Magazine Médias

Médiamagouille

Publié le 08 avril 2010 par Ruminances

J'ai lu l'article d'Isabelle Poitte dans le dernier numéro de Télérama. De l'excellent ouvrage. Tout y est. Tout y passe. Manip et télécomplaisance. Un bel orchestre. Pour résumer, on peut dire que le Grand journal est à l'info ce que Richard Clayderman est à la composition musicale : il y a ceux qui aiment et il y a ceux qui s'interrogent. Chacun fera son choix. Depuis pas mal de temps je fais partie de ceux qui abhorrent. Trop facile pour être honnête. Au-delà du concept, l'esprit canal est devenu le prédigéré de la pensée toute faite.

Je ne peux pas m'empêcher d'établir un parallèle entre cette lecture et l'émission sur la deux - avant-hier soir - « les infiltrés ». Nous sommes nombreux à évoquer la nécessité d'un débat public sur le rôle de la télé dans le pays. A vouloir la rendre aussi indépendante et libre que possible. Cela fait trop longtemps que nous payons pour nous faire entuber. La télé et le pouvoir est une vieille histoire, mais en ce moment cela devient vertigineux tant la complaisance et, disons-le, la complicité sont criantes. Les nouveaux monarques du petit écran ne se cachent plus pour réduire en miettes un espace sensé être un espace de liberté destiné à instruire en se divertissant, certes, mais là les limites sont très largement dépassées.

Nous, téléspectateurs-éponge, sommes devenus la manade qu'on conduit à l'abattoir sans état d'âme. Des simples bestiaux. Entre télécomplice et téléracoleuse, il est temps de combattre cette oligarchie qui crame les esprits méthodiquement. D'arrêter cette lobotomie échevelée à laquelle nous offrons collectivement le contenu de notre crâne. Machine à décompenser, la télé est devenue l'usine à broyer de la cervelle. Un immense abattoir. Nombreux sont les professionnels - citoyens honnêtes - qui tirent la sonnette d'alarme, mais qui se plient aux caprices de ces dictateurs, sous peine de se voir ostracisés, placardisés, sinon exclus à jamais de notre quotidien pour l'avoir osé.

Nous avons ici même dénoncé la dernière sortie de Mélenchon sur le comportement - souvent ignoble - des médias. Nous avons même trouvé que Mélenchon avait fait très fort avec un apprenti journaliste et l'avons sévèrement épinglé pour s'être trompé d'adversaire. Faisons abstraction de l'arbre et attardons-nous un instant sur la forêt. Mélenchon, comme Peillon avant lui chez Chabot, a mis le doigt là où ça fait mal, d'où un certain consensus contre lui. Que ce consensus soit conscient ou inconscient cela est une autre histoire, mais le fait est que nous réagissons comme les médias veulent que nous le fassions. L'important dans ces affaires et dans beaucoup d'autres demeure l'objet de la dénonciation : les médias et leur sale boulot. Pourquoi croyons-nous que les émissions sur l'internet se multiplient et rares sont celles qui le présentent comme un instrument de culture et un espace de liberté que le citoyen utilise comme premier et ultime refuge d'un ras-le-bol général ? Comme le bastion de la parole démocratique ? Pourquoi chaque fois les émissions sur l'internet ne tournent-elles pas que sur la pédophilie, la prostitution et les rumeurs ? Pourquoi faut-il que l'internet soit systématiquement diabolisé ? La réponse est dans la question.

Un modèle d'émission racoleuse, « les infiltrés », sur la 2 l'autre soir. Le danger pédophile sur internet. Les états d'âmes des professionnels de la délinquance et de l'information unis dans une même démarche : devons-nous, oui ou non, dénoncer à la police les coupables ? Derrière tant de pudeur nous ne pouvons, au mieux, que ricaner. La bonne grosse ficelle que voilà. Vive l'audimat ! Êtes-vous pour la dénonciation de ces gros dégueulasses ? Réfléchissez bien avant de répondre. Dites oui ou non, parce qu'il n'y a plus de place pour l'atermoiement. C'est oui ou c'est non, point c'est tout ! Qu'en pense le citoyen lambda devant le spectacle offert ? Imaginons le père de famille que je suis, avachi, avinée, secoué, installé devant le petit écran et briquant la sulfateuse pour exploser de la cervelle pédophile dans le quartier et au-delà s'il le faut ! A aucun moment ce citoyen n'aura idée de sulfater son récepteur. Oh, ça, aucun danger ! Le panel de spécialistes sollicités pour la cause accompagnait l'émission tout au long de son parcours. Tout ça au nom de la liberté d'informer. Ah, les missionnaires de l'obscur !

La police de la pensée s'installe dans nos vies, c'est un fait. Certains pensent qu'une telle assertion est exagérée, qu'elle est la partie visible d'une paranoïa militante. Il n'en demeure pas moins que si nous associons la manipulation médiatique dont nous faisons l'objet quotidiennement à coups de marteau-piqueur au discours politique musclé du pouvoir en place nous obtenons un tableau d'une nature assez crépusculaire.


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Ruminances 506 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Magazine