Magazine Culture

Le musée Jean-Jacques Henner

Par Celinexcoffon
Depuis que j’avais appris, en novembre dernier, que le musée Jean-Jacques Henner avait de nouveau ouvert ses portes, il me tardait de retrouver ce lieu qui m’avais enchantée il y a une dizaine d’années. Inauguré en 1924, ce charmant musée présente l’œuvre d’un peintre trop méconnu, aujourd’hui apprécié à sa juste valeur.
museegdatelier.jpg
Le musée est installé dans un hôtel particulier du XIXe siècle aménagé en atelier, qui ne fut pas celui d’Henner (1829-1905) mais de Guillaume Dubufe, peintre contemporain de ses connaissances. La magnifique rénovation des lieux restitue au mieux le décor de l’époque, en recréant la polychromie d’origine surprenante et l’atmosphère orientaliste voulue par l’occupant des lieux. L’architecture intérieure en elle-même vaut le détour, et je me suis délectée de cet assemblage de moucharabiehs égyptiens, de faïences de Delft, de ferronnerie et de majoliques.
La carrière de Jean-Jacques Henner est exposée sur quatre niveaux, confrontant judicieusement la production « officielle » du peintre et ses recherches picturales plus intimes – à mon goût plus intéressantes.
museepatio.jpg
Sa renommée de peintre officiel, sous le Second Empire, est peut-être la raison pour laquelle on le catalogua un temps parmi les «Pompiers» de l’époque, passés de mode, sans distinguer l’originalité de sa touche et de son univers. Pourtant les toiles de Jean-Jacques Henner sont porteuses d’un souffle qui le distinguent aussi bien des néo-classiques que des impressionnistes. Si certains de ses nus floutés (que l’on me pardonne ce vocabulaire photographique) peuvent évoquer les figures longilignes de Gustave Moreau, la monumentalité de Puvis de Chavanne ou les icônes fantomatiques de Waterhouse, il n’est à ranger ni dans les symbolistes ni dans les préraphaélites. Comme souvent lorsque le talent rencontre une vision personnelle, Henner ne rentre pas dans les cases de l’histoire de l’art.
l'alsace, elle attend - 1871.jpg
l'Asace. Elle attend - 1871
Son œuvre la plus emblématique « l’Alsace. Elle attend », rappelle sa naissance alsacienne lorsqu’il évoque par cette sobre allégorie, lourde de sens, l’annexion de la province par l’Empire allemand en 1871. Le magnifique portrait de la comtesse Kessler, audacieuse composition jouant sur le contraste de la peau marmoréenne enflammée de rousseur et du fond d’un bleu profond, illustre le talent de portraitiste de Henner. On ne peut, en retraçant sa carrière, négliger l’influence de la Renaissance italienne. Prix de Rome en 1858, son séjour de cinq ans à la villa Médicis lui permit de se confronter aux plus grands et d’illustrer dans un style déjà propre à lui les paysages et scènes de genre de ce pays qui visiblement le ravit.
la comtesse Kessler, étude pour le tableau de 1886.jpg
La comtesse Kessler - étude pour le tableau de 1886
Pourtant, ce sont ses nus éblouissants de blancheur, apparitions diaphanes dans des paysages indéfinis, nymphes et sorcières rousses qui me touchent le plus. Loin des perfections glacées et idéalisées – pourtant si belles – de Bouguereau et Cabanel, les femmes de Jean-Jacques Henner s’offrent dans l’ambiguïté de leur blancheur irréelle et de leur lascivité, invitant à la langueur et au mystère. Les travaux préparatoires exposés dans le musée démontrent la liberté de la touche du peintre, et permettent dans une moindre mesure de percer le secret de cette magie.
solitudeb.jpg
Solitude
En dehors de ces déesses sylphides, j’éprouve une affection particulière pour l’impitoyable « Hérodiade », dont la pureté et la violence me bouleversent. De même le portrait de Thérèse Bianchi, si vivante et si farouche, est pour moi la démonstration absolue de l’art du portrait avec une technique aussi originale que maîtrisée.
herodiade1887.jpg
Hérodiade - 1887
Je ne saurais que trop vous conseiller la visite de ce très beau musée, mais comme une confidence à des initiés. Si je lui souhaite tout le succès possible, je ne peux m’empêcher de reconnaître que j’ai goûté ce rare privilège d’arpenter absolument seule un musée un dimanche après-midi…
theresebianchi.jpg
Thérèse Bianchi
Musée Jean-Jacques Henner - 43, avenue de Villiers 75017 Paris
Ouvert de 11h à 18h tous les jours sauf le mardi et certains jours fériés, nocturne jusqu’à 21h le premier jeudi du mois.
Plein tarif 5 €, tarif réduit 3 €
Le site officiel du musée Jean-Jacques Henner
Pour aller plus loin, le très beau blog Henner Intime

Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Celinexcoffon 410 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Magazines