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La vérité sur… Le bilan de Fadela Amara

Publié le 21 avril 2010 par Forrestgump54

La « dynamique Espoir banlieues » de la secrétaire d'Etat a été rebaptisée par des élus locaux « plan désespoir banlieues ». A juste titre ?

Les critiques pleuvent sur Fadela Amara. A droite comme à gauche. Procès en incompétence, manque d'organisation, absence de résultats… Mais la secrétaire d'Etat chargée de la Politique de la ville, qui tire toute sa légitimité de l'Elysée, n'en a cure. D'autant plus que dans le dernier baromètre Ipsos elle cartonne au Top-5 des ministres les plus populaires. Elle continue donc de s'exprimer sur tout sujet, avec son style résolument provoquant. Dénonçant la campagne « puante » contre Ali Soumaré, affirmant qu'« il faut «nettoyer au Kärcher» cette violence qui tue nos enfants dans les cités » … Bref, Fadela Amara reste droite dans ses bottines. « Je suis dans la même posture que le jour où le président de la République est venu me chercher, soutient-elle. Et Nicolas Sarkozy ne m'a jamais appelée pour me dire son insatisfaction. » Sa satisfaction non plus !
Or son bilan a de quoi décevoir. Même si le travail est ardu. Selon le rapport 2009 de l'Observatoire national des zones urbaines sensibles, la pauvreté en banlieue augmente, le chômage aussi : 16,9 % de demandeurs d'emploi en 2008, deux fois plus qu'au niveau national, 41,7 % pour les hommes de 15 à 24 ans… La crise risque de noircir le tableau, et les mesures de Fadela Amara, lancées en février 2008 sous le nom de « dynamique Espoir banlieues », n'y changeront pas grand-chose car, sur le terrain, le constat est sans appel : ses idées sont devenues des gadgets et l'urgence se compte en années. Les élus parlent désormais de « plan désespoir banlieues ».
Raisons d'espérer
« Nous aurons des bus pour rejoindre Roissy entre 2013 et 2015. Cela aura pris entre quatre à six ans ! s'indigne François Pupponi, maire PS de Sarcelles (Val-d'Oise). Les contrats d'autonomie, eux, ne marchent pas et ils créent des doublons avec les missions locales. » Selon la secrétaire d'Etat, cette mesure-phare destinée à amener les jeunes vers un emploi via des coachs privés « est dans une phase d'accélération ». Le busing – des cars pour emmener des enfants des cités dans les écoles de centre-ville fait un flop : six communes l'expérimentent contre 50 prévues. Sur les 49 maisons de santé créées, seulement quatre se situent dans les quartiers sensibles. Chaque département devait bénéficier d'une école de la deuxième chance pour les jeunes adultes sans diplômes. Seulement trente en sont pourvus. Et cetera, et cetera. Voilà pour « l'espoir » …
Seule réussite : la rénovation urbaine et ses 42 milliards de travaux générés. Mais elle est à mettre au crédit de l'ancien ministre délégué à la Ville Jean-Louis Borloo, avec la création de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru) en 2003. Au final, le plan Marshall des banlieues promis par Nicolas Sarkozy pendant sa campagne ne restera au mieux qu'une belle formule.

