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Une Cenerentola brillante mais inaccomplie au théâtre des Champs-Elysées

Publié le 07 février 2010 par Adurand

 

photo Alvaro Yanez pour le Figaro  

Rossini ne pouvait rêver d’une distribution plus luxueuse. Trois ans après sa création, le théâtre des Champs Elysées reprenait sa production de la Cenerentola d’Irina Brook avec un plateau de chanteurs plus relevé encore qu’au premier jour : Vivica Genaux, spécialiste du répertoire baroque mais qui n’a rien perdu de sa dextérité rossinienne qui lui a offert ses premiers succès, Antonino Siragusa, décidément LE ténor rossinien du moment, après son excellent Almaviva dans le Barbier de Séville à Bastille, et son très bon Argirio dans Tancredi à Turin, mais aussi les honorables Stéphane Degout, Pietro Spagnoli… Le tout dans une mise en scène drôle et enlevée, qui cherche avant tout à nous faire rire.

Le résultat, c’est d’abord une soirée comique extrêmement réussie : des talents de mime du basse Ildebrando d’Arcangelo aux dons pour la danse de l’ensemble du plateau, de l’humour naturel qui se dégage du livret au comique le plus troupier, tous les ressorts de l’humour sont sollicités pour égayer un opéra dont l’esprit d’origine se prête volontiers à ce petit jeu.

Faire rire le public de l’opéra est une gageure qu’on se gardera bien de négliger, et la Cenerentola est de ces spectacles dont on sort plus content qu’on y est entré. La direction d’acteurs d’Irina Brook, minutieuse et systématique, ne s’autorise aucun relâchement dans sa montée en puissance comique, chassant tous les temps morts au point de négliger,

Cenerentola TCE 2
parfois, la valeur de certains passages peut-être moins drôles, mais non moins riches. Meubler la transition des décors entre les deux dernières scènes de l’acte II avec les pitreries de Pietro Spagnoli (qui raconte en serviette et en français l’histoire « d’un français d’un italien et d’un allemand qui rentrent dans un bar… »), c’est finalement une façon cocasse de tromper l’attente souvent pesante des spectateurs dans ces moments étranges de brouhaha où chacun attend que le rideau se ève. Ce qui me gène davantage, c’est lorsque ce besoin compulsif de remplir l’espace et d’occuper l’attention du public sature un opéra déjà bien rempli, rajoute du signifiant au signifiant et de l’agitation au mouvement. Le ton est donné dès l’ouverture où la musique, semble-t-il insuffisante pour capter l’attention, est doublée d’une chorégraphie pas franchement inspirée de Vivica Génaux. Et quel que soit le talent d’Ildebrando d’Arcangelo pour faire le clown, son omniprésence au cours des ensembles, ses mimes et mimiques pour attirer l’œil pendant que ses partenaires chantent, finissent par agacer.

Si l’on entre dans le détail de la distribution, Vivica Genaux est un phénomène vocal unique, sans parler de sa technique d’ornementation virtuose fondée sur un mouvement de lèvres reconnaissable entre tous, qui brille de tous ses feux dans Rossini. Mais dès son entrée en scène, avec « una volta c'era un Re », son grave brûlant qui contraste avec la légèreté de ses deux sœurs peint une femme plus forte et plus dominatrice que la timide Cendrillon du départ. Plus généralement, sa Cenerentola est à peu près aussi crédible que la Rosine de Maria Callas en son temps. Tout dans la voix, dans le corps, dans le jeu, montre combien cette candeur et cette simplicité leur sont peu naturelles. Mais le luxe vocal a beau être dramatiquement peu crédible, il ne peut que faire le délice des mélomanes.

Le théâtre des Champs-Elysées s’est offert dans les rôles comiques des chanteurs de premier plan que ce type de rôle met inégalement en valeur : le Dandini de Stéphane Degout, sorte de beauf gominé, est détestablement crédible, sans rien sacrifier de la qualité de son chant. Pietro Spagnoli, en revanche, qui fut il y a moins d’un an un excellent comte d’Almaviva dans les Noces de Figaro de Mozart au même théâtre, sacrifie en revanche facilement la netteté de sa ligne de chant à des effets plus ou moins heureux.

La direction de l’excellent Concerto Köln par le chef allemand Michael Güttler n’est pas exempte de pose et de maniérisme, mais elle instille à la musique un surplus de dynamisme qui permet à l’œuvre de Rossini d’exister face à une mise en scène brillante, mais un peu envahissante.

 


La Cenerentola
de Gioacchino Rossini au Théâtre des Champs-Elysées, jusqu’au 5 février 2010.


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