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Titanic ou métamorphose? Rencontre avec François Plassard

Publié le 16 mars 2010 par Rhubarbare

 Compte-rendu de la soirée questions-réponses du 25 février 2010 avec François Plassard.

 Un évènement organisé par l’Université Rurale du Clunisois dans le cadre de la programmation 2009-2010 « Demain, subir ou créer ? ».

François Plassard est un fondateur du SEL de Cocagne, initiateur du projet EcoHameau, auto constructeur, ancien agent de développement territorial, ingénieur en agriculture (ESAP Purpan) et docteur en économie, auteur, conteur.

Auteur de « Crise écologique et crise sociale : Titanic ou métamorphose » et « Pour une métamorphose de la société ».

François Plassard fait référence, en introduction, à deux approches philosophiques occidentales et orientales, la première disant que pour aller là où on ne sait pas il faut d’abord passer par là où l’on sait, la seconde disant que pour aller là où on ne sait pas, il faut passer par là où on ne sait pas.

Françoiss’estime, à l’heure actuelle, dans la seconde optique.

Première question: sommes-nous à bord du Titanic ?

François présente d’abord les trois grandes crises actuelles qui font que nous sommes àbord du Titanic :

-  crise écologique

-  crise démographique, avec 3 milliards de réfugiés potentiels, économiques et/ouclimatiques

-  crise financière, avec un système par nature instable du fait de sa déconnexion avecl’économie réelle

L’effondrement du système capitaliste financier et le sentiment d’insécurité qui en résulte exacerbent les tensions inhérentes à toute société humaine. L’autre devient l’ennemi, que ce soit politiquement, ethniquement, économiquement ou religieusement parlant.

La société occidentale basée sur les services est en pleine dépression nerveuse.

Le discours du café du commerce resurgit, «  une bonne guerre pour relancer l’emploi ».

En référence à Tocqueville, une société esclave de ses peurs fait appel à l’homme providentiel destiné à mener soit une révolution soit une guerre.

Il nous faut tenter d’inventer autre chose que ces deux manières traditionnelles de sortie de crises, sachant que l’armement aujourd’hui disponible (notamment nucléaire) donne une tout autre dimension au risque de conflits majeurs.

Il nous faut aussi inventer à partir de ce que nous apprend le passé.

Question: Est-ce que les populations se rendent comptent de la situation ?

François : Entre 1945 et 1975 s’était établi un véritable contrat social entre liberté et égalité : les gains de productivité étaient en bonne partie redistribués à travers la société. La réduction du temps de travail, de près de 20 heures hebdomadaires sur cette période, permettait à chacun de goûter un peu de cette fraternité également inscrite aux frontons des mairies.

Mais une cassure apparaît dès 1975, à partir de laquelle l’augmentation de la productivité n’a plus du tout la même répercussion sur le niveau de vie des gens.

Les causes de cette cassure sont la déconnexion entre le pouvoir monétaire et l’économie réelle, le fait que les Etats empruntent contre intérêt à des banques plutôt que de créer leur propre argent selon leurs besoins, et la non-redistribution de valeurs canalisées dans les paradis fiscaux.

La France a doublé sa production globale en 30 ans tout en travaillant 1/3 d’heures en moins et avec une augmentation des actifs de 23 à 27 millions, dont de nombreuses femmes. Et compte cinq fois plus de chômeurs qu’en 75. On comprend les gens qui disent que l’on va droit dans le mur.

Question: Ce constat est-il en soi un moteur de changement ?

François :Une révolution sourde est en préparation, la société travaille sur elle-même, mais il n’y a pas encore de « système » d’action, seulement un ensemble de constats et de propositions non ou insuffisamment reliés. Quelques mouvances émergent, chacune certaine de détenir la clé de la solution :spiritualité, marxisme, décroissance, féminisme, développement durable, économie solidaire…

Chacune de ces mouvances apporte quelque chose, mais pour faire système il faut établir des liens, créer de la concertation entre tout cela.

