberté n'est pas sa préoccupation. Son bonheur il le trouve ailleurs.

Comme le suggère Serge Portelli, il devient urgent de relire le Discours de la servitude volontaire de La Boétie, 1549. Le texte entier est ici, c'est pas très long. Bonne lecture.

Petit extrait: « Pauvres gens misérables, peuples insensés, nations opiniâtres à votre mal et aveugles à votre bien ! Vous vous laissez enlever sous vos yeux le plus beau et le plus clair de votre revenu, vous laissez piller vos champs, voler et dépouiller vos maisons des vieux meubles de vos ancêtres ! Vous vivez de telle sorte que rien n'est plus à vous. Il semble que vous regarderiez désormais comme un grand bonheur qu'on vous laissât

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seulement la moitié de vos biens, de vos familles, de vos vies. Et tous ces dégâts, ces malheurs, cette ruine, ne vous viennent pas des ennemis, mais certes bien de l'ennemi, de celui-là même que vous avez fait ce qu'il est, de celui pour qui vous allez si courageusement à la guerre, et pour la grandeur duquel vous ne refusez pas de vous offrir vous-mêmes à la mort. Ce maître n'a pourtant que deux yeux, deux mains, un corps, et rien de plus que n'a le dernier des habitants du nombre infini de nos villes. Ce qu'il a de plus, ce sont les moyens que vous lui fournissez pour vous détruire. D'où tire-t-il tous ces yeux qui vous épient, si ce n'est de vous ? Comment a-t-il tant de mains pour vous frapper, s'il ne vous les emprunte ? Les pieds dont il foule vos cités ne sont-ils pas aussi les vôtres ? A-t-il pouvoir sur vous, qui ne soit de vous-mêmes ? Comment oserait-il vous assaillir, s'il n'était d'intelligence avec vous ? Quel mal pourrait-il vous faire, si vous n'étiez les receleurs du larron qui vous pille, les complices du meurtrier qui vous tue et les traîtres de vous-mêmes ? Vous semez vos champs pour qu'il les dévaste, vous meublez et remplissez vos maisons pour fournir ses pilleries, vous élevez vos filles afin qu'il puisse assouvir sa luxure, vous nourrissez vos enfants pour qu'il en fasse des soldats dans le meilleur des cas, pour qu'il les mène à la guerre, à la boucherie, qu'il les rende ministres de ses convoitises et exécuteurs de ses vengeances. Vous vous usez à la peine afin qu'il puisse se mignarder dans ses délices et se vautrer dans ses sales plaisirs. Vous vous affaiblissez afin qu'il soit plus fort, et qu'il vous tienne plus rudement la bride plus courte. Et de tant d'indignités que les bêtes elles-mêmes ne supporteraient pas si elles les sentaient, vous pourriez vous délivrer si vous essayiez, même pas de vous délivrer, seulement de le vouloir. »


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