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Crédit à la consommation : une activité en difficulté

Publié le 27 avril 2010 par Sia Conseil

Crédit à la consommation : une activité en difficulté La production de crédit à la consommation a enregistré un recul historique en 2009. Les établissements spécialisés constatent en effet une chute de leur production nouvelle de 13,3% sur l’ensemble de l’année. L’Association des Sociétés Financières (ASF) estime d’ailleurs qu’il s’agit de l’année la plus médiocre depuis 45 ans.

Plus précisément, le prêt personnel est le produit le plus affecté avec une baisse de 22,8 % de la production. Viennent ensuite les crédits renouvelables (-11,2%), puis le crédit affecté au financement d’un bien spécifique. Le bilan est néanmoins plus nuancé pour ce dernier : si la tendance est orientée à la baisse concernant le financement d’équipements du foyer (-13,3%), la production de financement de véhicules neufs était à nouveau positive au dernier trimestre 2009 (+15,7% en rythme annualisé).

Par ailleurs, le recul des prêts personnels est d’autant plus préoccupant que ce produit a été « soutenu » par le succès des rachats de crédit, qui ne financent pas directement l’achat de biens, mais qui permettent de regrouper et de rééchelonner des crédits existants contractés auprès de plusieurs établissements.

Si le rythme de décroissance se réduit début 2010, la production mensuelle continue de chuter par rapport à 2009 (-8,6% en janvier et -4,7% en février), ce qui peut présager d’une troisième année de baisse consécutive.

Crédit à la consommation : une activité en difficulté

Le rôle de la crise économique dans le ralentissement de l’activité

La crise économique n’est évidemment pas étrangère à ce constat et explique en partie les difficultés observées.

D’une part, les ménages français, fragilisés par la conjoncture actuelle, ont modifié leurs profils de dépense. Certes, le niveau de la consommation s’est maintenu au cours de la période (+0,7% en 2009), mais le recours au crédit a diminué sous l’effet de deux leviers. En premier lieu, la chute des dépenses d’investissement (-9,6% en 2009), qui incluent notamment les achats de logement neufs, a libéré des ressources permettant de financer les achats de biens et de services. Ensuite, l’inflation modérée (0,1% en 2009 contre 2,8% en 2008, en moyenne annuelle) a permis d’assurer une certaine continuité du pouvoir d’achat. Le revenu disponible ainsi libéré a augmenté la capacité d’autofinancement des dépenses des ménages, diminuant en partie le recours au crédit. Ce mécanisme permet par ailleurs d’expliquer la hausse simultanée des dépenses de consommation et du taux d’épargne des ménages (16,5% du revenu disponible à fin 2009 contre 15,5% à fin 2008).

D’autre part, les conditions d’octroi des établissements de crédit se sont durcies. En effet, face à l’augmentation de l’insolvabilité, les organismes prêteurs n’ont d’autres choix que de resserrer leurs seuils d’acceptation (cut-off), impliquant par conséquent une baisse d’activité. Cela s’explique notamment par la précarité de l’emploi, qui accroît le risque de défaut de paiement des ménages. Ainsi, le coût du risque courant 2009 s’élevait à 1,57% contre 0,95% sur l’ensemble de 2008.

Des causes plus profondes

Cependant, la conjoncture économique ne semble pas expliquer à elle seule la baisse de l’activité. Le crédit à la consommation traverse actuellement une crise de confiance, qui peut s’expliquer par plusieurs facteurs.

Tout d’abord certains emprunteurs ont nettement sous-estimé l’impact des crédits à la consommation sur leur budget au quotidien. Les conditions de prêt sont parfois mal perçues par les consommateurs sur les lieux de vente, notamment en ce qui concerne le coût du crédit ou  la durée de remboursement dans le cas du crédit revolving. Affaiblis par ailleurs par la crise, un nombre croissant de ménages a eu recours à la multi-détention de crédits, auprès de plusieurs organismes. Les plus fragiles d’entre eux ont été contraints d’opter pour des rééchelonnements (généralement payants), des rachats de crédit (en augmentation significative), ou des procédures de surendettement. Selon la Banque de France, le nombre de demandes d’aide dans les commissions de surendettement a progressé de 11% entre juin 2008 et mai 2009.