Facteurs du ratage
Mais la débâcle n'est pas à mettre sur le dos d'une seule personne. « Fadela Amara a élaboré la politique de la ville, remarque François Pupponi. Mais celui qui doit la piloter c'est François Fillon. Or il ne joue pas ce rôle. » Le Premier ministre devait réunir le comité interministériel des villes tous les trimestres, pour faire le point et mobiliser les ministres. Le dernier remonte au 20 juin 2009. La date du prochain n'est pas fixée.
Tout n'est pas la faute d' Amara, mais il est vrai que l'ambiance de son cabinet – plus dynamite que dynamique – n'arrange rien. En deux ans et demi, une cinquantaine de collaborateurs ont démissionné ou ont été remerciés. Ils se plaignent du caractère de la patronne. « Paranoïaque, peu sûre d'elle, Amara est en perpétuelle lutte contre les autres. En fait, elle n'assume pas du tout d'être dans ce gouvernement », analyse l'un deux. « Elle méprise l'administration, se méfie des hauts fonctionnaires, est en bisbille avec les ministres », continue un autre. Surtout ils fustigent son travail : « Il fallait régler des problèmes particuliers, des expulsions de locataires par exemple, dans la plus grande urgence, alors qu'elle traînait sur des dossiers de fond. Du coup, « elle n'a mené aucune réforme d'ampleur ».
De son côté, Fadela Amara se plaint d'avoir du mal à trouver des « pitbulls, comme Mohammed ou moi, qui ne se laissent pas impressionner lors des arbitrages à Matignon ». Mohammed, c'est Mohammed Abdi, son double. Elle ne fait rien sans lui. Il ne fait rien sans elle. Pendant plus de vingt ans, ils ont milité ensemble au PS de Clermont-Ferrand, puis ont créé l'association Ni putes ni soumises. C'est lui, cet intellectuel à l'air toujours épuisé, qui l'a convaincue d'entrer au gouvernement. Il est devenu son conseiller spécial. Ils entretiennent des relations compliquées, tendues. « Mohammed est parfois excessif, reconnaît le nouveau et quatrième directeur de cabinet, Thierry Tesson. Mais c'est une vraie personnalité, il est l'âme de ce cabinet. » Les deux hommes semblent s'être trouvés. Le dircab « n'est pas énarque et a un caractère généreux », lance Amara Le cabinet s'est apaisé.

Mise à l'écart
Mais au sein du gouvernement, la secrétaire d'Etat a été mise à l'écart. Ce symbole d'ouverture sarkozyste ne cesse de rappeler qu'elle est une « femme de gauche ». Ca énerve. Certains la soutiennent encore, comme Valérie Pécresse, avec qui elle travaille sur les internats d'excellence pour les élèves « méritants » des cités : « Moi, avec Fadela, tout va bien. » Mais, de plus en plus, Matignon et l'Elysée oublient de l'inviter à des voyages (sur la jeunesse à Avignon en septembre, sur l'éducation à Reims en novembre… ). Quant aux relations avec son ministre de tutelle, Xavier Darcos, elles sont glaciales. Nommé en juin, le ministre du Travail a pour mission de remettre de l'ordre à la Ville. Amara apprécie : « Il ferait mieux de se pencher sur les retraites… mais c'est vrai que c'est géré d'en haut ! » Cerise sur le gâteau, en novembre, Le Nouvel Observateur a rapporté une phrase de Darcos à son propos : « Elle croit que la politique de la ville, c'est parler arabe dans les cités et manger des cornes de gazelle dans les HLM. » L'intéressée, « scandalisée », attend toujours des excuses publiques. Fragilisée, elle s'attaque désormais à la grande réforme de la « péréquation » ou comment demander à l'Etat et aux villes riches de donner davantage aux villes pauvres. Dernière occasion de prouver son utilité.

LE FLOP
Contrats d'autonomie :

22 891 contrats signés (45 000 étaient prévus d'ici à fin 2010),dont 28 % ont un emploi ou une formation. Coût jusqu'à fin 2009 : 47,7 millions d'euros.

LE TOP
Internats d'excellence :
2900 places en 2009 et 20 000 places supplémentaires à la rentrée 2010, financées par 500 millions d'euros tirés du grand emprunt.

Néfaste centralisation

Le ministère de la Ville a été créé en 1990. Le premier titulaire de ce poste, Michel Delebarre, était même ministre d'Etat. Puis il y a eu Bernard Tapie, François Loncle, Eric Raoult… En vingt ans, quelle a été l'efficacité de la douzaine de docteurs es banlieues, dont le budget n'a cessé de croître ? « Ils ont eu leur utilité dans les années 1990, quand les actions de la politique de la ville était définies localement par les maires et leurs partenaires », estime Renaud Epstein, maître de conférences en sciences politiques. Avec Jean-Louis Borloo en 2003, l'Etat a repris en main cette politique, dont les objectifs sont désormais fixés au niveau national : réduire les écarts entre les zones urbaines sensibles et le reste du territoire. Sur ce plan, « l'échec est patent et était prévisible, car les problèmes de Vierzon ne sont pas ceux de la Seine-Saint-Denis ». Même la rénovation urbaine a raté son but « car elle n'a pas changé la population des quartiers ». Bref, le ministère de la Ville pourrait, selon lui, passer aux oubliettes.

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