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Analyse des élections régionales, partie 2 : les enseignements pour le centre et la droite

Publié le 29 mars 2010 par Delits

UMPSuite de l’entretien avec Bruno Cautres : celui-ci aborde ici les principaux enseignements des élections régionales pour le Centre et la Droite.

Délits d’Opinion : Quel avenir pour François Bayrou? pour le Modem? Pour le Centre en politique ?

Bruno Cautres : François Bayrou a toujours le même projet politique et n’en changera sans doute pas : il défend l’hypothèse, qui n’est pas sans fondement, que l’élection présidentielle est le verrou qui tient tout. Sa « révolution orange» , à savoir la fin du système où tout ce qu’un camp gagne, l’autre le perd, repose sur un pari stratégique : se qualifier pour le second tour de l’élection présidentielle et à ce moment là, faire la différence. La sociologie de son électorat est nettement plus composite et le Modem a été le réceptacle de flux électoraux variés : anciens électeurs centristes, de gauche, écologistes ou de droite modérée mais non séduits par Nicolas Sarkozy. C’est aussi l’une des raisons pour lesquelles il lui est difficile de fixer et de fidéliser cet électorat.

Cela ne veut pas dire que le centrisme n’existe pas ou plus et que les élections régionales de 2010 signent le fin du projet politique du Modem. Néanmoins le Modem comme organisation connait une forte crise interne et les difficultés à boucler les listes dans certaines régions témoignaient déjà de ces difficultés. Le départ de Corine Lepage des instances de la présidence du Modem en est un autre indicateur.

La Droite

Délits d’Opinion : La droite a atteint un niveau historiquement bas : quelles en sont les principales raisons ?

Bruno Cautres : Les élections régionales jouent comme des élections « intermédiaires»  : elles tendent à favoriser l’expression des mécontentements et une partie de l’électorat met à profit cette occasion pour envoyer des messages au pouvoir en place. A cette toile de fond, s’est ajouté le contexte de crise économique, de doutes et d’incertitudes qui viennent avec.

L’impopularité du chef de l’État, y compris depuis quelques mois dans des segments habituellement acquis (professions libérales, indépendants, personnes âgées), ainsi que la non-campagne électorale, ont favorisé l’envoi d’un message au chef de l’État et au gouvernement. De nombreux ministres n’ont pas réussi à enclencher une dynamique dans leurs régions.

Délits d’Opinion : Cette défaite de la droite façon Sarkozy laisse-t-elle de la place pour une autre droite ? Quel espace politique existe-t-il pour Dominique de Villepin qui annoncera jeudi la création d’un nouveau mouvement ?

Bruno Cautres : Il est très difficile de répondre. Incontestablement, la question de la diversité à l’intérieur de la droite devient pour elle une question importante. Mais chaque élection a sa propre logique : rien ne dit, aujourd’hui, que la diversité des candidatures jouerait en 2012 dans un sens mobilisateur pour la droite (comme pour la gauche d’ailleurs). C’est davantage les politiques conduites et leurs résultats auxquels les électeurs font attention.

Dominique de Villepin a su capitaliser un peu dans l’opinion à travers le procès de « l’affaire Clearstream» . Il faudra surtout voir quel projet il présente  et sur quels thèmes il voudra marquer sa différence. Une fois connus ces importants paramètres, nous pourrons voir de quelles marges de manœuvre il dispose.

Cela dépendra aussi de l’évolution de la popularité des deux têtes de l’exécutif à ce moment là, en particulier au sein de l’électorat de droite. Pour le moment, le point faible de Dominique de Villepin reste la rareté de ses relais au sein de l’UMP et de ses élus. Son ancrage territorial est une autre inconnue, même s’il peut réussir à percer un peu dans l’opinion au nom de sa différence et de son statut d’ancien premier ministre.

Délits d’Opinion : Pensez-vous vraisemblable de voir l’UMP s’allier avec un FN plus « light» , incarné par Marine Le Pen et de voir cette dernière intégrer un gouvernement de droite, constituant ainsi l’aile dure de ce gouvernement, à l’instar d’un Charles Pasqua ?

Bruno Cautres : Il s’agit pour le moment de scénarios de politique-fiction. Ce n’est sans doute pas au moment où le FN semble retrouver une partie de son espace perdu qu’il s’engagera dans un tournant à 180 degrés de sa stratégie.

Dans ses déclarations, Marine Le Pen continue de fustiger ce qu’elle appelle « l’UMPS» . Idéologiquement, les électorats de la droite modérée de gouvernement et de l’extrême droite connaissent d’importantes différences : les valeurs politiques que véhiculent dans l’électorat de l’extrême-droite ce que mes collègues Gérard Grunberg et Etienne Schweisguth dénomment « l’anti-universalisme»  (une mélange de valeurs autoritaires, xénophobes et anti-égalitaires) font une différence de fond avec l’électorat de droite classique, sensible aux thèmes économiques du « trop d’État»  mais également beaucoup plus sensibles aux valeurs de l’universalisme que l’électorat de l’extrême droite.

Conclusion : quelles vont être, selon vous, les principales conséquences politiques de cette défaite, en particulier sur le rythme des réformes, sur la façon de communiquer ou les stratégies d’alliance ?

Bruno Cautres : Ces régionales auront d’importantes conséquences, au-delà du mini-remaniement : les stratégies des acteurs vont évoluer tant à gauche qu’à droite. Sans aucun doute on peut s’attendre à des conséquences sur le rythme et le style de l’action du Président de la République, on voit déjà la fin annoncée de la « taxe carbone» .

Propos recueillis par Olivier.


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