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Max | Attendre

Publié le 01 avril 2010 par Aragon

Water.gifAttendre. Centre Auto Leclerc d'Orthez j'attends. Rien de moins exaltant que d'attendre sa voiture à laquelle on refait une petite santé. Attente dans le bruit d'une musique distillée en boucle, pas vraiment quelque chose qui me plaît, loin de là, mais c'est comme ça.

Attendre dans notre société, attendre sans perdre patience chez le docteur, à la Poste, à la caisse d'une grande surface, dans un embouteillage, attendre. Attente sans fin des sans-papiers qui espèrent pendant des années, d'hypothétiques sésames. Cachet officiel espéré en vain distillant en un second degré davantage d'amertume que toute celle contenue dans le cachet-gellule allopathique...

On a toujours attendu sur cette Terre. L'homme - le chasseur - attend, patiemment, depuis le paléolithique, se transformant avec les siècles, les millénaires, il attend. La femme attend, elle attend son enfant, elle attend l'homme qui est à la chasse, à la guerre, aux champs, elle attend son amoureux. Elle attend.

Le malade attend le résultat d'une analyse médicale. L'écolier attend que la cloche sonne la fin du cours. Le paysan attend que la récolte mûrisse. Le demandeur d'emploi attend le résultat de cette entrevue qui s'est si bien passée. Comme la dernière. Attendre, attendre sans commencer, sans finir.

J'attends que l'on me rende ma voiture avec deux beaux pneus tout neufs. Je me souviens en écrivant ces mots de l'attente interminable à la gare de Saint-Pierre-des-Corps quand j'étais militaire, des presque cinq heures qu'il y avait entre mon arrivée par le train de l'Est et la correspondance pour Bordeaux. Attendre dans la nuit est angoissant, fatiguant, pourquoi ? Comme je l'ai attendu ce train de nuit pour dormir ensuite par terre, parfois dans les soufflets entre deux wagons. Trains de nuit bondés de bidasses abrutis de mauvais sommeil.

Attendre un avion dans une immense aérogare où des milliers de gens n'existent pas, ne te regardent pas, ils ne peuvent pas le faire, comment le pourraient-ils ? Attendre un avion à Charles de Gaulle, O'Hare, La Tontouta, Roland Garros, La Guardia, autant de noms durablement liés au ciel. Exaltante, ô combien exaltante cette première marche qui nous propulse vers les nuages, mais tous ces noms malgré tout enchanteurs, sont néanmoins  épouvantablement, pathétiquement, plats et anonymes. Générateurs d'un "rien" glacial. Comme les noms de ces gares qui se déclinent encore dans ma mémoire, dans ma vie des cent mille trains pris. Saint-Charles, Saint-Jean, Perrache, Matabiau, Dax, Larroche-Migennes, Gare de l'Est...

Je pense à ce film dont je ne me souviens plus le titre. Le héros, a perdu ses papiers, il est "prisonnier" d'une aérogare. Il était condamné à errer comme un damné dans un univers prévu pour faire "s'envoler" les gens et qui l'englue irrémédiablement. Pire que le couloir de la mort, pire ou identique, ce couloir de la vie dans cet aéroport. Paraît qu'il y a des gens divaguant dans ces zones de transit international dans certains aéroports. Sans papiers, ils errent et se cognent aux parois vitrées comme des mouches. Pire que des mouches. Attendre, attendre, attendre !

Et si la solution était de transformer une attente passive en attente active ? Si on mettait à profit l'attente pour se transformer ? Comme une chrysalide, ex-chenille qui attend sur sa brindille que des ailes fassent éclater le carcan rigide qui l'enserre. Être sûr de ses ailes, de son devenir, tout autant que l'est la chrysalide. Se transformer en ce que l'on sait. Ce que l'on est. "Deviens ce que tu es" nous dit la petite voix, dans la file d'attente...


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