Magazine Politique

Bouclier fiscal : quand le dogmatisme paraît...

Publié le 09 avril 2010 par Blanchemanche
Le vernis du bon sens, du pragmatisme et du principe de réalité a fait long feu. Le dogmatisme de Nicolas Sarkozy se dévoile enfin. Au centre de ce dévoilement: le bouclier fiscal. Par Alexie Lorca.
Cette mesure-phare du président de la République, mise en place en 2007 plafonne à 50% des revenus, les impôts directs payés par un contribuable, Contribution sociale généralisée (CSG) et Contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS) comprises.
Pour justifier cette décision, la droite brandit alors le drapeau du pragmatisme : cela doit inciter les expatriés fiscaux à revenir au bercail. Qu’en est-il aujourd’hui ? L’émigration de luxe se poursuit allègrement, tandis qu’au titre de cette manne vertueusement baptisée « bouclier », quelque 16 350 contribuables ultra-privilégiés se sont partagés en 2009, 585 millions d’euros, soit pour chacun un chèque équivalent à 3 années de SMIC !
Selon un récent sondage CSA, 67% des Français se déclarent hostiles au bouclier fiscal. En outre, 87% des sondés sont favorables à une augmentation de la participation des plus riches à la solidarité fiscale.
Le doute commence même à ronger certains membres de la majorité présidentielle qui digèrent mal la raclée reçue lors des élections régionales. « Les Français nous l’ont dit pendant cette élection, ils nous l’ont dit avant et continueront à nous le dire. Donc, il faut suspendre le bouclier fiscal », trompette Bernard Debré. Également dans les starting-blocks, Juppé et Coppé — ministre du budget au moment de la mise en place de cette arme fatale !
Pour ces deux Iznogoud, qui se verraient bien calife à la place du calife, l’idée première est évidemment de caresser l’opinion dans le sens du poil, mais quand même…
Quant aux députés de l’UMP, 13 d’entre eux ont cosigné une tribune appelant à « suspendre le bouclier fiscal pour redonner du sens à la politique »…
Réponse de Sarkozy à ces grincements de dents : « Ne touchez pas au bouclier fiscal ». Deux de ses proches lui emboîtent le pas, dans un duo ahurissant, façon Dupont et Dupond: « Le bouclier fiscal est un bon principe d’équité fiscale », commence François Baroin, nouveau ministre du budget. « Ce bouclier fiscal, c’est un principe à valeur républicaine, moi je dirais même qu’il pourrait avoir parfaitement sa place dans la Constitution française, parce qu’il concerne tous les Français quel que soit leur statut, quelle que soit leur situation », renchérit le député UMP Jérôme Chartier. Les bas salaires et les allocataires des minima sociaux apprécieront…
Bien loin du pragmatisme invoqué à longueur de discours, les choix politiques de la droite gouvernementale relèvent bien du strict dogmatisme. Dans un article intitulé « Psychodrame fiscal », Le Figaro affirme en évoquant le bouclier fiscal, que la défaite aux Régionales « ne justifie pas de capituler en rase campagne ». L’article précise que « sa remise en question ne peut s’envisager que dans le cadre d’une réforme fiscale beaucoup plus large. » Et d’évoquer une « évaluation sérieuse des niches fiscales », mais sans préciser quel axe serait retenu pour cette évaluation. Aujourd’hui, les quelque 486 niches fiscales existantes représentent un manque à gagner annuel de 70 à 75 milliards d’euros. Mais toutes n’impactent pas de façon identique les mêmes bénéficiaires. Les niches de masse (PPE, Livret A, livret jeunes …) sont onéreuses mais profitent au plus grand nombre et non aux plus nantis (88% des ménages sont titulaires d’un livret A). En revanche, nombre de niches sont injustes et ne bénéficient qu’à un très petit nombre de contribuables privilégiés. Parmi elles, les fonds de placement, les investissements dans les DOM-TOM ou encore les dégrèvements au titre de la souscription au capital des sociétés. Ce sont donc d’abord celles-ci — qui profitent aux plus hauts revenus — qu’il convient de supprimer. Est-ce sous cet angle que la droite envisage son « évaluation sérieuse des niches fiscales ? Rien n’est moins sûr. Il convient donc de demeurer extrêmement vigilant, même quand certains épigones de droite prétendent remettre en cause le sacro-saint bouclier fiscal de leur maître à gouverner.
Alexie Lorca, conseillère municipale et secrétaire de section PS de Montreuil.
http://www.mediapart.fr/club/edition/un-monde-davance/article/080410/bouclier-fiscal-quand-le-dogmatisme-parait

Retour à La Une de Logo Paperblog