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L'accès à l'information: Un outil clé dans la croissance ...

Publié le 01 mai 2010 par 509
L'accès à l'information: Un outil clé dans la croissance économique et sa répartition
Cet article vise à mettre en évidence le rôle capital de l'accès à l'information sur les opportunités et sur les marchés nationaux et internationaux dans le développement des entreprises et des investissements en Haïti. D'abord, il présente le canal de transmission des fruits de la croissance économique au simple citoyen. Ensuite, il explique comment l'accès à l'information sur les appels d'offres nationaux et internationaux est clé dans la formation des entreprises. Enfin, il conclut avec la proposition d'une politique de communication sur les marchés nationaux et internationaux qui pourrait faciliter un tel accès à l'information.
Faire sentir à la population, au simple citoyen vivant dans une ville très reculée, les résultats de la croissance économique, tel est le défi au coeur de l'économie du développement. Ce défi est aussi au centre des préoccupations des gouvernements dans les pays en développement et de la communauté internationale. Cette dernière consacre la majeure partie de l'aide au développement à trouver une solution à ce problème complexe. Des thèmes comme la réduction de la pauvreté, la croissance orientée vers les pauvres font partie du vocabulaire quotidien bien que la réalité ne traduit pas forcément cette volonté. Une question naturelle est comment le simple citoyen peut percevoir les effets de la croissance économique. Pour le comprendre, prenons l'illustration d'un père de famille de Hinche (département du Centre, Haïti) qui doit décider entre garder son enfant à l'école ou le retirer de l'école pour le faire travailler avec lui dans le champ. Ce dilemme auquel sont confrontés la plupart des parents dans les pays en développement est résolu simplement. Sans faire appel à des théories économiques sophistiquées, les parents comparent ce que pourrait rapporter l'enfant éduqué dans les court et moyen termes avec ce qu'il va rapporter immédiatement dans le champ. Face à l'enfant brillant et très prometteur, forcé d'abandonner l'école et qui ne peut pas comprendre la décision de ses parents, ces derniers lui expliquent qu'il ne peut pas manger les livres, ni se nourrir des cours de l'école. Cet exemple sur la décision de garder (envoyer) ou non un enfant à l'école est révélateur sur comment le simple citoyen perçoit l'éducation. Faute d'en voir concrètement les résultats (trouver un emploi, devenir indépendant sur le plan économique, supporter la famille, etc.), il reléguera à l'arrière plan l'éducation quoique sa valeur est indiscutable. Il réagira de la même façon par rapport à la croissance économique.
Quelque soit le montant du Produit Intérieur Brut (PIB), il lui restera indifférent s'il ne lui permet pas de trouver un emploi afin d'accéder aux services de base comme l'eau, la nourriture, la santé, l'éducation ainsi que des infrastructures de base. A moins que l'Etat fournisse de tels services, il est alors obligé de mettre en place un mécanisme permettant à la population d'y avoir accès. Alors, la question naturelle est comment l'Etat pourrait transformer la croissance économique en emplois. Sans nul doute, c'est en encourageant l'investissement privé par la création et le développement d'entreprises qui fourniraient de tels services que l'Etat se chargera de réguler par la suite (évidemment, l'Etat a l'obligation de fournir, de son coté, les services purement publics comme la justice et sécurité). Alors, comment l'Etat pourrait encourager la création d'entreprises privées (petites, moyennes et grandes). Beaucoup diront qu'il faudrait mettre en place un cadre légal moderne des affaires, un fonds de garantie, un cadastre, protéger l'investissement privé, etc. Sans nier l'importance de tout cela, je doute que ce soit la condition de base nécessaire à la création d'entreprises. D'ailleurs, si c'était le cas, il n'y aurait aucune entreprise en Haïti et pourtant il y en a. Sur quoi se basent les entrepreneurs pour créer des entreprises, même en environnement incertain ? Voilà la question primordiale que l'Etat doit comprendre s'il veut encourager l'investissement privé et la création des emplois. Cette question fait l'objet du deuxième point de notre article. Quelque soit l'environnement sûr ou non, quelque soit les moyens dont dispose un entrepreneur, il n'investira pas un sou s'il n'est pas certain qu'il y ait une demande sûre pour les biens et services qu'il va