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Mon oncle

Par Grocher

 Mon oncle

Vidéo

Ce troisième long métrage de Jacques Tati nous fait retrouver ce même Monsieur Hulot, toujours aussi imprévisible, désinvolte et vivant en marge d'une société qui , déjà à cette époque, se montrait de plus en plus déshumanisée. Cet homme simple et insouciant vit heureux et en bonne harmonie avec son entourage, dans son petit appartement mansardé. Son quartier a gardé une certaine ambiance de "village" et de convivialité. Les copains de son ""petit domaine" sont tous des gens aussi simples que lui, des personnages typiques, refaisant le monde, vivant en  dehors des tracas de la vie moderne, de ses gadgets et de ses principes complexes. Il n'y a qu'à voir la joie de son filleul  lorsque Monsieur Hulot vient le "tirer" du monde hyper sophistiqué dans lequel il évolue. Avec son oncle, il peut jouer en toute liberté dans le terrain vague du vieux quartier avec les garnements du coin. Malheureusement, tout bonheur peut parfois avoir une fin. Monsieur Hulot, passant pour le parasite de la famille, est embauché dans l'usine ultra-moderne dont son beau frère est le directeur. L'adaptation ne se fait  pas sans mal et la vie de "Mon oncle" perd son charme car en même temps que l'existence de Monsieur Hulot, celle de son vieux quartier évolue bien mal, avec l'arrivée des bulldozers et... du béton.  

Mon oncle

 A nouveau, avec cette troisième réalisation long-métrage de Jacques Tati, on ne peut que rester sous le charme de ce grand homme dégingandé, rêveur et éternel adolescent. Il est heureux de vivre en ayant pour toute fortune  plein de tendresse et de joie de vivre. Bien sûr, il est inadapté à la vie moderne dans laquelle sa soeur et sa famille plongent à corps perdu avec une frénésie de snobisme.  Monsieur Hulot, à part ses visites de courtoisie chez sa frangine, coule des heures douces et paisibles. Tous les personnages très typiques de son quartiers représentent le panel d'un bonheur qui s'est arrêté à la fin des années cinquante. Chacun, de l'ivrogne guidé par son chien au balayeur posant son balai au passage des habitués, histoire de bavarder un peu, a ses petites habitudes, qu'elles soient bonnes ou mauvaise. Et puis il y a ce terrain en friche où Monsieur Hulot emmène son neveu se défouler, salir un peu son short et sa veste impeccable, au grand dam de sa mère. La surprise est là avec le vieux marchand de gaufre servant aux enfants ce "trésor inestimable" qu'ils dévorent avec (horreur!) leurs mains toutes sales. La maison dans laquelle vit le neveu de Monsieur Hulot est un refuge d'appareils automatiques "dernier cris", se déréglant très souvent. Ici, tout doit être organisé et stérilisé. Les réceptions ne peuvent être que mondaines, frisant le mauvais goût. En fait, chez ces gens aisés et à la pointe de la modernité, tout ne va pas si bien qu'ils nous le laisse croire, on se crée des tas d'obligations et de cérémonials. La femme est esclave de son ménage et de l'éducation de son fils, d'un mari directeur se croyant indispensable, soucieux, strict et continuellement "aspiré" par son entreprise. Pour Monsieur Hulot, tout est dans la simplicité et ça ne va effectivement pas si mal... jusqu'au jour où il devra suivre la discipline du travail en usine.  Outre les catastrophes qu'il provoque,  il s'ennuie et se montre inadapté à cette vie. Tout ira encore plus mal lorsque l'armée des engins de chantier commenceront à s'acharner sur son petit quartier sympa en commençant à s'en prendre, comme un symbole, au petit terrain vague, havre de jeux et de liberté des enfants. La belle vie se termine également pour Monsieur Hulot, quittant avec fatalisme sa mansarde, pour partir avec ses quelques affaires vers un lieu soi-disant "civilisé et moderne".

Mon oncle

  Lorsqu'on a le bonheur de revoir un petit bijou tel que celui-ci, il s'avère que l'on arrive toujours à découvrir un petit détail croustillant qui nous avait échappé. Il faut dire que Jacques Tati est coutumier du fait. Ce film est une magnifique peinture de notre société actuelle qui, à l'époque, pointait déjà le bout de son nez. Ce n'est pas que Monsieur Hulot était un passéiste, bien au contraire. Il se contentait de nous avertir par ses merveilleux messages en images des dangers d'un monde moderne uniformisé et déshumanisé, boudant le droit à la différence. Il ne rejetait pas l'idée de travailler, mais il décrivait les limites à ne pas franchir dans l'exploitation et l'utilisation de l'homme dans le monde du travail. La liberté se sauve: le chef d'entreprise sacrifie sa vie familiale avec l'orgueil d'un "homme arrivé" sur le plan professionnel, sa femme est sa potiche, chargée de s'occuper du gamin, du ménage et des relations publiques. Le filleul de Monsieur Hulot survit dans ce triste environnement devenu pour lui presque carcéral. Heureusement, "Mon oncle" veille sur le gamin et organise périodiquement son "évasion" vers les lieux "peu fréquentables" pour un gosse de bonne famille: le terrain vague, lieu de jeux, de blagues, de cris et de gourmandises. Toutefois la société évolue parfois en bien, parfois en mal. Le petit coin de ciel bleu du gosse des beaux quartiers s'écroule sous l'action des pelleteuses. Monsieur Hulot se fera-t-il à ce nouveau type d'existence qu'on lui impose? On ne le saura jamais, toutefois on se doute que l'adaptation sera difficile. Le gamin rejoindra la troupe que certains d'entre nous  formons à notre époque, modelée et baignée dans le conformisme des idées "comme il faut" qui ont réussi à détruire en partie la tolérance, la solidarité, la fraternité, le droit à la différence. La soeur et le beau-frère de Monsieur Hulot sont le portrait type de beaucoup de ces gens s'attachant plus au "paraître" et aux principes qu'à la compréhension de l'humain. N'oublions pas que ce régal est ponctué par une petite musique charmante et sautillante d' 'Alain Romans et de Franck Barcellini, qui, comme les scènes de cette oeuvre, nous trotte gentillement dans la tête.

 

Mon oncle

En tout cas, merci encore une fois Monsieur Jacques Tati  pour nous avoir offert ce tableau pessimiste et nostalgique mais lumineux de poésie et d'observation. C'est vrai que l'on rit, mais à travers cela, n'est-ce pas de notre image que l'on s'amuse? Sa mise à l'écart dans le monde du cinéma, d'une partie du public et des critiques venait peut-être de là. Maintenant que le Maître n'est plus, ceux-là mêmes qui l'ont amené à la ruine l'encensent et se régalent devant ses "peintures". Serait-ce du snobisme? serait-ce pour se donner bonne conscience? En tout cas, voici un curieux paradoxe!... 

Jacques TATI produisit ce film en collaboration avec l'Italie et obtint en 1959 le César du meilleur film étranger. De nouveau paradoxal pour un réalisateur français ... 

Liens avec les oeuvres de Jacques Tati

   Jour de fête

  Les vacances de M. Hulot

    Playtime

    Trafic

   Parade

 

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