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Publié le 04 novembre 2006 par Raymond Viger

Monk-E: Santo Andre est une banlieue assez aisée, une ville pleine de côtes et de reliefs. L’aspect de la ville est assez européen, avec beaucoup de toits en tuile rouge. La sécurité est très présente partout (chiens de garde, clôtures hautes et hérissées de bouts de verres, gardiens de sécurité au coin des rues, etc.).

Rasa: En général, le béton règne en roi. Il y a énormément d’affichage qui se fait directement sur le béton; publicités, affiches électorales, etc. Il y a pas mal de pollution atmosphérique aussi, beaucoup de diesel dans l’air.

Combien d’artistes étaient présents à la convention?

Naes: Il y avait plus de 200 artistes présents, d’origines diverses. En plus de notre «crew», de nombreux graffiteurs et muralistes du monde entier étaient présents, dont quelques Autrichiens, plusieurs Chiliens et bien sûr, une majorité de Brésiliens.

En quoi a consisté votre participation à la convention?

Naes: Nous avons réalisé deux murales à Santo Andre. De plus, nous avons assisté à des débats sur le graffiti et donné des conférences sur notre art. Nous avions un horaire hyper-chargé, parfois de 8h à 22h… À travers tout ça, nous avons fait de petites excursions organisées, entre autres au parc national, à la plage et nous avons visité une gare anglaise abandonnée à Paranapiacaba, qui signifie «endroit où on peut voir la mer», en portugais.

Comment avez-vous aimé la collaboration entre les artistes de Montréal et de Québec?

Naes: En tant que directeur artistique du Café-Graffiti, j’ai décidé de rassembler plusieurs graffiteurs et muralistes qui ne se connaissaient pas et n’avaient jamais travaillé ensemble. Pour moi, cela représente un beau défi de faire collaborer ces gens-là et de rapprocher les artistes de Montréal de ceux de Québec.

Monk-e: Moi, j’ai passé la semaine avant le départ à faire de la murale avec les artistes de Québec, question de créer un premier contact. Une super bonne complicité s’est installée entre nous et nous sommes tous devenus amis au cours du voyage.

Avez-vous remarqué une différence entre la façon de travailler des graffiteurs de là-bas et celle des Canadiens ou des Américains?

Naes: Pour des raisons économiques, beaucoup de graffiteurs brésiliens travaillent au pinceau, au rouleau et au mini-rouleau. Les cannettes de peinture coûtent très cher, alors parfois, ils commencent à la cannette ou au «airbrush» et terminent au pinceau ou au rouleau.

Avant son départ, Naes me disait qu’il était curieux de découvrir si les Brésiliens avaient un style de graffiti propre à eux . Est-ce que c’est le cas?

Naes: Oui, nous avons découvert le pichacaoes, un style de graff unique à la ville de Sao Paulo qui consiste en des lettres hautes, très allongées, souvent peintes dans des fenêtres d’édifices. C’est une sorte de signature assez répandue dans cette ville.

Monk-e: Dans l’ensemble, les graffiteurs de là-bas utilisent davantage de couleurs vives, moins sombres, qu’on a baptisé le style «arc-en-ciel»! Les «flops» (lettres balloune, très arrondies) sont très originaux, le 3-dimensions est un peu moins sophistiqué qu’ici, mais les lettrages sont assez complexes.

Est-ce que le graffiti est bien perçu au Brésil? Est-ce qu’on est plus tolérants, plus ouverts ici?

Monk-e: C’est vraiment pas comparable! De jour, tu peux travailler tranquille, les policiers sont plutôt relaxes. Mais, la nuit, c’est une tout autre histoire… Ils tirent d’abord et posent des questions après. Faire du graffiti illégal là-bas, ça peut vouloir dire risquer sa peau. Nous avons entendu des histoires d’horreur: à Rio, un groupe de graffiteurs se serait fait tirer dessus par la police (sans être touchés, une chance!), d’autres policiers corrompus accepteraient des pots-de-vin pour fermer les yeux, etc.

Naes: Cela dit, le graffiti est quand même bien vivant au Brésil. Nous avons été étonnés de découvrir des artistes qui travaillent depuis aussi longtemps que 15 ans. Nous autres, on était invités pour la convention, alors, évidemment, on n’a pas eu trop de problèmes, on était faciles à identifier et on travaillait aux endroits légaux. La convention de graffiti, avec ses débats et son caractère international, permet de croire que la culture sera de plus en plus acceptée au Brésil, mais il reste du chemin à faire.

Est-ce que le public du Brésil était différent de celui que vous rencontrez habituellement au Québec?

Monk-e: Ici, les gens sont plutôt indifférents envers les graffiteurs à l’oeuvre. À la convention, tout le monde était chaleureux, enthousiaste, même un peu «colleux» dans certains cas. Comme nous étions les seuls à avoir une radio, la musique les attirait et ils venaient nous poser des questions, nous demandaient de dessiner dans leurs calepins, nous regardaient travailler.

Rasa: Il nous est aussi arrivé des affaires assez particulières. Entre autres, un itinérant qui poussait un carrosse nous a demandé de «tagger» son chariot. Nous l’avons entièrement redécoré et il était très fier du résultat.

Nous avons aussi adopté un enfant de la rue, Anderson, âgé de six ans, très attachant. On lui a offert notre lunch (des sandwiches au jambon et du riz, le menu de tous les jours!), on le traînait un peu partout. Je pense souvent à lui et je me demande ce qu’il fait maintenant… Je ne sais pas vraiment quelles ressources existent pour les jeunes de la rue là-bas, mais ça doit être assez difficile…

Si vous aviez le choix d’une autre destination où aller en tant qu’ambassadeurs du graffiti, ce serait où?

Monk-e: Je voudrais aller en Europe, au Maroc et en Égypte.

Naes: En Europe aussi.


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