offrir. L'entrepreneur cherche d'abord et avant tout, à savoir s'il y a des opportunités, un marché sûr pour écouler ses biens et services. Tout comme le père de famille cité plus haut, l'entrepreneur est à l'affut d'information, information sur les biens et services demandés par les consommateurs (Etat, Ménages, Entreprises, Organisations internationales, ONG, etc.). Une fois qu'il détient cette information, il analyse ensuite le taux de rentabilité (qu'est-ce qu'il y gagne ?) à offrir ces biens et services sur le marché tout en évaluant les risques associés. L'élément fondamental pour encourager l'investissement et la création d'entreprises est l'accès à l'information sur les opportunités, les marchés nationaux et internationaux. Les mesures d'accompagnement comme un fonds de garantie décrites plus bas euvent s'ensuivre. L'Etat a un rôle crucial à jouer dans ce domaine : faire circuler toutes les informations relatives aux appels d'offres nationaux. En même temps, il devrait obliger ou encourager les ONG, les Organisations internationales et projets à rendre disponibles et accessibles de telles informations et avoir aussi une politique d'achats locaux, comme encouragé par le Projet Peace Dividend Trust. C'est vrai que la récente Loi sur les Marchés publics oblige l'Etat à publier les appels d'offres nationaux dans au moins un quotidien à grand tirage. Mais, est-ce que le simple citoyen, vivant à Hinche par exemple, a accès à cette information cruciale pour pouvoir bénéficier des fruits de la croissance économique. A-t-il accès aux documents « Plan d'action pour le relèvement et la reconstruction d'Haïti » ou « Haïti Demain » ? Et pourtant, s'il avait vu de tels documents, il aurait su que l'Etat a l'intention d'encourager la construction de parcs industriels à Hinche et la mise sur place d'université cluster et que son enfant éduqué pourrait donc plus tard y trouver un emploi et subvenir à ses besoins.
Si seulement il avait ces informations, il aurait gardé son enfant à l'école ! Comme il n'en a pas accès, il a pris la décision de retirer son enfant de l'école et ne pourra lui faire bénéficier les résultats de la croissance économique. Il aurait pu même encourager les menuisiers du coin à ouvrir un grand atelier de menuiserie (ou prendre contact avec un atelier basé à Port-au-Prince pour ouvrir une succursale à Hinche, imitant l'exemple des banques privées) pour fabriquer des mobiliers pour les écoles et universités dans la zone. Alors, quel moyen pourrait utiliser l'Etat pour rendre accessibles à tous, plus facilement, les informations sur les opportunités sur les marchés de biens et services potentiels, les appels d'offres nationaux et internationaux ? C'est que nous allons aborder dans la dernière partie de l'article.
L'information est à la base de toutes les décisions quotidiennes : le choix d'une école, d'une université, d'une carrière professionnelle, d'une voiture, d'une maison, d'un médecin, d'un conjoint, etc. Il est très difficile de trouver un aspect de la vie qui y échappe. Comme nous avons expliqué plus haut, l'information est d'autant plus centrale dans la décision d'ouvrir une entreprise. Il devient alors indispensable de trouver un moyen de la rendre accessible à tous, souci d'équité et de transparence obligent. Les moyens traditionnels limités dans le temps et dans l'espace (journaux, radio, télé, etc.), même s'ils permettent de toucher un grand nombre de personnes, ne répondent pas au critère d'accessibilité permanente à tous, indépendamment de la localisation. Par contre, l'internet, de par son caractère non exclusif, se révèle le meilleur moyen non discriminatoire pour partager l'information sur les opportunités, à chacun, qu'il soit basé à Port-au-Prince ou en province, en Haïti comme à l'étranger. Il serait alors souhaitable que l'Etat publie toutes les informations sur les marchés nationaux et internationaux sur un site web d'un opérateur. La Loi sur la Passation des Marchés Publics pourrait être modifiée pour faire obligation de publier les marchés à la fois dans un quotidien à grand tirage et sur un site internet très fréquenté. Cela donnera l'opportunité à tout un chacun, indépendamment de l'endroit où il se trouve, d'avoir accès à l'information. Cette politique de communication obligatoire des marchés publics via un site internet est en harmonie avec les principes de transparence et d'égalité de chances prônés par la République d'Haïti dont une bonne partie de la population vit dans la Diaspora. Ceci est capital car l'accès à l'information est à l'origine du fossé entre riches et pauvres.
