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Sortie en poche de "Guerres secrètes"

Publié le 18 avril 2010 par Ray

Vient de sortir en folio un des meilleurs livres de Philippe Sollers : Guerres secrètes

Extraits :

"Il y a une guerre incessante : celle qui nous saute à la figure à travers le terrorisme déchaîné par la stratégie directe. Et une guerre plus secrète qui se mène sans cesse, pas seulement économique, et dont les Chinois sont en train de tirer la plupart des fils. Si l’adversaire est unilatéral, je vais faire du multilatéralisme ; comme l’adversaire est capitaliste, je vais devenir encore plus capitaliste. Pratiquer la défensive stratégique, utiliser la force de l’adversaire pour la retourner en ma faveur. Le Chinois s’appuie d’instinct sur la compréhension interne de ce que l’adversaire ose, veut, calcule et est obligé de faire. Il mène une guerre défensive qui peut durer une éternité : sa conception du temps n’est pas la nôtre. Cette guerre peut se prolonger indéfiniment pour user l’adversaire. Elle ne cherche pas l’anéantissement, mais la domination. C’est donc en prenant le point de vue chinois qu’on voit l’histoire de la métaphysique s’achever dans sa propre perversion : dans le nihilisme accompli, qui peut tout à fait être emprunté par la logique chinoise sans qu’elle sorte réellement de sa propre substance. L’être, le non-être, le néant sont redistribués autrement."

"Comment ne pas penser que le Cyclope moderne, incessant, mononucléaire, ressemble étrangement à une caméra ? La caméra enregistre sans arrêt tous les événements du monde, sans parler du fait qu'elle est là, en état de surveillance continue, pour traquer la vie des humains. Cette dévoration constante par la caméra ne va pas jusqu'à la crudité du temps d'Ulysse, à savoir qu'elle mangerait de la viande humaine. Mais enfin, c'est quand même comme cela que ça se passe, dans la mise à égalité de tous les événements les uns par rapport aux autres : cadavres et naissances, actualité de mode, publicité et bourrage de l'estomac représentatif. L'ignorance où la caméra entretient l'humanoïde de sa "proximité" me paraît flagrante. Dans les têtes fonctionne constamment une caméra, sous le signe du "je pense donc je suis", qui en réalité doit s'interpréter par "je me représente donc je crois que je suis moi" ou plus exactement "je crois que je suis ce qu'on me dit de jouer de plus en plus comme rôle".

"Ce qui est habituel, c'est ce à quoi l'autre s'attend. Ce qui est insolite, imprévu, c'est l'irruption du devin que l'autre n'a pas su prévoir. Ne jamais être où l'on voudrait que je sois. Il faut mesurer l'adversaire, s'adapter à ses actes ou à ses intentions, parvenir à le chosifier, à lui "donner matérialité et consistance" en le fixant sur un lieu déterminé. L'adversaire a été dupé par mon stratagème. Mon action virtuelle est parvenue à faire "surgir l'adversaire dans l'univers des formes". La réification de l'ennemi est la plus grande victoire que peut obtenir la stratégie. La chose n'est pas naturelle en quelque sorte, c'est ce qui fait sa vulnérabilté. Le vide au contraire, où l'adversaire se laisse piéger, est ce qui permet l'acte insolite. L'être est miné par le non-être, qui permet la surrection du divin."


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