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Burquatastrophe

Publié le 26 avril 2010 par Laurelen
Burquatastrophe Après la taxe carbone, le vaudeville de la rumeur de coucheries au sein du couple élyséen, l'affaire du prince Jean, et d'autres gags, dont le génial débat sur l'identité nationale, le gouvernement se prend les pieds, cette fois, dans un bout de tissu.
Acte un : à Rézé (Loire-Atlantique), une automobiliste en burqua se prend un PV de 22 euros au motif que sa tenue vestimentaire réduit son champ de vision. Acte 2 : la dangereuse délinquante convie la presse pour raconter sa mésaventure. Acte 3 : Brice Hortefeux dégaine en attaquant le mari de la dame, qui appartiendrait "à la mouvance radicale du tabligh et vivrait en situation de polygamie, avec quatre femmes dont il aurait eu 12 enfants".
Chacune de ses épouses toucherait l'allocation parent isolé (l'argent braguette, en bon français), et, bien sûr, les allocations familiales. Au passage, admirez l'usage du conditionnel...

Déchusion

Du coup, Brice, le surfeur de l'opinion public, demande à son pote Besson que le polygame présumé soit déchu de sa nationalité française. Un super coup pour l'UMP, et son chef Nicolas, qui veulent récupérer les électeurs FN perdus lors des régionales. Et ça tombe bien, en plein débat sur une loi qui interdirait la burqua. Sauf que, comme d'hab, les ministres de Sarko, pourtant des gens cultivés, fins politiques, stratèges nés et tout, se sont pris les pieds dans le tapis (de prière) : la loi est claire, et la déchusion -on dit bien bravitude- de la nationalité française, prévues par l'article 25 du code civil, sont très restrictives. Il faut, en gros, que le mauvais Français se soit rendu coupable de haute trahison. Quant à la polygamie, elle sera très difficile à prouver : le gars ne s'est évidemment pas marié quatre fois devant monsieur le maire... Il revendique d'ailleurs lui-même "avoir des maîtresses". Comme Ribéry ou Berlusconi. Tromper sa femme, ce n'est pas très moral, mais c'est légal. Et le gars se paie ouvertement la fiole d'Hortefeux.

Cette opération commando ratée peut quand même marcher. Pas besoin de micro-trottoir à la TF1 pour s'en rendre compte. Il suffit de laisser traîner ses oreilles chez les zoreys. Ainsi, sur cette terrasse d'un café de Bordeaux, une mamie lâche "C'est avec nos impôts qu'on paie leurs allocations. Ils se font 10 000 euros par mois". "Ils", ce sont les Arabes, bien sûr. Sur le front de mer ensoleillé des Sables d'Olonne, dans un département pourtant peu concernée par l'immigration (la Vendée), ce sont deux jeunes femmes bien mises et fort jolies, qui commentent : "Ca commence à bien faire, il faut les virer, ils viennent ici pour nous pomper notre fric". Qui ? Ben les Arabes, bien sûr. Un discours qu'on entend aussi par chez nous à propos des "Comores". Mais, c'est bien connu, à la Réunion, le racisme n'existe pas. Dernier point à Toulouse, dans un bistro populaire près de la gare Matabiau. Une majorité de clients (que des hommes, sauf une fille qui lit Voici) d'origine maghrébine, comme le patron. C'est un soir de foot. A la télé, Marseille bat Saint-Etienne. Et ici, tout le monde se lève pour l'OM. Les droits de l'OM, OK, mais ceux de la femme ? On pose la question à nos voisins de bar : "Qu'est ce que tu crois ? Qu'on enferme nos femmes ? J'en ai marre qu'à la télé on nous montre comme ça, comme des intégristes, ou des parasites. Ma copine est étudiante à la fac de Toulouse. Tu crois que je vais lui demander de mettre une burqua ?". "T'es journaliste ? T'en as vu beaucoup des burquas à Toulouse ?", me demande un quadragénaire avec un sourire Signal.
Ben non. J'en ai pas vu. Ni à Bordeaux. Ni en Vendée. Ni non plus à Paris, ou à Biarritz. Ah, si, deux, à Saint-Denis. Pas le nôtre, l'autre, celui du 9-3.
Mais bon, on comprend notre président. Avec un taux de chômage qui bat des records, un débat sur les retraites qui atteint des sommets, et un pouvoir d'achat en berne, il faut bien trouver des dérivatifs pour des Français démoralisés. La burqua, c'est bien. Ca occupe, et ça fait causer dans les bistros.

François GILLET

Dessin Na, avec l'aimable autorisation d'Infos matin

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