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Foules - Fouls - Stephan Wilks à la Kunsthalle de Mulhouse

Publié le 03 mai 2010 par Elisabeth1

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Lorsque vous pénétrez dans la Kunsthalle, l’espace s’est éclairé, agrandi, les toiles  sur lesquelles dansent  des squelettes, arbres de vie et danses macabres vous accueillent, tout d’abord un rat géant, que ne renierait pas Katharina Fritch avec son Rattenkoenig , celui-ci est tout blanc, et fait partie du bestiaire de Stephen Wilks, puis à la manière d’un retable sur fond d’un paysage urbain, à l’ horizon bleu, le voyageur artiste transporte son âne sur ses épaules.
Puis tout au fond si vous avez suivi le parcours conçu par l’artiste et la commissaire vous atteignez le lieu de réflexions philosophiques avec CATERPILLAR, sculpture gigantesque, lourde et imposante d’une chenille recouverte de textes choisis, par SW féru de littérature et de philosophie..
C’est ainsi que se présente la nouvelle exposition, dont la commissaire est la talentueuse directrice du lieu Sandrine Wymann. (jusqu’au 20 juin 2010)

 Avec beaucoup d’humour mais aussi sur un mode interrogatif et parfois dérangeant, il crée des personnages qui mêlent à la fois la figure du bouffon et de la mort, et viennent amplifier un discours proche de la critique sociale. Porté sur le présent, le travail de Stephen Wilks puise ses sources dans une imagerie issue de la danse macabre, à la manière du peintre expressionniste James Ensor ou du
caricaturiste José Guadalupe Posada. Foules - Fouls révélateurs d’une nature humaine éphémère et conquérante.
Comment ne pas penser à Ubu Roi,  manipulateur fou, et ayant droit de vie et de mort sur ses sujets, mais aussi le bouffon de Rigoletto, à l’existence si tragique.

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Masqué derrière ses figures animales, telles le cheval de Troie repris dans sa série des Trojandonkeys, Stephen Wilks a su trouver une place de choix au milieu de ses semblables. Il ne se place ni en moralisateur, ni en calculateur mais en observateur privilégié.
Chez Stephen Wilks, la notion de déplacement, omniprésente dans ses oeuvres et dans ses expositions, n’apparaît pas comme une nécessité, comme un état physique qui seul permettrait la création. Ce sont davantage les oeuvres qui sont en mouvement que l’artiste lui-même. Il n’est pas de ceux qui ont développé une réflexion dans la situation du marcheur ou du voyageur. Chez Wilks, le mouvement est constitutif des rapports sociaux et du jeu social qui nous entourent. Aussi, l’intégrer à sa démarche, voire l’amplifier, lui permet de créer des pièces qui s’immiscent ludiquement et subtilement à l’intimité d’un public avec lequel il souhaite installer un jeu de complicité. Sur le mode de la rencontre repose toute sa pratique, elle pose la confiance et la connivence entre l’artiste et le spectateur comme le seul terrain d’étude.
Cette exposition, comme souvent chez Stephen Wilks, se déploie à la manière d’un cortège.
Tandis que ses parades (Animal farm à Louvain en 2008) ou ses ânes (Trojandonkeys) sont des pièces qui ont le déplacement pour fondement, Foules, Fools suggère une avancée, un sens qui mène le spectateur du manège au rez-de-chaussée à la chenille du fond de l’espace. Une progression s’installe lentement, un voyage s’effectue un peu comme une procession sur un chemin de vie.
Chaque pièce de l’exposition se présente à la manière d’un tableau qui interroge notre place à « l’échelle humaine », et peut-être notre passage sur terre. La déambulation ainsi comprise n’est pas sans rappeler le principe des chemins de croix dans la tradition chrétienne : échelonnés de stations, ils évoquent les différentes étapes de la vie du Christ. Les tableaux de Stephen Wilks sont allégoriques, ils renvoient à un jeu de relations complexes que l’artiste ramène à une vanité certaine, accentuée par la présence nouvelle des squelettes dans son bestiaire.

