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Publié le 25 octobre 2006 par Raymond Viger

Dominic Desmarais

L’époque du médecin à calèche qui se déplaçait pour rendre visite à ses patients est révolue au Québec. Partout? Non. À l’image de l’irréductible village gaulois d’Astérix, l’arrondissement de Jonquière, dans la nouvelle ville de Saguenay, perpétue cette pratique. Adaptée au goût du jour, la carriole a fait place à une voiture médicale dernier cri.

Appuyés par la ville de Jonquière, des médecins ont mis sur pied un service à domicile pour se rapprocher des cas d’urgence et mieux desservir leur clientèle. C’était en 1982, avant l’avènement du 911. Jonquière Médic comprenait alors une quinzaine d’omnipraticiens ou d’urgentologues, offrait deux quarts de travail, 7 jours sur 7, même en période des fêtes.

En raison de la pénurie de médecins et des responsabilités plus lourdes au sein de la pratique, le service a diminué. 8 médecins offrent leur temps, et ce, 6 jours semaine. Ces professionnels de la santé, qui opèrent en clinique ou dans une institution hospitalière, prennent de leur temps libre pour sillonner les rues de Jonquière et répondre aux besoins des gens à même leur résidence.

Fonctionnement de Jonquière Médic

Grâce à l’appui de la municipalité de Jonquière, le patient téléphone directement à la centrale de répartition de la sécurité publique – la police – qui relaie l’appel à la voiture médicale. Le médecin priorise alors les appels, se dirigeant vers les cas plus urgents. Sur place, l’infirmier s’occupe de l’inscription, laissant le médecin s’occuper du problème. Une fois la visite terminée, le médecin complète le dossier du patient qu’il vient de voir pendant que l’infirmier conduit.

«La façon dont c’est structuré me permet de voir autant de gens dans une journée qu’au bureau, raconte le Dr Roger Gagnon, l’un des membres fondateurs. Dans une journée de 8 heures, je peux faire 35 à 40 cas», poursuit-il de sa voix grave et calme. Selon le directeur général de Jonquière Médic, Ghyslain Bouchard, le service effectue entre 10 000 à 13 000 visites annuellement, pour une moyenne de 35 à 40 appels par jour. «Je me souviens d’avoir eu des discussions avec d’autres médecins, rajoute le Dr Gagnon. Ils sont tous surpris. Ils se demandent comment on fait pour voir autant de personnes.»

Jonquière Médic comble un besoin

Ces milliers de visites, aux dires de M. Bouchard, ont pour effet de désengorger les salles d’urgences. «Si Jonquière Médic n’existait pas, combien de gens se présenteraient à l’hôpital», questionne-t-il sans chercher de réponse. Les chiffres parlent d’eux-mêmes. «La personne âgée qui fait une chute le matin… Qui va lui donner un coup de main? Son enfant qui travaille? Son médecin qui a des rendez-vous? On va envoyer une ambulance la chercher? Elle va aller à l’urgence…», explique le Dr Gagnon qui rajoute que 90% des consultations se règlent à domicile. «Les gens vivent de plus en plus seuls. La solitude est un des problèmes sociaux les plus aigus. Les gens n’ont pas beaucoup de ressources pour se dépanner. Donc ils ont davantage besoin de l’État. C’est plus rentable d’aller les voir plutôt qu’eux viennent à l’hôpital. On peut éviter des déplacements. Les gens sont dans leur solitude. Ce n’est pas dans le bureau qu’on peut les aider», souligne celui qui est appelé le patriarche par ses collègues vu sa présence depuis les tous débuts de Jonquière Médic.

Pour le directeur général de Jonquière Médic, le service est en accord avec l’orientation du ministère de la  Santé qui veut mettre l’accent sur le maintien à domicile.

L’attachement de la population envers Jonquière Médic

Le président de l’arrondissement de Jonquière, Réjean Laforest, estime que la population s’est appropriée Jonquière Médic. «Par sa contribution, la population montre qu’elle veut maintenir ce service. Elle ne veut pas que l’on lui enlève ce service qu’elle adore», explique-t-il avec fierté, comme si lui aussi partageait l’opinion de ses concitoyens.

La campagne de financement de l’organisme, de l’ordre de 90 000$, fait fureur auprès des 70 000 habitants de Jonquière. «Quand on fait notre barrage routier, en juin, les gens qui sont pris par surprise reviennent donner leur 5$. Pour le porte-à-porte, si on ne passe pas chez certaines personnes, ils appellent pour nous le dire et donnent de l’argent», raconte M. Bouchard, visiblement touché par cet intérêt.

«Dans les municipalités limitrophes, des personnes déménagent pour avoir accès au service», rajoute le Dr Gagnon, pour qui ce geste démontre à quel point Jonquière Médic répond à un besoin.

En sus de la campagne de financement, l’organisme est alimenté par les médecins participants. De l’ordre de 15% de leurs gains pour chaque journée passée à Jonquière Médic, la contribution des médecins avoisine les 90 000$ annuellement, et ce, sur un budget d’opération de 190 000$. Soit près de la moitié du financement. «Depuis 1982, les médecins ont versé tout près de 2 millions. C’est de l’argent», s’exclame le directeur général qui y voit dans ce geste l’intérêt de ces professionnels envers ce service de première ligne. Autre signe de cet engouement, pendant 9 ans, un médecin de Québec profitait de ses fins de semaines pour travailler à Jonquière Médic.

L’organisme doit également une fière chandelle à la municipalité. M. Bouchard précise que l’arrondissement fournit le local, le téléphone, le service de répartition des appels ainsi qu’une subvention de 10 000$ par année. Soit le même apport qu’avant la fusion entre Jonquière et Chicoutimi.

«La hauteur du financement est la même. La ville de Saguenay continue à donner parce que le service est  proche de la population. On veut continuer ce service unique dans la province du Québec», affirme M. Laforest.

Jonquière Médic: un service de santé unique

Jonquière Médic est grandement apprécié de la population. La municipalité y croit. Les médecins s’y investissent et remettent une partie de leurs gains. Le service coûte peu cher alors qu’il répond à deux priorités du Ministère de la Santé, à savoir désengorger les urgences et maintenir le patient à domicile. Pourtant, le service ne fait pas partie du réseau de la santé. Il est toléré par l’Agence de santé. Pourquoi?

«Le ministère de la santé ne veut pas que ça s’étende ailleurs. Il n’a pas de contrôle comme sur une clinique ou un hôpital», avance le directeur général d’un ton qui ne cherche pas la confrontation. L’organisme, contrôlé par les médecins, aurait heurté certaines sensibilités dans le milieu médical par le passé.

«On était des marginaux du système. On ne se préoccupait pas des autres. On ne peut plus faire ça aujourd’hui. La pratique a changé. On est sur plusieurs tables de concertation. Faut être conscient qu’on doit participer au réseau», affirme M. Bouchard, qui voit à rétablir les relations avec les différents acteurs de la santé.

Le ministère pourrait-il s’en inspirer pour maintenir les gens à domicile? «Le réseau se questionne depuis 10 ans sur sa nouvelle orientation. Personne n’est venu nous voir pour savoir comment ça fonctionne», déclare le Dr Gagnon, sans aucune animosité. Les mots suffisent à démontrer l’absurdité de la situation. Les 70 000 personnes satisfaites de ce service seraient dans l’erreur?

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