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De bien tristes joyaux

Publié le 25 mars 2010 par Sophiel

 

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Monsieur,

Vous ne m’en voudrez pas de vous adresser cette lettre mais à chaque fois que j’ai ouvert la bouche pour vous admonester devant votre conduite des plus offensantes à mon égard, vous vous êtes courageusement enfui, toutes armes flageolantes alors que vous tentiez de les arborer si fièrement quelques instants auparavant.

De votre espèce, j’en ai trop rencontré  et ce, dès mon plus jeune âge. L’apprentissage de votre existence fait désormais partie de l’éducation donnée aux plus petits. Ne vous méprenez pas, nulle flatterie dans cela, de vous évoquer, je m’en passerais bien, mais voilà, vous êtes un de ces fléaux dont on apprend à se prémunir.

Bien que sévissant en tous lieux et circonstances, force est d’avouer que souvent, vous m’avez eue par surprise. Etait-ce cet air bonhomme qui m’endormit alors que seule avec vous dans une rame, vous jugeâtes approprié de faire respirer à vos attributs l’air déjà vicié du wagon ? Par souci de coquetterie, ce jour-là, j’avais négligé de chausser mes binocles et seule une certaine régularité de mouvement me prévint que vous étiez tout à votre affaire…

Bien malgré moi, mon cœur se mit à battre violemment, le sang à rougir mes joues, mes genoux à se serrer étroitement et mes mains agrippèrent fermement le manche de mon parapluie, prête à le planter dans votre abdomen à la moindre tentative de rapprochement.

Cette situation ne présentait guère de risques pour vous, les portes s’ouvrirent trop vite et je crois bien que la frustration s’empara de vous au moment où votre main, sèche, remballa la marchandise.

Alors, vous vous enhardîtes. Qui ne risque rien n’a rien, tout effort méritant réconfort, n’est-ce pas ?

Je vous rencontrais à nouveau (ou bien un de vos jumeaux) en pleine heure de pointe, serrés les uns contre les autres. L’espace était si comprimé qu’il était bien difficile d’esquisser un seul geste.

Pas pour vous.

Libérant prestement l’animal, vous vous frottâtes sans plus de retenue. Le hasard fit que ma cuisse se trouva sur votre chemin, et, passé le premier moment d’offense, ma main, toujours en alerte, dégaina sa fidèle aiguille à coudre pour se piquer dans votre excroissance. Le cri qui vous échappa fit converger tous les regards vers vous. A vous voir, on vous aurait donné le bon Dieu sans confession…

Les hommes s’enquirent de votre bien-être, les femmes comprirent… Un élan de solidarité les unit, elles commencèrent à vous apostropher tout en me congratulant pour mon ingénieuse riposte qui ne manquait pas de piquant. Les hommes, honteux de leur méprise, vous insultèrent, vous huèrent en vous jetant dehors.

Vous prîtes la fuite, la queue entre les jambes.

La honte, si tant est que vous en éprouvâtes une once, fut de courte durée.

Poussant plus loin votre hardiesse, je vous retrouvai, assis à mes côtés, individu anonyme lisant son journal comme tant d’autres avant vous. Là encore, votre va-et-vient saccadé attira mon attention alors que vous tentiez d’en occulter l’objet par votre quotidien devenu torchon.

Je levai les yeux sur votre visage, vos traits, impassibles, ne révélaient rien d’une hypothétique extase mais les miens se figèrent d’incrédulité. Que ne vous ai-je aspergé de mon fluide plutôt que d’obéir à la bienséance qui me rua sur le quai pour y vomir mon dégoût…

Aujourd’hui, mon mépris a remplacé ma gêne.

Je me méfie de vos airs neutres, parfois sympathiques, souvent quelconques.

Mes sens toujours en éveil traquent la moindre approche déplacée, prête à jouer de mon aiguille autant de fois que nécessaire.

Astiquez vos joyaux autant que vous voudrez, peu m’en chaut, mais sachez qu’à trop vouloir vous y frotter, vous risquez fort d’être piqué.

Monsieur, je ne vous salue pas.

Note au lecteur:

Je n'arrive pas à rire de tout...


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