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Deux fléaux contribuèrent probablement à la popularité des danses macabres : la peste noire (milieu du xive s.) et la guerre de Cent Ans (1337-1453). Il ne faut pas oublier l’élément de satire sociale que comporte un thème qui souligne vigoureusement l’égalité de tous devant la mort et qui contribua vraisemblablement à son succès.
Le premier exemple de danse macabre figurée est le cycle de peintures (1424) qui se trouvait dans les galeries du cimetière des Innocents à Paris ; toutes les danses macabres en dérivent. La hiérarchie de l’Église et de l’État y formait une danse majestueuse, où les vivants alternaient avec des squelettes ou des cadavres. Cet ensemble fut détruit en 1609, mais une reproduction ou une interprétation libre en est donnée dans les gravures sur bois du graveur parisien Guyot ou Guy Marchant (1485) et les légendes en vers ont été conservées.
De nombreuses danses macabres décoraient les cloîtres et les nefs des églises en France (Sainte-Chapelle de Dijon, 1436 ; La Chaise-Dieu, avant 1460) ; en Allemagne (Marienkirche de Lübeck, peinte en 1463 et restaurée ultérieurement ; Marienkirche de Berlin ; d’Allemagne, le thème se propage en Estonie et en Finlande), en Suisse alémanique (couvent des dominicains de Bâle, env. 1440   ; Berne, 1517, œuvre détruite connue par des copies du xviie s.) et en Angleterre (dans l’ancienne cathédrale de Saint-Paul). En Italie, le thème est rarement représenté et les exemples sont tardifs (San Lazzaro Fuori, Côme, xve s.). Vers 1485 apparaissent des cycles de gravures sur bois représentant des danses macabres qui inspireront certaines fresques du xvie siècle.
La Danse macabre de Bâle, aquarelle de Johann Rudolf Feyerabend (1779-1814), réalisée en 1806 d’après une fresque (de 1440 environ) du couvent des dominicains de Bâle. Historisches Museum, Bâle.
En 1523-1526, l’artiste allemand Hans Holbein le Jeune exécuta une série de dessins qui fut gravée par Hans Lützelburger et publiée à Lyon en 1538. Dans Les Simulacres de la mort, il ne s’agit pas à proprement parler de danse macabre, mais d’imagines mortis où la mort, qui n’entraîne plus l’homme dans sa danse macabre, surprend ses victimes au cours de leurs occupations.
Tous les pays d’Europe fournissent des versions littéraires de la danse macabre, qui comptent un chef-d’œuvre, La Danza general de la muerte, poème espagnol inspiré par les légendes du cimetière des Innocents.
À la Renaissance, le thème est peu à peu abandonné, les peintres (Dürer, Urs Graf, Niklaus Manuel Deutsch) préfèrent les sujets plus limités tels que la Jeunesse et la Mort, la Femme et la Mort, l’Amour et la Mort.
Thème de prédilection des peintres et des graveurs, la danse macabre a peu inspiré les sculpteurs : on citera pour la France la danse macabre en bois de l’aître Saint-Maclou à Rouen et celle du cimetière Saint-Saturnin à Blois ; pour l’Allemagne la danse macabre du Georgenthor, sculptée au xvie siècle.

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Ce n’est pas auprès des ces ânes  que l’on attrape des coups de pied.
DONKEY ROUNDABOUT  construite à l’identique d’un véritable manège, Cette pièce est une sorte de bilan d’étape dans l’oeuvre de Stephen Wilks.
Elle clôt un ensemble de projets et annonce de nouvelles formes. Six personnages esquissés portent six ânes qui font référence à ceux que l’artiste a envoyés de par le monde depuis quelques années. Tous se retrouvent sur une plateforme au lent mouvement rotatif. Les figures tournent, passent et repassent, et cette révolution renvoie à un principe de quotidien et d’éternel recommencement. Le mécanismeapparent de la pièce, ses roues crénelées, son apparence de grosse horloge, le sourd bruit qui s’en échappe sont autant d’éléments qui renforcent et concrétisent cette idée du temps qui passe. Les personnages fabriqués de bois sont en quelques sortes la modélisation des squelettes qui font leur apparition peu de temps après dans l’oeuvre de l’artiste. Debout sur le carrousel, ils font référence à l’iconographie de la danse macabre : les personnages y sont souvent représentés en cercle dans une attitude dansante. Une fois de plus chez Wilks, c’est l’homme qui porte l’animal. Il renverse les points de vue, surprend et remet en cause les fonctionnements et usages de ses semblables.

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BARCELONA  - Photographie imprimée sur papier. Extrait du voyage de l’âne bleu. Cette image vient contrebalancer le côté fantastique et fictionnel de la première partie de l’exposition. Elle apparaît dans l’exposition à la manière d’un horizon (bleu) et amène une part de réel et d’optimisme. Installée comme une toile de fond, elle donne à l’exposition une ambiance théâtrale renforcée par la foule de fous située en avant de scène.


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CATERPILLAR  Animal en tissu, recouvert d’extraits de textes. Symbole de la métamorphose et du devenir, la chenille intervient dans le travail de Stephen Wilks comme le support à une réflexion sur la capacité d’évolution d’un être humain. Si la vieillesse est un thème qui revient de plus en plus fréquemment dans son oeuvre, ce n’est pas seulement à
travers son caractère inévitable et fascinant mais aussi dans ce qu’elle implique en termes de changement. Grandir, c’est vieillir. Vieillir est une mutation lente et permanente de notre nature physique, morale ou intellectuelle. Vieillir est notre quotidien, perceptiblement ou non. La sculpture est gigantesque, lourde et imposante, la chenille dégage une image positive, poétique, évanescente, elle tente d’échapper à la fatalité de l’être. La chenille est le support matériel à des textes que Stephen Wilks est allé puiser du côté des auteurs qui se sont intéressés à la question de la métamorphose. Lewis Caroll côtoie Goethe, Lou Reed et Franz Kafka. De cette allégorie, Stephen  Wilks a également tiré une nouvelle série de dessins qui interviennent comme le miroir de ces écrits. La chenille reprend dans ce cas le rôle qu’il donne d’évidence à ses animaux, elle s’infiltre dans les détails de la
vie et en révèle la fragilité.


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