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Les informations cachées dans le rire des hyènes

Par Jpa

Les informations cachées dans le rire des hyènes

On n’a pas envie de rigoler avec les hyènes. Elles semblent moyennement sympa dans les documentaires animaliers – les insomniaques me comprendront. Pensez donc, elles s’attaquent aux courageuses lionnes qui protègent leurs petits. Et puis elles s’esclaffent de ce rire grinçant et sinistre :

Non, les hyènes ne poussent pas ce cri, ce giggle, parce que la savane est drôle. C’est juste une vocalisation qui ressemble à un rire humain. En revanche, ce cri reflète l’âge, l’identité et surtout le statut hiérachique de l’émetteur. C’est ce qu’a montré Nicolas Mathevon, professeur à l’universiré Jean Monnet de Saint-Etienne et membre de l’Equipe neuro-éthologie sensorielle.

“Ces giggles sont des vocalisations qui varient en temps, en amplitude et en fréquence. Elles sont émises dans des contextes de compétition entre individus”, m’a expliqué Nicolas Mathevon. Il vient de publier ses recherches menées avec des chercheurs américains dans la revue BMC Ecology. “On ne s’y attendait pas vraiment, mais en étudiant les caractéristiques acoustiques des giggles, on s’est aperçu qu’ils étaient multi-informatifs”, raconte-t-il. Et parmi les informations “codées”,  la plus prononcée concerne le statut hiérarchique de l’animal dans son clan.

Les hyènes évoluent dans une société matrilinéaire. Les femelles dominent les mâles. Quand une femelle naît, elle reste dans le clan et monte petit à petit dans la hiérarchie. Si c’est un mâle, il est chassé, il erre et s’intègre à un nouveau clan, tout en bas de l’échelle. Les hyènes tachetées étudiées par le chercheur et ses collègues sont “de grands prédateurs qui chassent en groupe”. Mais leur coopération s’achève en même temps que la chasse ; le rapport dominant/dominé reprend le dessus dès qu’il s’agit de manger la proie.

Les informations cachées dans le rire des hyènes

M. Mathevon “aurait bien aimé enregistrer les hyènes dans la nature”, mais l’opération s’est avérée trop complexe. Lui et son équipe se sont donc rabattus sur le seul élevage de hyènes au monde, sis à Berkeley, aux Etats-Unis. Ces 26 hyènes tachetées sont nées en captivité. L’avantage sur la savane, c’est que l’âge et le tempérament des hyènes captives sont parfaitement connus du personnel de l’élevage.

“Nous avons mis chaque individu dans un contexte de frustration et avons enregistré le giggle émis par la hyène quand elle attendait son bout de viande”, souligne M. Mathevon. Avec des méthodes qu’il est mal aisé de détailler ici, les chercheurs ont analysé les parties variables de chaque succession de notes et sont arrivés à la conclusion suivante :

“Le giggle semble ‘transporter’ une large gamme de messages, même s’ils ne sont pas nécessairement tous fiables. Ces informations transmises par les vocalisations, ajoutées aux canaux tactiles, visuels et chimiques assurent aux hyènes une collection de signaux qui sous-tendent leur système social complexe.”

Par exemple, l’enregistrement du giggle inséré au début de cet article est celui de Kadogo, une hyène dominante. Et voici le rire de Ursa, une hyène dominée.


Maintenant qu’il sait que le giggle est “intrinsèquement lié à la hiérarchie sociale et qu’il permet aux hyènes de connaître son émetteur”, Nicolas Mathevon souhaiterait demander à ces animaux très peu étudiés comment ils se servent de ces informations.

Photos et sons : Nicolas Mathevon, Aron Koralek, Mary Weldele, Steve E Glickman, Frederic E Theunissen 


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