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Trop d’anime tue l’anime

Publié le 14 mars 2010 par Luxyukiiste
Trop d’anime tue l’anime
ou : j’ai encore raté ouatmille épisodes…

Lors de mon arrivée dans la communauté animefan française, j’ai découvert un site communautaire assez populaire dans le coin : MyAnimeList. A la fois encyclopédie (tout est relatif), forum de discussion et social networking, le site permet surtout de se créer un profil grâce auquel on peut tenir des listes de ce que l’on regarde, ce que l’on a vu, ce qu’on aimerait regarder, en animation comme en manga. Les utilisateurs peuvent aussi poster des recommandations, qui permettent de découvrir quelles séries se rapprochent de nos favorites. Comme je l’ai brièvement expliqué précédemment, l’industrie de l’animation japonaise propose chaque saison une nouvelle fournée de séries : prenons l’exemple de l’imminente saison du printemps, où c’est presque une trentaine de nouvelles séries ou suites qui apparaîtront sur les écrans. Généralement, j’essaye de limiter les matages pour ne pas m’y perdre et être sûr de les mener à bien. C’est ce que je m’étais dit pour la saison de cet hiver ; pourtant, j’ai fini par afficher cinq animes suivis simultanément sur MyAnimeList. Pour certains, ce n’est rien : pour moi, c’est beaucoup. Et, suite à différents évènements, j’ai bien du finir par me dire que, olalah, j’étais bien en retard et que je ne savais plus trop quoi faire…

Trop d’anime tue l’anime

Pendant la diffusion des séries de l’hiver, je me suis mis en tête de proposer quelques articles à ce propos, au début, pendant ou à la fin de la diffusion. C’est tenable au début, mais à force, je me suis rendu compte que je prenais du retard et que si je voulais, d’une, avoir d’autres activités, et de deux, suivre mes études, je ne pouvais pas rester à la page en suivant trop de séries. La question se pose : pourquoi tout suivre en live ? Première idée : parce qu’on a déjà vu des dizaines de séries et qu’on n’a plus grand chose à se mettre sous la dent, à part ce qui sort. Ce n’est clairement pas mon cas, et j’y reviendrai. Deuxième idée : parce que d’autres les suivent. C’est clairement une des raisons qui me pousse à le faire, et c’est aussi le principal facteur socialisant des séries : se jeter sur son clavier pour partager ses impressions, sa surprise, sa déception ou ses suppositions, défendre son personnage préféré, bref, vivre un engouement partagé qui permet de se raccrocher au groupe comme d’exprimer ce que l’on a ressenti. Le souci, c’est qu’en prenant du retard, on s’expose à un décalage qui fait qu’on ne peut plus discuter avec les autres, d’une, et qu’on risque de se faire spoiler grave, de deux. Comme je n’aime pas rusher pour rattraper, je finis plutôt par me décourager et me dire, « A quoi bon ? ». On peut se demander si cela a vraiment un intérêt.

Trop d’anime tue l’anime

Troisième idée qui découle de la seconde : parce qu’il y a une polémique à suivre et qu’on veut la relayer sur son site/blog/forum. La victime de cette saison était Sora no Woto ; passer à côté, c’était prendre le risque de zapper le sujet en vogue et une possibilité de s’attirer des visites voire des commentaires. On n’est pas obligé d’y voir du suivisme ou une attitude d’attention whore : quand on crée quelque chose qu’on veut montrer, il est normal de chercher à être vu et lu, le tout est de l’admettre. Le problème, c’est que la multiplication des articles et des discussions peut lasser, et empêcher d’apprécier et de juger une série en toute simplicité. Il se passe la même chose sur les blogs que dans les grands médias : des sujets prennent plus de place que d’autres, et pas toujours pour les bonnes raisons. Certains sites finissent par avoir le pouvoir d’indiquer le chemin à suivre et les sujets en vogue. De plus, dans le feu de la diffusion, les esprits sont toujours dans l’expectative, il n’est pas toujours facile de lire des avis mesurés et tranquilles, et même d’en avoir un. En gros, ça peut être un bon moment, comme ça peut être le bordel ; l’idée peut alors venir, soit d’ignorer les discussions, soit de regarder dans son coin. Est-ce vraiment ce que nous voulons pour notre communauté ?

Trop d’anime tue l’anime

J’avais déjà plus ou moins expliqué les éléments qui me dérangent dans le monde moderne, et la rapidité accrue des échanges couplée à l »explosion des oeuvres disponibles crée une sorte de monstre qu’on retrouve dans plusieurs formes d’art : par exemple, chaque année, la rentrée littéraire voit un flot de livres arriver dans les librairies, qui ne savent pas comment les ranger et finissent certainement par crouler sous les invendus. Plus la technologie évolue, plus la quantité d’oeuvres produites augmente, c’est ce que mes cours d’Histoire de la presse, de l’écriture et de l’imprimé m’ont appris : décennies après décennies, on voit les techniques évoluer, les postes se développer, les bibliothèques apparaître. Elles stockent de plus en plus de livres, petit à petit, les nombres doublent, triplent, etc. Maintenant, la production industrielle de livres, films, musique, ainsi que l’existence d’outils accessibles aux particuliers fait qu’on ne sait plus où donner de la tête. Et en plus du nombre, il y a la vitesse : une oeuvre chasse l’autre, on zappe plus qu’on ne se concentre, surtout si, comme le sous-entendait le point 3, on regarde uniquement pour lâcher sa petite phrase ici ou là. Ce qu’il est important de dire à propos de tout ça, qui semble parfois nous échapper et qui vaut pour toute entreprise à haute puissance médiatique et promotionnelle, c’est que personne n’est obligé de suivre.

