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Je t'ecris d'atlantique

Publié le 20 mars 2010 par Abarguillet

JE T'ECRIS D'ATLANTIQUE

Nuit irisée, nuit haubanée

De mercure tout enchâssée,

De givre tout opalisée,

Les amants se sont avancés,

Le seuil est proche.

Le vent, dans la moirure des phares, couve l’attente,

Là où le soulèvement de la vague

Forge l’écume dans le quartz.

Le temps, au goût d’écorce amère,

S’ensable sous les ombelles pures des sources,

Alors, qu’encore lointaine, sous son mât de misaine,

Dans ses diaprures de plancton,

La mer conduit au large de ses dunes ses légions de phaétons.

( ... )
Ecoutons respirer les éléments, voyons le ciel se mouvoir.

Qui s’avance, qui va dans la nuit ?

Il y a mieux à faire que de dormir. Veillons !

Tenons-nous à la proue, droit, le visage impérieux.

Force nous est de scruter, d’imaginer des contrées

Où s’honoreraient des bêtes mythiques.

L’oiseau passe qui annonce un continent proche, une terre sauvage.

Demain, nous apprendra que la fin est proche,

Que le jour tarde à se lever.

Il hésite à la frontière des mondes.

N’est-ce pas des galaxies qui neigent dans l’univers,

N’est-ce pas l’éclipse qui s’accomplit avec majesté ?

Il faut se refuser à la médiation,

Accepter que la route aboutisse ou bien reprendre l’océan.

(…)

L’Atlantique est une contrée au-delà du possible.

D’étranges choses s’y passent.

On ne hisse pas les voiles,

On ne lève pas l’ancre pour s’affranchir

Mais pour se porter secours.

De là où je suis, je prends en compte l’éternité.

Avec elle, je dérive, je l’étarque fort,

Je la mène vers ce point que je refais chaque jour,

À chaque heure. Un point qui sursoit à ma vision.

( ... )

Cet exode fut long.

Cependant ne crois pas que j’en revienne.

On ne revient pas de nulle part.

Je me tiens au milieu de l’océan.

Je suis un point fixe ainsi qu’une étoile.

Si l’étoile est illusion, j’en suis une aussi.

J’écris sur un cahier blanc.

Chaque lettre porte les couleurs de l’esprit,

Chaque mot esquisse une trajectoire.

Je suis bien. Ici il n’y a pas de route,

Pas de cité. Dans le clair-obscur d’alentour

Je vois les lourdes charpentes du monde s’abattre.

Quelle erreur de le dire immortel.

De l’immortalité, on s’en retourne plus mortel encore.

Tu me demanderas : que faisais-tu ?

Patiente, je t’écrivais une lettre sans point, sans finalité.

On ne peut enclore la vie…

Avide je cherche des signes, des points de ralliement.

J’entretiens ces feux.

J’écris, parce que les mots gardent intact

Le pouvoir de ranimer nos chimères,

Qu’ils tissent les fils qui, lentement, me reconduiront vers toi.

(…)

Il me faut cette soif, cette faim pour tenir.

Ailleurs le provisoire, l’inaccompli,

L’astre qui clôt la nuit de son avènement.

Hier le divin couvrant nos fronts de sa vie obscure.

Lorsque nous aurons résolu l’énigme,

Le rivage refluant, nous quitterons les môles

Où nichent des colonies d’oiseaux.

Sourciers, sorciers, pour l’ultime écoulement vers la terre absente.

Ainsi l’image du premier jour, ainsi l’eau à la proue parée pour le passage,

Ainsi l’hésitation au bord de la houle qu’affranchira le temps. J’ai peur,

Parce que l’odeur de paille n’éveillera pas le grillon, que le coq s’est tu,

Que la cloche ignore le tintement qui l’ébranle.

Je sais que le continent brûle d’un feu dissipé,

Que le ciel brille d’un éclat perdu.

S’éloigner n’a plus le même sens que jadis.

Chacun porte en soi son nouveau monde.

Les lèvres sèches, on contemple une ligne qui n’est pas l’horizon

Mais une trace originelle. La matière s’estompe enfin.

A l’avant, il n’y a plus que l’absolu à distinguer.

                                                                    
Armelle BARGUILLET HAUTELOIRE

                                                                PROFIL DE LA NUIT      Ed  : L’Etoile du Berger

Pour se procurer  PROFIL de la NUIT,  d'où ce poème est extrait,  cliquer   ICI

 

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