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"Calvin" d'Aimé Richardt, avec la collaboration de J.-G.Théobald

Publié le 01 avril 2010 par Francisrichard @francisrichard

Il y a cinq cents ans naissait Jean Calvin, à Noyon, le 10 juillet 1509 précisément. La ville et le canton de Genève n’ont pas manqué de célébrer l’an passé la naissance de ce personnage important de leur histoire et, en définitive, de celle de la France, puisque l’influence de Calvin aura largement dépassé les frontières de la petite république protestante, y apportant querelles et divisions, qui tourneront, hélas, à de véritables guerres de religions.

Avec la collaboration de Jean-Gérard Théobald, Aimé Richardt vient de publier aux Editions François-Xavier de Guibert un livre qu’il a consacré à la vie et à l’œuvre du Réformateur. L’auteur n’est pas un inconnu de ce blog. L’an passé j’avais fait la recension d’un autre de ses livres qui expliquait pourquoi, faits et textes à l’appui, Galilée avait été justement condamné par l’Eglise catholique [voir mon article La vérité sur l'affaire Galilée, d'Aimé Richardt ], du fait de son orgueil et de son incapacité à prouver ses dires, alors que les faits devaient ultérieurement et paradoxalement lui donner raison.

Une des qualités d’Aimé Richardt est de restituer le contexte dans lequel évolue les personnages auxquels il s’intéresse. Il s’appuie, pour ce faire, sur les textes écrits à l’époque par les protagonistes, sur les archives locales, sur le travail de recherche de prédécesseurs sur le sujet. Le portrait de ses personnages, qui se dessine petit à petit, a le mérite d’être alors au plus proche de la vérité : l'auteur ne peut en aucun cas être accusé de tordre le résultat obtenu au profit d’une thèse quelconque.

Les longues citations de Jean Calvin, notamment tirées des éditions successives de son Institution chrétienne, permettent de se rendre compte que ce dernier a un réel talent d’écrivain. Il met ce talent au service de ce qu’il croit être la vérité chrétienne, que l’Eglise catholique aurait dévoyée par des apports qui ne se trouveraient pas dans l’Ecriture. Pour lui l’Ecriture doit être prise au sens littéral, ce qui le conduit à élaborer une théologie en contradiction fréquente avec la Tradition, qu’il récuse d’ailleurs en bloc.

Cette théologie – faut-il le rappeler ? – amène Calvin à condamner le culte des images, à dénier à l’homme son libre arbitre et à croire à la prédestination, à donner la préséance à la justification par la foi aux dépens de celle obtenue par les œuvres, à ne reconnaître que deux sacrements, le baptême et l’eucharistie, à combattre durement tous les hérétiques qui nieraient la vérité telle qu’elle ressort, selon lui, de l’Evangile.

Calvin voit principalement dans le baptême la promesse, faite aux hommes qui croient, d’avoir le salut, tandis que sa conception de l’eucharistie évoluera tout au long de sa vie :

« Il semble en effet être allé d’une conception luthérienne de consubstantialité à une attitude plus proche, sans toutefois y atteindre, de la cérémonie symbolique de Zwingli ».

Ses positions théologiques trouveront peu d’écho au début sinon au sein de l’élite protestante. De Genève il sera même chassé une première fois – il est difficile d’être prophète en son pays, a fortiori quand il s’agit de son pays d’adoption – , avant d’être rappelé trois ans plus tard pour y devenir un législateur hors du commun – ses Ordonnances ecclésiastiques en témoignent. Pour les imposer Calvin saura vaincre les oppositions, en « alternant chantage et menaces » et se montrera d’une intransigeance incompatible toutefois avec l’exercice de libertés et, surtout, éloignée de l’amour chrétien. Au final il imposera un ordre moral d’une rigueur qui a laissé des traces jusqu’à aujourd’hui.

L’affaire Michel Servet montre, s’il en était besoin, que Jean Calvin n’est pas un tendre et qu’au fond il est conséquent avec lui-même. Comme il privilégie la foi aux dépens des œuvres il apparaît rien moins que charitable avec ceux qui lui résistent et qui s’opposent à sa théologie. Pour avoir osé contredire Calvin, Michel Servet finira sur le bûcher après avoir été tour à tour dénoncé par le Réformateur à l’Inquisition de France, puis traduit devant la justice civile de Genève, sur le sol de laquelle il aura eu la malheureuse idée de poser les pieds.

Jean Calvin aura une fin édifiante, compte tenu de son très mauvais état de santé. Selon la coutume, il soupera une dernière fois, la veille de la Pentecôte 1564, avec les pasteurs de Genève réunis dans sa chambre. Théodore de Bèze, son successeur, cité par l’auteur, raconte la fin de Calvin, huit jours plus tard :

« Le jour qu’il trépassa il semblait qu’il parlait plus fort et plus à son aise, mais c’était un dernier effet de nature. Car sur le soir environ huit heures, tout soudain les signes de la mort toute présente apparurent ; ce que m’étant soudain signifié, d’autant qu’un peu auparavant j’en étais parti, étant accouru avec quelqu’autre de mes frères, je trouvai qu’il avait déjà rendu l’esprit si paisiblement que jamais n’ayant râlé, ayant pu parlé intelligemment jusqu’à l’article de la mort, en plein sens et jugement, sans avoir jamais remué pied ni main, il semblait plutôt endormi que mort ».

Servi par un style clair et dépouillé, le livre d’Aimé Richardt, qui est d’une grande honnêteté intellectuelle et qui a une grande connaissance du sujet, nous permet de mieux comprendre Calvin et le calvinisme. Tant il est vrai que la compréhension seule est à même de rapprocher les hommes, sinon leurs points de vue.

La recherche de la Vérité est une quête sans fin et il est bon de s’instruire sur ce que pensent les autres, et particulièrement ceux qui sont, comme nous, disciples du Christ, mais d’une autre manière. Nous pouvons ainsi mieux cerner ce qui nous sépare, mais aussi, et surtout, ce qui nous rapproche, enterrer définitivement la hache des guerres du passé, sans renier pour autant ce que nous sommes les uns et les autres.

Francis Richard

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