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De l'art de visiter une expo..

Publié le 05 mai 2010 par Tika

b98defd2-2ddd-11df-8f16-c17f817a5c0d[1].jpgLes français sont de plus en plus nombreux à courir les expositions, et ont une préférence pour la peinture, titre Le Figaro récemment. Mais dit-on que ces visiteurs enjoués sont de grands bavards ? Oui, le constat est là : les gens parlent bruyamment dans les expositions de peinture. Sont-ils là pour admirer les oeuvres ou pour passer un « bon moment » ? Telle est la question de ce début mai.

L'exposition est en tant que telle est un vecteur de transmission d'un savoir, une occasion de voir de ses yeux les oeuvres d'art, un moment de recueillement face à la vérité de la toile, une promenade dans le temps, l'espace d'une rencontre, souvent unique. En effet, on ne revoit que très rarement dans une même vie la même exposition, les œuvres étant souvent issues de collections privées. Alors pourquoi y donner rendez-vous pour y discuter avec des amies ? Pourquoi pas dans un café, sur un banc public ? Pour « mêler l'utile à l'agréable », diraient certains, pour « faire une marche culturelle », pour « être vu », pour ajouter telle expo à son catalogue personnel de sorties culturelles, pour discuter au sec par temps de pluie, pour dire « oh mon dieu quelle expo magnifique, sans avoir aucun intérêt pour la peinture, pour se « frotter à l'art », cette énigmatique activité ?

A l'expo Edvard Munch à la Pinacothèque de Paris, il y avait un niveau sonore tel, qu'il était difficile de visiter l'expo tranquillement, même un matin en semaine, m'a-t-on rapporté. De plus la capacité du lieu étant réduite, on se frôle plus que l'on n'observe ! Dommage pour la qualité même de la visite, car l'anti-cri est un hommage à un autre Munch, celui qui peignait ses sujets, « après les avoir vu, et non pas en les regardant », un anti conformiste, anti impressionniste (les nordiques ont toujours eu cela de fascinant d'être avant-gardistes, même au 17ème siècle, et résolument modernes). Doit-on faire une anti-expo, anti-cri dans le sens littéral, avec vigiles épinglant les trop bavards !

Moi-même, j'ai été choquée de voir dans certaines grandes expo des personnes passer à côté des œuvres incontournables, et s'asseoir sur les banquettes pour discuter une demie heure ou parler au téléphone.. Une exposition n'est pas un hall de gare, où l'on circule en groupe, en attendant une autre destination. Elle EST la destination, elle n'est pas un lieu de passage. Car une partie de soi y demeure, encore faut-il être sensible à l'art. Elle est un moment de transition entre la vraie vie, notre vie, et celle d'un autre nommé artiste peintre. Elle nous permet de rentrer en contact avec un monde fait de silence et de matière. Elle demande le silence ou l'impose et sollicite le plus grand respect. Les grands amateurs de peinture sont très silencieux, et prennent leur temps, respectent le fameux cercle de distance nécessaire à la bonne vision d'une toile, plissent les yeux, pour mieux percevoir la lumière, avant de juger la composition, le dessin, les couleurs, le volumes, ou les perspectives, et goûtent à la joie d'être seul face à l'œuvre. Ces amateurs là n'auraient jamais l'idée de discuter entre deux toiles, car c'est en solitaire que l'on observe, et que l'on savoure le travail de l'artiste. Comment regarder une toile et en saisir toutes les finesses, dans un hall de gare ? On ne « se fait pas une toile », comme on irait au cinéma ! Un Rubens, un Picasso, un Vermeer, demandent beaucoup d'énergie intérieure au visiteur amateur qui se dira « vidé », et « transporté » à la sortie de l'expo. Car il est là pour ressentir du plaisir de l'émotion, de la considération. Car regarder la peinture, c'est prendre son temps, le contraire de cette foule pas du tout sentimentale, ni en quête d'idéal, qui se pressent dans les expo, au son des sms, ou des emails, ou des dernières confidences collectées lors de dîners en ville..

« La peinture est une poésie qui se voit au lieu de se sentir, et la poésie est une peinture qui se sent au lieu de se voir »

Léonard de Vinci

Crédit Photo : SIPA/ Le Figaro

 

 


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