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Lettre à un ami handicapé

Publié le 28 mars 2010 par Stéphan

Cher ami,

Ca m’a fait plaisir de te croiser hier lors de la manifestation organisée au Trocadéro pour réclamer la mise en place d’un revenu décent, une sorte de SMIC pour les handicapés. Bien sûr actuellement vous bénéficier de « l’allocation aux adultes handicapés (AAH) – qui a pour objet de garantir un revenu minimum aux personnes handicapées pour qu’elles puissent faire face aux dépenses de la vie courante ». Mais son montant de 628€ ne permet pas, pour nombre d’entre vous, de vivre dignement.

Pourtant, comme je te l’expliquais, nous avons un magnifique préambule de la Constitution de 1946 qui proclame fièrement : « Au lendemain de la victoire remportée par les peuples libres sur les régimes qui ont tenté d’asservir et de dégrader la personne humaine, le peuple français proclame à nouveau que tout être humain, sans distinction de race, de religion ni de croyance, possède des droits inaliénables et sacrés », et qui enchaine avec ses alinéa 10 et 11 :

« La Nation assure à l’individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement.

Elle garantit à tous, notamment à l’enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l’incapacité de travailler a le droit d’obtenir de la collectivité des moyens convenables d’existence ».

Votre problème pour toi et tous ceux qui manifestaient à Paris est donc simple à résoudre (je plaisante, hélas, avec l’administration française n’est jamais simple).
Et pourtant :
- en France, le seuil de pauvreté est fixé à 817 euros par mois pour une personne seule.
- l’allocation aux adultes handicapés (AAH) est actuellement de 628 euros par mois au maximum.

C’est dire que la Constitution est violée, en toute impunité, et qu’il faut mettre fin à cet abus.

Il faut donc de tout urgence mettre en œuvre le tout nouvel article 61-1 de la Constitution : « Lorsque, à l’occasion d’une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d’État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé ».

Voici comment je vois les démarches à effectuer. Toi ou un de tes amis handicapés écrit au ministre, du Travail, de la Solidarité et de la Fonction Publique, pour lui demander le complément entre le montant de l’AAH soit 628 € et 1 055 €, soit le SMIC net. Le SMIC est une très bonne référence, si j’en juge par l’article L. 3231-2 du Code du travail :

« Le salaire minimum de croissance assure aux salariés dont les rémunérations sont les plus faibles :
1° La garantie de leur pouvoir d’achat ;
2° Une participation au développement économique de la nation
».

Puis vous exigez, au visa des alinéas 10 et 11 du préambule de la Constitution de 1946, qui fait partie de nos textes constitutionnels, le rattrapage, pour bénéficier d’une garantie du pouvoir d’achat et participer joyeusement « au développement économique de la nation ».

Cela donne un rattrapage de 427 € par mois, soit 5 024 € par an. Un copain avocat me dit que vous pourriez même réclamer, du fait de la régle de la déchéance quadriennale (j’ai pas bien compris ce que cela signifiait), un arriéré sur les 4 dernières années, soit 20 096 €, mais là je pense qu’il rêve !

Quoi qu’il en soit, bien sûr le ministère refusera, avec une lettre d’excuse genre téléthon amélioré : « Tout mon cœur est avec vous, mais je suis tenu par les termes de la loi, et donc les articles L. 821-1 à L. 821-8 de la Code de la Sécurité sociale. Mais je pense bien à vous ».

Il vous restera alors à saisir le tribunal administratif, et à déposer un mémoire fondé sur l’article 61-1 de la Constitution, démontrant le caractère inconstitutionnel du dispositif législatif.
Et là, on commencera vraiment à rigoler.

Bon courage car la bataille sera longue et à très bientôt sur le pavé parisien.
Je t’embrasse
Stéphan

PS : merci à Gilles Devers, avocat, pour les infos juridiques.


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