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Rencontre avec Todd Haynes autour de "Velvet goldmine"

Par Vierasouto
  Les génies sont sympas? Ceux qui la ramènent sont souvent des demi-sels et Todd Haynes est un type infiniment sympathique qui joue dans la cour des grands en égrenant sereinement un chapelet de films parfaits, exécutant souplement le grand écart entre la critique sociale et les icônes du rock avec un facteur commun : le film daté : les années 50 dans "Loin du paradis", les années 70 Glam rock dans "Velvet goldmine", les années 80 dans "Safe", les années 60 de Dylan dans son prochain film "I'm not there" qui sort en salles le 5 décembre et dont il présentera l'avant-première demain au cinéma des cinéastes, ça promet d'être bondé, il vaut mieux arriver tôt pour acheter une place.

Après la projection de "Velvet goldmine", dix heures et demi du soir, Tood Haynes vient répondre aux questions du public et il y serait encore s'il n'avait tenu qu'à lui... Ce film est voyamment dédié à David Bowie, icône glam rock icônissime, alors pourquoi son absence dans le film? Parce qu'il a refusé, Todd Haynes raconte des démarches pour obtenir l'accord de David Bowie. Au départ, il avait prévu dans le scénario sept chansons de Bowie mais pas toutes les chansons du film. A l'arrivée, il n'en aura aucune et sera obligé de revoir sa copie avec des chansons de Bryan Ferry et d'Iggy Pop, Brian Eno, etc... Raison invoquée au téléphone par Iman Bowie à Todd Haynes, son mari aurait eu l'intention de faire lui-même une comédie musicale en se basant sur "Ziggy stardust".
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Todd Haynes cherche à retrouver visuellement au cinéma les sensations de la musique, par exemple, s'agissant du film "Velvet goldmine", il l'a filmé dans le style glam rock et pas seulement en racontant la vie d'une star du glam, mais en soignant les décors et les costumes glitter, en utilisant beaucoup le zoom comme on le faisait dans les années 70 et 60 (il en a fait aussi dans "I'm not there"). Sur le fond sociétal, ce qui l'a intéressé dans la période Glam rock c'est le reconnaissance de la bisexualité, du moins  le début, qui gênait et gêne encore aujourd'hui autant les héteros que les gays. Un spectatrice interviendra pour dire que les images sont encore choquantes aujourd'hui, qu'étant jeune en 70 dans un pays totalitaire, il lui était interdit de voir les images, elle ne connaissait alors que la musique.
On demande à Todd Haynes une anecdote sur le tournage du film, il en a une : Ewan Mac Gregor doit tourner une scène où il chante en concert, une seule indication sur le scénario « to moon the audience », ce qui veut dire « montrer ses fesses au public », pris dans sa performance assez exceptionnelle, il oubliera, désolé…
  Rétrospective intégrale Todd Haynes avec :
"Safe" (1995), "Loin du paradis" (2002) (mercredi 28), "Velvet goldmine" (1998) (jeudi 29), "I'm not there" (2007) (vendredi 30), leçon de cinéma précédée de 3 court-métrages et un film surprise ("Superstars"???), "Poison" (1991) (samedi 1er), on peut regretter que ces films ne soient projetés qu'une seule fois car, excepté "Loin du paradis" et "Velvet goldmine", ils sont difficiles à trouver en dvd zone 2.

