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Voltaire la raison et les injures

Publié le 10 avril 2010 par Argoul

A propos du ‘Contrat Social’ de Rousseau, François Marie Arouet, dit Voltaire, écrit :

« Si ce livre était dangereux, il fallait le réfuter. Brûler un livre de raisonnement, c’est dire : nous n’avons pas assez d’esprit pour lui répondre. Ce sont les livres d’injures qu’il faut brûler et dont il faut punir sévèrement les auteurs, parce qu’une injure est un délit. » (Idées républicaines, 1762)

I

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Il y aurait tant à dire de notre époque contemporaine, selon Voltaire !

« Nous n’avons pas assez d’esprit pour lui répondre » s’applique évidemment aux cléricaux de toutes religions et de toutes idéologies. Mais plus particulièrement en France aux politiciens, aux histrions des médias comme aux blogueurs qui ne « commentent » que pour dire leur réaction. Peillon, Frèche, Mélanchon, Aubry au conseil municipal de Lille. Mais aussi Bayrou face à Cohn-Bendit ou Hortefeux face aux voyous après Sarkozy devant la racaille. Ou encore à Guillon et son délit de faciès appliqué à Besson. Et tant d’autres.

« Pas assez d’esprit », pensez-y ! Voltaire faisait de la raison, cette faculté d’intelligence, le « bon » sens au-dessus des cinq que sont le regard, l’ouïe, le toucher, l’odorat et le goût.

• Sentir, toucher, goûter sont des sens archaïques, « reptiliens » diraient les spécialistes du cerveau. Il s’agit d’animal, dont l’être humain n’est que le rameau évolué.
• Regarder et écouter fait déjà appel à une autre organisation mentale. Ces sens font de la reconstruction dans le cerveau pour donner une « image » apte à être reconnue, classifiée et mémorisée. L’œil n’est pas une caméra objective ni l’oreille un micro fidèle, mais ces deux sens donnent un schéma utile pour agir et archiver. Il s’agit d’affinités et de passions qui poussent à faire et à se souvenir.
• Seul le « bon » sens s’élève au-dessus de ces instruments. Il est la faculté de réfléchir (de renvoyer une idée en miroir à la réalité présente), de penser (d’organiser ses idées selon un ordre), de concevoir (d’inventer, d’imaginer, de se projeter en actes dans l’avenir).

Nous le voyons sans peine, cette faculté de penser est bien rare parmi les politiciens, les histrions des médias et les blogueurs qui « commentent ». Bien sûr qu’elle existe, cette faculté, mais elle est bien trop rare.

Car il s’agit (séquelles de 68 ?) d’être dans le spontané, l’immédiat, le réactif.

• Le politicien se doit d’avoir un avis sur tout et de promettre de faire ce qu’on demande sur l’heure : il est donc sûr de lui, arrogant, égoïste. Réfléchir ? Allons donc ! « Moi je » sais tout sur tout, je suis l’énarque, le choisi, l’élu : par le système, la société, Dieu lui-même, pourquoi pas ? (n’est-ce pas François ou Ségolène…).
• Les histrions des médias (et par histrions j’entends qu’il ne s’agit pas de TOUS les professionnels des médias) se doivent d’occuper l’antenne, le micro ou la colonne. Pas de temps mort, on est dans la pub, chaque seconde de silence est une auditrice de moins de 50 ans qui zappe ! Réfléchir ? Allons donc ! « Moi je », l’amuseur, le bonimenteur, la force occupante de l’antenne, je n’existe que parce que je tchatche sans arrêt, surtout pour ne rien dire. Mais le silence, c’est ma mort.
• Les commentateurs prolongent parfois les notes qu’ils commentent. Mais, vous le constatez vous-mêmes si vous êtes blogueur, plus des trois-quarts des soi-disant « commentaires » sont des réactions. Au sens le plus réactionnaire du terme : le réflexe, l’émotionnel, le superficiel.

« Si ce livre était dangereux, il fallait le réfuter. Brûler un livre de raisonnement, c’est dire : nous n’avons pas assez d’esprit pour lui répondre. Ce sont les livres d’injures qu’il faut brûler et dont il faut punir sévèrement les auteurs, parce qu’une injure est un délit. »

Il est piquant qu’au pays de Voltaire les propos de Voltaire soient ignorés, les idées de Voltaire soient inappliquées et que le tempérament libéral de Voltaire soit honni par ceux qui prétendent « libérer » les hommes.


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