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Témoignage pour la semaine de la santé mentale

Publié le 03 mai 2010 par Patriciaturcotte
TÉMOIGNAGE POUR LA SEMAINE DE LA SANTÉ MENTALE

Ma façon personnelle de souligner la semaine de la prévention et de la sensibilisation envers les personnes touchées par les maladies mentales, c’est de partager une expérience vécue. Dans mon enfance et jusqu’à l’adolescence, il a bien fallu que je compose avec la dépression sévère ou maladie mentale de mon grand frère Serge. Une détresse psychologique, silencieuse et pernicieuse, transforme donc huit belles années de jeunesse, en cauchemar. Le dernier et noble souvenir que je conserve de mon héros familial à la triste figure, restera gravé dans ma mémoire pour très longtemps: agenouillé auprès de son lit pour réciter sa prière matinale, Serge me sourit tristement et du signe de sa main m’envoie un dernier au revoir.

Le jour de son décès suite à une tentative de suicide en janvier 1971, je désirais sincèrement adressé un dernier au revoir à Serge. Âgée de seulement quinze ans, le policier a dû asseoir son autorité en me refusant d’accéder à l’étage supérieur. Mon adolescence se poursuit dans l’ombre de mon frère Serge. Cette désolante page de mon passé se tourne à tout jamais, pour mener une vieen apparence simple, heureuse et sans histoire. J’enfouis ces troublants souvenirs dans un tiroir profond de mon cœur.

Ce souhait d’adolescente est exaucé

À l’automne 1992, alors que je rédigeais pour une durée d’un mois, tous mes rêves dans un carnet intime, voilà que la Vie réponds à ma prière du cœur exprimée plus-haut. À travers un songe du matin plus qu’ordinaire, une étrange et éprouvante scène se présente à moi:

« Tout penaud, Serge se tient debout face à face avec son cadavre meurtri et gisant dans une énorme mare de sang. Comme une nette impression de faire un voyage aller-retour, non seulement dans le passé de mon frère, mais aussi dans sa réalité invisible. Il m’invite à regarder ce diaporama d’autrefois survenu dans sa chambre de notre maison familiale. Je vois très bien l’arme à feu à côté de son corps sans vie. Je constate, sans l’ombre d’un doute, que sa bévue a irrévocablement tournée en eau de boudin. Mon héros familial semble désemparé et isolé depuis la nuit des temps, dans sa terrifiante solitude. »

Quand je serai grande, je ferai comme toi

Arrivée au mitan de ma vie, je traverse une crise existentielle en plus d’une sévère dépression. Alors que je prends une direction opposée à une personne chère, suite à une agréable rencontre hebdomadaire au restaurant, je me retourne au même moment où son regard croise le mien. Elle m'envoie un signe d’au revoir de sa main, accompagné d’un triste sourire. Le film du dernier souvenir de mon grand frère Serge refait surface dans ma mémoire, avec une force exceptionnelle. Ce phénomène se nomme dans le jargon médical, un lien. Ma fragilité émotive et psychologique, ajoutée à la douleur chronique « qui rend fou », me pousse à tenter de tirer mon rideau de scène, au printemps 1993.

La trace d'un rêve n'est pas moins réelle, que celle d'un pas ( Georges Duby )

Je me permets d’apporter mon point de vue très personnel, au sujet de nos proches et amis qui décèdent suite à une tentative de suicide. Cette désolante façon de mourir représente à mes yeux, la plus souffrante de toutes les façons de quitter la terre. Je crois aussi que les personnes chères décédées de cette façon, poursuivent leurs chemins d’évolutions personnelles, directement à côté de leurs proches et amis. Et, si leurs plus grandes souffrances morales étaient que ceux qu’ils chérissaient le plus au monde, agissent comme s’ils n’existaient plus du tout ? Pire encore, ce serait de parler d’eux comme si dans leurs existences, ils n’auraient rien accomplis d’autres, que de souffrir d'une maladie mentale et d'avoir poser le geste d'une tentative de suicide ? Pourtant, la plupart de ces personnes souffraient tous de maladies du cœur, de l’esprit et de l’âme, c’est-à-dire, de maladies mentales.

Cette réflexion personnelle ne peut être partagée par tous les lecteurs et lectrices de ce site. Le suicide demeure encore un sujet tabou et délicat dans la société. Le plus important, c’est de respecter les points de vues de chacun. À vrai dire, seuls ceux qui ont vécus un décès suite à une tentative de suicide, pourraient en témoignés. Après tout, ils demeurent les seules personnes à l’avoir vécues dans leurs chairs, dans leurs cœurs et dans leurs esprits.

Patricia Turcotte © Le 3 mai 2010


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