NUIT D’IVRESSE PRINTANIERE de Lou Ye

Etrangement, c’est avec le prix du scénario qu’est reparti Lou Ye de Cannes l’année dernière, scénario plus ou moins intéressant où tournent les amants dans la vie de Jiang Chen, aux côtés des tragédies (suicides, adultères, violence des sentiments) dans une Chine où l’homosexualité reste un tabou et, aussi, une condamnation à vivre caché, exclu, dans la clandestinité. Ce qui demeure le plus fort dans cette œuvre atone et languide, bien loin de provoquer les même déchaînements intérieurs chez le public que chez les corps et les corps ravagés des protagonistes, c’est cette mise en scène dans l’urgence, véloce, précipitée, qui ose le frontal et l’honnêteté, silencieuse en apparence mais bruyante de fureur dévoilée. Pour cela, Lou Ye n’a peur ni des mots ni des images, filmant les étreintes dans leur entièreté, séquences très explicites qui ne manquent pas de courage dans cette manière d’affronter de plein fouet les vérités. Le cinéaste blacklisté, indésirable dans son pays, fait son film comme si c’était le dernier, s’affole lorsqu’il s’agit d’amour (plans derrière les portes, captation des pulsions avec brutalité et ardeur) mais s’endort, hélas, lorsqu’il s’agit de saisir à bras le corps la noirceur des émotions qui saisissent les esprits. Le film ne cesse alors de voguer sur des eaux successivement déchainées, puis trop calmes, ballotant ses figures d’un extrême à l’autre, et lassant son monde par un systématisme décevant dans l’écriture (justement). Cela donne au final, une œuvre plutôt bancale qui aurait gagné à être raccourcie, perdant pas mal de son intensité dans une volonté bizarre d’étirer jusqu’au néant sa poisseuse morosité.