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Preview : The Crazies

Par Kilgore

Preview : The Crazies  >> The Crazies, de Breck Eisner, sortie le 9 juin (7,5/10)


Vu la teneur du projet, la question, au moment de découvrir le film, était la suivante : sera-t-il du calibre du tonitruant remake de Dawn of the Dead de Zack Snyder ? Autant se demander ce que représente pour l'instant un Breck Eisner au regard d’un Zack Snyder. Eisner n’est pas Snyder, comme en attestent leurs filmographies respectives jusque-là, mais il faut pourtant reconnaître que The Crazies est une réussite du genre. Et même un peu plus (tant pis pour les tristes sires qui ont fait un mauvais retour au service de presse en se plaignant notamment qu’on fasse encore un remake etc…, je doute qu’ils connaissent grand chose à Romero ou au genre, de toute façon).

Le remake se justifie pleinement tant l’original est daté, et malgré quelques imperfections (dialogues, notamment…), il fait honneur au maître. Ce qui est assez frappant, outre son esthétique réussie et en dépit d’un certain faux rythme (compensé par quelques scènes fortes, tendues), c’est qu’en fin de compte ce remake là est même plus fidèle à Romero que celui de Snyder, dans la mesure où la dimension socio-politique chère au maestro, qui n’était pas la priorité du réal de Dawn of the Dead version 2004 (un summum d’efficacité dramatique, servi par une réalisation virtuose, mais qui diluait la critique sociale), est ici un véritable leitmotiv – on pourra toujours arguer que cette histoire d’armée déployant sa force contre ses citoyens a par définition une dimension politique, je répondrai que celle de Dawn of the Dead aussi.

Au milieu des références aux mythes de cette Amérique profonde des rednecks (la vraie, celle qui fait les présidents - Iowa, terre du premier « caucus » -) et de ses représentations cinématographiques (véritable travail de réécriture), font irruption les spectres décharnés de l’holocauste, de l’extermination de masse. Les soldats US agissent en véritables SS, raflent, encagent, exécutent, brûlent les corps. La jonction s’opère implicitement entre armées d’occupation d’hier et d’aujourd’hui (toutes proportions gardées), lorsque l'Irak vient se superposer : un soldat à peine sorti de l’adolescence qui défonce soudain votre porte et obéit même aux pires ordres, le crâne bourré de mystifications censées justifier les actes qu’il s’apprête à commettre… ça vous rappelle rien ? Ne manque pas même l’holocauste nucléaire - solution finale exclusivement américaine à ce jour (pas de spoiler, c’est dans la BA, et ce n’est pas l’enjeu principal dans un survival, où il s’agit avant tout de savoir qui survit…).

Alors que la démence déferle, comme fréquemment dans les films d’infectés ou de zombies (à ce titre le genre procèderait presque - sans blague - du conte anthropo-philosophique ou de l’étude expérimentale tels que les pratiquèrent les philosophes des Lumières et tant d'autres à leur suite : « soit un homme élevé hors de toute civilisation/plongé dans tel milieu, qu'adviendrait-il si etc… », le zombie faisant office d'environnement et l'homme d'objet d'étude), ce ne sont pas tant les contaminés qui font frémir que d’autres, « sains » (pas épargnés en revanche par le fascisme latent d'une certaine société américaine)... surtout s'ils prétendent comme ici purger un "problème" dont ils sont, à tous points de vue, la source - dont la nature humaine est la source, dans une vision pessimiste des choses qui s’affranchit un peu facilement des contextes, et qui finirait presque par justifier le mépris de la vie dont ces mêmes pompiers pyromanes font preuve ; la raison d’Etat a bon dos. Dans The Crazies, il est particulièrement judicieux que ceux-ci s'incarnent en soldats et autres autorités fédérales, habituels recours en temps de catastrophe (ici le shérif, autorité locale, est le seul rempart ; on se refait pas, l’éternelle méfiance des bouseux pour la chose nationale, disons que cette fois elle se trouve pleinement justifiée, et qu'il ne s'agit pas de flatter la paranoïa d'un public d'apprentis miliciens…). Il est tout aussi judicieux que le fléau se déchaîne dans un tel contexte, celui de cette ultra-réac Amérique « idéale », édenique (mais aussi terre arriérée dont les citadins se branlent éperdument tant qu'il n'est pas question d'élections ou de valeurs), soit à Ogden March, petite bourgade paisible de l’Iowa qui aurait pu servir de décor à Hannah Montana, frappée au cœur de ses certitudes, de son mode de vie (un péquenaud dégommé, ça vous nique un match de baseball) ; la pulsion de mort de la civilisation US lui revient en pleine face, et sa volonté de déstabiliser l’ennemi (quel ennemi, au fait ?) se retourne contre elle.

Le canevas de Romero a de la force, son aggiornamento aussi. C’est peu dire que le film est saturé de références visuelles aux diverses exterminations du XXème siècle, voire aux contextes plus récents (folie post-Katrina ? Guerre au Moyen-Orient - on souhaite néanmoins aux habitants de Fallujah que l’armée y opère de façon un peu moins radicale qu'à Ogden March... - quand La nuit des fous vivants avait le Viêtnam pour horizon) et cela, outre son efficacité dans le domaine du film de genre, suffit à le rendre remarquable.

  

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