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Abrogeons le statut de l'auto-entrepreneur

Publié le 25 mars 2010 par Bix

Quand je vois la grande réussite de la loi sur le statut d'auto-entrepreneur, j'aurais presque tendance à me réjouir de l'abandon de la taxe carbone.

Je bosse dans le domaine de la création d'entreprise, dans l'économie sociale et solidaire certes, mais je suis sensible à toute l'actualité relative à l'entrepreneuriat, qu'il soit solidaire ou non.

Sur l'auto-entrepreneuriat, on l'a vu débarquer en février 2009, lancé en grandes pompes au Salon des entrepreneurs. "Pourquoi pas ?" Tout en subodorant une arnaque quelque part sans arriver à mettre la main dessus. La suite nous a donné raison et on n'a pas été déçu ! Le statut d'auto-entrepreneur est en effet un exemple incroyable de loi mal préparée, mal ficelée, mal lancée, mal écrite et mal pensée.

Après 2 ans d'existence, il apparait que ce statut n'avait qu'un seul but : gonfler artificiellement les chiffres de la création d'entreprises tout en sortant de la recherche d'emploi un maximum de monde. Du court-termisme de la fort belle facture et je vais vous expliquer pourquoi, ce paragraphe des Échos résumant assez bien la situation 1 an après la création du statut :

Un an après son démarrage, le succès du dispositif semble acquis. Loin d'être un frein, la grisaille économique a même contribué à son essor : sur les six premiers mois de 2009, plus d'un auto-entrepreneur sur deux (55 %) était demandeur d'emploi, contre 33 % parmi les créateurs d'entreprises « traditionnels », d'après une étude de la Chambre des métiers et de l'artisanat du Loir-et-Cher. « Fonder une entreprise, c'est accéder à un statut. Dans ce contexte, c'est tout simplement de l'insertion », constate Marie-Hélène Manchion, responsable du pôle création de la chambre. C'est là que le bât blesse. « Nous n'avons pas face à nous un futur chef d'entreprise qui est dans une logique de développement et de pérennisation, poursuit Marie-Hélène Manchion. D'ailleurs, la plupart des auto-entrepreneurs n'ont pas l'impression de créer une entreprise ! Et de fait, n'ont pas conscience des risques sous-jacents. »

Les artisans pas contents

Premier couac de ce statut, les artisans qui craignent pour leur activité. Cela a exigé un remaniement express afin de ne pas mécontenter une part non-négligeable de l'électorat UMP.

  • Le Figaro : Auto-entrepreneur : les artisans font le forcing pour obtenir des aménagements «Nous espérons que nous obtiendrons satisfaction sur deux points : la qualification professionnelle et l'inscription des autoentrepreneurs exerçant une activité d'artisan dans nos organismes consulaires, explique Pierre Martin. Il est important que les consommateurs ne courent pas de risques et bénéficient de toutes les garanties dont la garantie décennale dans le bâtiment. Or les compagnies d'assurance rechignent à assurer les autoentrepreneurs qui travaillent dans le bâtiment. Il est aussi important que nous puissions accompagner et former les autoentrepreneurs pour leur permettre d'évoluer et de créer de véritables entreprises dans un deuxième temps».
  • Les Échos : Les autoentrepreneurs bridés. Obliger les autoentrepreneurs qui exercent une activité artisanale à attester de leur qualification professionnelle avant de démarrer peut sembler être une décision de bon sens.
  • L'Entreprise.com : Auto-entrepreneur : de nouvelles règles en 2010

L'Urssaf pas prévenue

Sûrement mon couac préféré : des auto-entrepreneurs se sont retrouvé exclus du statut parce qu'ils avaient dépassé le plafond. Mais pas vraiment en fait, cette exclusion est due au calcul de l'Urssaf qui ramène le chiffre d'affaire de quelques mois à une année (c'est moi qui souligne) :

L’Urssaf explique que les textes de loi l’oblige à appliquer un prorata pour extrapoler le chiffre d’affaire sur la totalité de l’année. Ainsi, si un développeur de sites internet ayant démarré son activité en juin 2009 a réalisé 20 000€ de chiffre d’affaire jusqu’en décembre, l’Urssaf considère qu’il aurait pu réaliser 40 000€ sur la totalité de l’année et il passe donc au-dessus du palier autorisé ! Le voilà exclus du statut d’auto-entrepreneur.

Du grand art. C'est vrai que l'Urssaf est une petite agence qui a dû passer sous le radar du ministère lors de la rédaction de la loi.

Du salariat déguisé

En plus d'une loi mal faite, il se trouve des petits malins pour en exploiter les failles. Malgré l'interdiction déjà existante d'avoir un client unique, des employeurs se sont dit qu'il pouvait être plus rentable de se faire facturer l'activité par des fournisseurs fictifs (en fait des salariés déguisés en auto-entrepreneurs). Ces exploiteurs économisaient ainsi toutes les cotisations salariales et patronales. Le rêve libéral de la marque de soi devenu réalité.

Je n'invente rien, lisez les Échos par exemple ou encore E24. J'ai également personnellement rencontré des créateurs qui avouaient sans vergogne vouloir créer leur activité avec ce type de montage. Le coup de pied au cul n'était jamais loin.

Une caisse de retraite en danger

Les auto-entrepreneurs cotisent à Caisse nationale d'assurance vieillesse des professions libérales (CNAVPL). Cette dernière a vu débarquer 150 000 cotisants à faibles revenus, mais pour lesquels les frais fixes de gestion étaient les mêmes que pour tout le monde. Résultat, la caisse de retraite devrait connaitre le déficit pour la première fois de son histoire, à moins de relever les cotisations.

Là encore, prévision et anticipation ont été de mise.

Des avantages quand même ?

Soyons honnête, selon moi ce statut reste excellent pour les activités complémentaires, c'est-à-dire pour les personnes déjà salariées mais qui voudraient facturer une prestation en plus : formation, conseil en comm'... Les abrutis qui se font arnaquer en payant leur déclaration sont victimes de leur propre idiotie.

Ce qui est dommage, c'est qu'on a créé ce statut au lieu de s'attaquer sérieusement à la simplification de la création d'entreprise. C'est plutôt surprenant de la part d'un gouvernement qui veut "libérer les énergies" d'avoir inventé un nouveau machin plutôt que de simplifier l'existant.

Le vrai problème, c'est que ce statut laisse les gens seuls, seuls dans leurs démarches et seuls dans leur échec. A-t-on mesuré l'impact psychologique et sur l'estime de soi en cas d'échec d'un projet ? Des centaines de milliers de pesonnes vont se retrouver en situation d'échec avec personne de qualifié pour les épauler. Ce n'est pas me conception de la libération des énergies ni de l'entrepreneuriat.


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