Trop d’anime tue l’anime

Prenez la télé-réalité : mouvement de masse par excellence, extrêmement critiquée lors de l’apparition de Loft Story, elle a fini par s’attirer les faveurs d’un public traditionnellement critique envers ce genre de programme qui manifeste son détachement et son second degré dans le fait de se planter devant ces émissions. Il faut dire qu’en tombant dessus, il est difficile d’éloigner ses yeux des auditions de la Nouvelle Star qui sont toujours un grand moment aussi dramatique que drôle. Sauf qu’au final, il n’y a pas de différence entre celui qui regarde au premier degré et les autres : s’ils parlent ensuite du programme, ils le populariseront autant que la jeune fille fan d’Amel Bent qui fait la queue pour son audition après s’être entraînée dans sa salle de bain. Comme je le disais, suivre ces programmes est un facteur important d’intégration sociale, et ne plus être à la page peut être une forme d’exclusion. L’autre solution, c’est de s’éloigner volontairement, d’affirmer son opposition avec les risques que cela comporte. Rares sont les loisirs, artistiques ou non, qui ne sont jamais partagés ; pour avoir fréquenté et fréquenter encore les milieux alternatifs, autant politiques qu’artistiques, les squats, les salles de concert indépendantes, et d’autres choses, je n’ai jamais senti de solitude, quand bien même les idées traditionnellement défendues dans ces milieux s’éloignent de la pensée majoritaire. Ce qui est en jeu, ici, c’est de mêler la passion à l’esprit critique, et d’affirmer sa personnalité.

Trop d’anime tue l’anime

Le nombre des sorties crée un effet pervers chez les vingtenaires que nous sommes et qui avons suivi le développement de la culture, des médias de masse et de la technologie : l’idée qu’en dehors de la nouveauté, il n’y a point de salut, et qu’avec tout ce qu’on a entre les mains chaque jour, il n’est plus utile d’aller voir derrière soi. De plus, il est tellement plus facile de remplir son disque dur avec les films et séries actuelles, dont les TV rip, Blu-Ray rip et autres sont disponibles en torrent, contrairement à d’autres oeuvres plus anciennes et moins aisées à trouver. Mon propos, ici, n’est pas de vanter une époque prétendument supérieure en qualité, ce qui serait d’autant plus idiot et malhonnête vu que je ne peux pas prétendre avoir une vision d’ensemble du cinéma, de la japanime, etc. Cependant, le risque que l’on court ici est de faire disparaître la mémoire et l’histoire, pour les remplacer par l’instantané permanent, le rapide, le facile, sachant qu’en plus, l’économie capitaliste quand elle se mêle à l’art a la particularité de tout adoucir et aplanir : elle reprend tout, les oeuvres polémiques et les mouvements alternatifs (punk, rock) pour les transformer en un bruit de fond indolore vidé de sa substance. C’est d’ailleurs la même chose pour la nourriture et les relations humaines. Du faux.

Trop d’anime tue l’anime

Quand je me suis dit que j’allais suivre assidûment les séries en direct, je n’ai pas réfléchi aux manques que j’avais par rapport aux anciens titres. J’ai fini par me dire que cette fuite en avant allait me priver de ce qui avait fait date dans la japanime, et surtout de ce que je pourrai regarder paisiblement sans souffrir des trolls et des mouvements de foule. Voilà pourquoi je me suis réfugié dans une série paisible comme Kamichu!. Maintenant, je ne souhaite pas pour autant me priver de ce qui est diffusé car on trouve toujours des titres intéressants (qui a dit Durarara ?), et le format série étant fait pour être suivi en direct, c’est quand même la meilleure façon de les regarder. De plus, quand on trouve les bons interlocuteurs, c’est un réel plaisir d’en discuter. Cependant, j’ai trop de choses à faire pour me laisser manger par ce mouvement perpétuel qui caractérise l’époque actuelle. Le temps est une valeur qui se perd : autour de nous, rien ne nous en laisse, et il est surtout mangé par d’étranges entités sournoises qui en veulent à notre argent. Est-ce que trop d’anime tue l’anime ? Ce qui est sûr, c’est que le marché continue de poursuivre sa course, même en marchant sur la tête ; c’est donc à nous, spectateurs, de réfléchir à nos comportements et de la façon dont nous voulons y participer, ou non.


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