Ensuite, d’autres clients, parfois avertis, ont eu le sentiment de se voir imposer une offre de crédit. C’est notamment le cas des cartes de fidélité de grandes enseignes automatiquement couplées à une réserve de crédit revolving, ou de lignes octroyées par pré-acceptation, sans demande préalable du client. Ce sentiment intervient également lors d’une demande de crédit, lorsque le consommateur est aiguillé vers une carte de crédit alors que son besoin de financement ne concerne qu’une dépense ponctuelle.

Le dernier facteur est la recrudescence d’actions coup de poing de la part des associations de consommateur et du gouvernement, notamment dans le cadre de la transposition de la nouvelle Directive européenne visant à encadrer le secteur, qui est venue cristalliser les pratiques de certains acteurs dans l’esprit des consommateurs. Ceci a contribué, à n’en pas douter, à alimenter et médiatiser une réticente croissante envers ce mode de financement.

Quelles perspectives pour les années à venir ?

La baisse de la production de crédits à la consommation s’expliquant en partie par la situation économique actuelle, il est à prévoir que les établissements spécialisés n’enregistreront pas de retour à la normale avant un à trois ans.

Dans l’attente, certains facteurs supplémentaires peuvent venir grever d’avantage le secteur. Si la déclinaison de la nouvelle Directive cette année n’apportera finalement que peu de bouleversements en la matière (absence de fichier positif, non découplage des cartes de fidélité…), la réforme pressentie du taux d’usure pourrait avoir davantage d’impacts. En diminuant le taux d’usure du crédit revolving, sa rentabilité s’en verrait amoindrie et pourrait amener les acteurs du marché à revoir significativement leur modèle économique et leur politique de distribution. On peut également citer le lancement des gammes de cartes « débit crédit », par certains réseaux de banque de détail, qui viennent concurrencer les sociétés spécialisées sur certains segments de marché.

Pour faire face à cette baisse des volumes et des marges, les acteurs devront mettre en place des stratégies fondées sur l’innovation et la diversification. Concernant les produits, on peut penser notamment à des offres conjointes de crédits et de produits d’épargne, ou des produits sur mesure à destination de segments stratégiques (jeunes actifs, séniors…) Concernant les services associés, on peut penser au développement d’espaces dédiés au suivi des utilisations et à la maîtrise de la consommation sur Internet, ou de rencontres avec des conseillers spécialisés afin de maintenir une relation dans la durée.

Sur le marché extérieur, on pourrait par ailleurs assister à un regain d’investissements à l’international, tout en capitalisant sur les efforts d’internationalisation déjà entrepris par les acteurs français au début des années 2000. Il peut s’agir de se renforcer dans les NPI ou sur des marchés à fort potentiel, moins affectés par la récession (Brésil, Russie, Inde, Chine). A titre d’exemple, on peut citer les récents accords de partenariat entre Crédit Agricole Consumer Finance et GAC, quatrième constructeur et distributeur d’automobiles chinois.

Mais à long terme, la stabilité et la pérennité de l’activité résideront certainement dans un renouveau de démarche de crédit à la consommation. Les consommateurs, désormais sensibilisés à ces aspects et au risque du surendettement, souhaiteront à n’en pas douter être davantage rassurés et encadrés avant de souscrire à de nouvelles offres, notamment sur le choix du type de crédit et de la durée les plus adaptés. Il s’agit notamment leur proposer des approches différentes, pour les aider à piloter leur budget global et tout en leur donnant accès aux biens à la consommation. Et par ailleurs empêcher, de manière volontariste, un emploi comme solution de dernier recours. Cela suppose une adaptation en profondeur, qui s’inscrit au-delà des campagnes de communication, afin d’aligner les processus de distribution sur de nouvelles promesses client.

Sia Conseil


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