L'autre aspect à considérer est la quantité et la qualité de l'information. Il est préférable d'avoir une source centralisée d'information intégrée. Par exemple, une entreprise qui a vu l'information sur un appel d'offres pour l'achat de biens et services pourrait être intéressée à publier une offre d'emploi, à recruter des professionnels, à contacter des centres de formation classique ou continue pour la mise à niveau. Voilà une simple de dynamiser le marché du travail et de stimuler la création d'emplois ! Ainsi, pour ouvrir une entreprise, un investisseur ou un entrepreneur serait bien intéressé à un site web servant de guichet unique comme JobPaw.com où il aura accès à toutes les informations clés (marchés, main d'oeuvre, formation, etc.). Nous devrions trouver ou mettre en place un site web avec une «multi users» plateforme qui pourrait jouer ce rôle. Un tel site web servirait à la publication des offres d'emploi et appels d'offres en Haïti et au recrutement de professionnels sur Haïti. Il faciliterait une meilleure communication entre les acteurs clés (entreprises, professionnels, étudiants, centres de formation technique ou universitaire, etc.) sur le marché du travail. Il servirait aussi d'interface entre eux et offrirait à chacun d'eux l'information qu'il cherche. L'avantage et la force du portail d'un tel site web ou d'une telle «multi users» plateforme résideraient dans le mécanisme permettant de centraliser toutes les informations nécessaires sur les opportunités aux acteurs sur le marché du travail en Haïti. Il servirait ainsi de passerelle en établissant un lien direct de communication entre eux.
Quel serait donc l'avantage pour l'Etat et les Organisations internationales et ONG à publier leurs offres d'emploi et appels d'offres sur un site web intégré ou une «multi users» plateforme? Comme expliqué plus haut, un tel site web serait utilisé par tous les acteurs (entreprises,professionnels, étudiants, centres de formation technique ou universitaire, etc.) sur le marché du travail. A y publier les offres d'emplois et les appels d'offres, vous donnez accès à ces informations à tous ces acteurs qui en useront chacun à sa façon. Les étudiants l'utiliseront pour choisir leur formation technique ou universitaire. Les institutions d'enseignement technique ou universitaire s'y baseront pour offrir des formations adaptées au marché du travail. Les diplômés et professionnels s'en serviront pour trouver un emploi. Les entreprises l'utiliseront pour trouver des contrats et des marchés et pour recruter des professionnels sur le marché. Au bout du compte, chacun s'en sort gagnant, la croissance économique augmente et est répartie et le défi de l'aide au développement enfin relevé.
Nous avons montré plus haut combien il était important de rendre accessible à tous via un site web intégré les informations sur les appels d'offres nationaux et internationaux, et les opportunités d'affaires en Haïti. Evidemment, des mesures d'accompagnement comme des fonds de garantie sont toujours les bienvenues. Elles peuvent aider les banques et les institutions à octroyer des crédits à des taux d'intérêt raisonnables. Des projets comme le Peace Dividend Trust (et probablement d'autres à venir) assistent les entreprises à monter leur dossier et à répondre aux appels d'offres. Le seul inconvénient avec les mesures d'accompagnement, c'est qu'elles attirent parfois le mauvais type (voir la théorie du Principal-Agent) attiré uniquement par le profit. A moins d'être associées à de puissants mécanismes incitatifs (à mettre en place par des spécialistes en organisation industrielle), ces mesures risquent d'avoir un effet pervers. Dans le cas d'un fonds de garantie (dont le simple citoyen ne connaît même pas l'existence) par exemple, beaucoup d'entrepreneurs chercheront du coup à créer des entreprises sous le seul prétexte d'avoir accès au fonds. Le Président américain s'en est rendu compte quand il a appris par la suite qu'une partie des milliards de dollars injectés dans le système financier au lendemain de la crise a servi à payer les salaires des dirigeants. Par contre, la simple stratégie de mettre les informations sur les opportunités à la disposition de tous permet de distinguer le vrai entrepreneur du faux. En effet, le vrai chercherait tous les moyens possibles (fonds propres, emprunts d'associés, transferts de la Diaspora, etc.) pour essayer de monter son entreprise. Il n'attend pas forcément l'Etat ou les mesures d'accompagnement. Le seul accès à l'information lui permet de démarrer et de prendre tout seul des décisions d'investissement. Ainsi se développe une culture d'indépendance facilitée par l'accès à l'information. Ce changement de mentalité, souvent réclamé par des gens réfléchis comme condition de base à la réussite de la reconstruction d'Haïti, est obtenu facilement dans notre modèle.
Rob WaddleE-mail: [email protected]

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