Sans concertation, un boulevard est ouvert au tout sécuritaire, au sauvetage sans fin de la maison économie et notamment son second étage – l’économie du profit.

En effet l’économie peut se décrire comme une maison avec un rez-de-chaussée, un premier étage, et un second étage sous toiture.

Le RdC correspond à l’économie du don, du troc, où le lien créé est plus important que le bien échangé. C’est l’approche SEL (Système d’Echanges Locaux)

Le 1erétage est l’économie du bien-être, pour soi-même et son entourage. L’argent n’est qu’un moyen d’échange, sans valeur intrinsèque.

Le 2eme étage correspond à l’argent réserve de valeur, la logique de profit, la spéculation.

Aristote disait déjà de cette maison que si le second étage absorbe le premier, il n’y a plus de limite à l’accaparement des richesses au profit d’une petite minorité.

Actuellement, le gouvernement ne fait que réparer le toit, aux frais des générations futures qui vont devoir rembourser les énormes aides apportées aux banques.

Il s’agit pour la société civile de réparer la maison Economie par le bas, reconstruire le RdC et le 1er étage.

Question: Est-ce cela la métamorphose ?

François :On peut comparer l’économie prédatrice, concurrentielle, à une mared’eau : la concurrence et l’expansion victorieuse de certains éléments comme les algues mènent à l’asphyxie et la destruction générale de l’écosystème de la mare.

En économie l’expansion débridée mène à l’effondrement et au chômage.

La métamorphose est la reconstruction avec l’énergie de la destruction.

Il faut se donner une vision cohérente de la transformation sur trois niveaux :personnel, territorial et mondial. Aujourd’hui, l’énergie de la destruction ce sont les 3 milliards d’humains vivant sous le seuil de pauvreté. La métamorphose, c’est utiliser leur énergie pour qu’ils deviennent les jardiniers de leurs propres territoires, plutôt que se transformer en marée migrante.

Il s’agit de protéger ces jardiniers de la prédation concurrentielle qui les rend aujourd’hui incapable d’exister dans un marché mondialisé. Cette protection peut être une décision politique, comme l’on fait l’Europe et le Japon en matière agricole, et plus particulièrement une protection monétaire sur base de monnaies territoriales permettant un maillage de marchés captifs au sein desquels peuvent se développer l’agriculture et l’économie locale : le bâti, l’écologie, les services de santé, l’éducation…

Cette approche va évidemment à l’encontre de nombreux et puissants intérêts. Le monde occidental est construit sur trois pôles : le religieux, le souverain et le tiers-état. Aujourd’hui le religieux correspondrait aux banques, associées aux souverains que sont les pouvoirs publics. Ces deux entités ne désirent pas l’émancipation de la troisième, le tiers-état, le travailleur-consommateur.

François propose de monter un conseil des sages planétaire, composé de personnalités telles que Edgar Morin – qui a repris ce thème de la métamorphose dans un article paru dans le journal Le Monde de janvier 2010. Un comité de parrains qui protégerait les expérimentations territoriales d’économies circulaires.

Ce type d’économie fabriquerait par exemple des biens d’usage plutôt que de propriété, rallongeant la durée de vie des produits. Elle permettrait de reconquérir l’autonomie alimentaire, encouragerait les circuits courts. Elle impliquerait également une formation à la pratique non violente et une transformation de la devise française liberté-égalité-fraternité en autonomie-solidarité-responsabilité.

Suite à une question de la salle François parle alors de son expérience avec l’Université du Temps Choisi.

Cette expérience part du constat qu’aujourd’hui l’argent est de loin le principal vecteur de reconnaissance, le fameux « travailler plus pour gagner plus ».Avoir de l’argent, c’est avoir le désir du désir de l’autre.

Il s’agit de dé-droguer les accros du travail en leur proposant de passer à mi-temps, et d’utiliser l’autre mi-temps – rémunéré au même tarif pour tous – pour créer une activité choisie, hors entreprise et hors famille.

Avec le temps choisi, on ne demande plus ce que l’on fait dans sa vie, mais ce que l’on fait de sa vie. 

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