   
"Velvet goldmine" (1998) : baroque Glam rock

Brian Slade est assassiné sur scène lors de son dernier concert, c’est un gag pas drôle, on ne l’apprend que le lendemain mais il a disparu à jamais. Dix ans plus tard à NY, un journaliste du Herald tribune est chargé de faire une enquête sur le chanteur Brian Slade, icône Glam rock, sosie de Bowie, scandaleux dans le Londres post-hippie, qui pourtant en avait vu d’autres, en affichant sur scène son maquillage outré et sa bisexualité.
Dédié à Oscar Wilde, en faisant un crochet par Dublin où est né l’ancêtre des dandys, le film démarre dans le Londres des Mods s’opposant aux rockers : les Mods étaient des dandies qui mettaient du mascara et de laque, se damnaient pour une belle veste moulante. Post-hippie, le mouvement Mods annonce le Glam rock au début des années 70. Bien que le film n’en parle pas, un groupe totalement oublié se manifeste à cette époque, grincheux, sale et moche, accent cokney, mais juché sur des chaussures à plate-formes : Slade comme le patronyme du héros. Les Glam vont chausser les platforms shoes immenses en cuir nacré acidulé, des bottes violet métallisées posées sur des talons compensés géants, comme en porte Brian Slade dans le film. Les tenues sont insensées, tenant à la fois des dandys décadents, moulés dans des jaquettes en velours noir, le regard charbonneux, les cheveux gominés, et des travestis genre carnaval de Rio portant col en plumes colorées et combinaisons argentées, scintillantes, pailletées, glitter, extra-moulantes. Le maquillage outrancier, les cheveux teints en vert pour Brian Slade, les ongles bleus ou noirs. Le Glam, c'est glitter, tout ce qui brille et "tout ce qui est glitter est gay" dit un comparse dans le film...
Brian Slade (Jonathan Rhys-Meyer) va épouser Mandy (étonnante Toni Collette), formant avec elle un couple de jumeaux se coiffant pareil, qui fait penser au Brian Jones** des dernières années avec Anita Pallenberg***, sa compagne de l’époque tous deux coiffés de casques de cheveux blonds mi-longs raides comme des baguettes. D’ailleurs, le chanteur des années 80, années fric, années frime, années parano, s’appelle Tommy Stone. On a Brian, on a Stone…
Le journaliste du Hérald (Christian Bale), dont Todd Haynes a dit après la projection que ça le représente, lui, dans le film, comprend en faisant son enquête combien Brian Slade et Curt Wild ont bouleversé son adolescence et sa vie, de narrateur, il va devenir acteur du récit. En toile de fond, la bisexualité revendiquée, assumée, Brian Slade aime les hommes aussi, comme sa femme, c’est ce qu’il répond en conférence de presse, des journalistes quittent la salle… Son  nouveau compagnon, Curt Wild, chanteur rock New-Yorkais, ressemble à s’y méprendre à Iggy Pop, concert dans le film où Ewan Mac Gregor, cheveux filasse albinos, torse nu, chante (lui-même) et se roule par terre… Mine de rien, le Glam est un mouvement militant, les hippies prêchaient l’amour libre, le Glam la transgression des tabous, les Punks remettront les compteurs à zéro avec le «no future» (et aujourd’hui, dans un désert créatif, les majors comptent leurs sous en rééditant des compil).

Ewan McGregor

© Collection AlloCiné / www.collectionchristophel.fr Galerie complète sur AlloCiné


C’est très difficile de raconter ce film, opéra baroque, comédie musicale, conte surréaliste où se mélangent le rêve et le réel, le spectacle à la scène et la théâtralité à la ville. Une pluie de qualificatifs élogieux vient à l’esprit avec un adjectif qui s’impose : éblouissant, on est totalement ébloui, bluffé par l’inventivité et le talent du réalisateur, immergé dans le cinéma, le spectacle, la musique (géniale BO), on en redemande, 2 heures tellement vite passées, encore un autre concert… C’est un peu l’esprit de «Phantom of paradise» de De Palma, excusez du peu, mais en plus immense, plus ambitieux, plus ample, un feu d’artifice à l’image du Glam, un coup de génie, un film qui balaye toute pensée parasite sur son passage et kidnappe vos neurones dès la première image, le premier accord, un enchantement addictif, un vrai trip! Une pensée en sortant, une seule, trouver le DVD, revoir ce film…
** Brian Jones : premier guitariste des Stones mort en 1969 d’une overdose.
*** Anita Pallenberg, compagne allemande de Brian Jones, muse des Stones, actrice à ses heures, comme Marianne Faithfull, elle quitte Brian Jones pour Keith Richards.


un site très complet sur le film... 

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