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Géants

Publié le 06 mai 2010 par Toulouseweb
GéantsLa fusion United/Continental suscite des inquiétudes.
En Europe, personne ne connaît Christine Varney. C’est pourtant une femme d’influence qui dirige le service antitrust du département américain de la Justice. A ce titre, elle se prépare ŕ recevoir le lourd dossier de la fusion United/Continental, opération qui devrait donner naissance ŕ la plus grande compagnie aérienne du monde.
En proposera-t-elle l’approbation ? Sachant que les réseaux des deux protagonistes sont largement complémentaires, la diminution de concurrence devrait ętre minimale. De ce fait, les risques de hausses inconsidérées de tarifs seraient limitées, en l’absence de situations de monopoles. Ce qui reste ŕ vérifier.
Ce n’est pas un hasard si Glenn Tilton et Jeff Smisek, patrons du futur géant, dčs l’annonce de leur projet, ont fait allusion aux compagnies low-cost, présentes sur 80% des marchés intérieurs desservis par le futur tandem United/Continental. C’est une maničre élégante de hisser Southwest et ses congénčres au rang d’alibi. La manœuvre est habile mais la ficelle est un peu grosse, en męme temps qu’elle pose implicitement d’autres questions.
Les low-cost américaines, de Southwest ŕ JetBlue, ne cessent de croître et d’entraver la bonne marche de ce qu’il est convenu d’appeler outre-Atlantique les Ťlegacy carriersť, compagnies traditionnelles, loyalistes si l’on ose dire, qui ont finalement peu évolué depuis l’instauration de la déréglementation. Elles ont déployé d’importants efforts de productivité, allégé leurs structures mais n’en restent pas moins des machines lourdes, handicapées par une grande inertie commerciale.
Ce modčle économique, celui du canal historique des transports aériens, ne se pręte pas ŕ une refonte profonde. Et la preuve est faite qu’il est incompatible avec celui des low-cost au sein d’un męme groupe, sous une męme tutelle : il y a tout simplement incompatibilité.
La situation américaine suscite d’autant plus d’interrogations. A Washington, ces jours-ci, on évoque les dangers qui pourraient naître d’un cercle vicieux d’un type nouveau, le rapprochement United/Continental risquant en effet de susciter d’autres fusions qui, ŕ terme, finiraient par pénaliser le consommateur. Un discours qui n’est pas nouveau mais reprend vigueur. Un membre du Congrčs donne le ton, James Oberstar, élu démocrate du Minnesota, d’autant plus influent qu’il préside le Transportation and Infrastructure Committee. Il vient, sans plus attendre, de s’adresser directement ŕ Christine Varney pour dénoncer les dangers liés ŕ la fusion United/Continental et lui suggérer de désapprouver l’opération.
Aux Etats-Unis, la notion bien comprise de consumérisme est autrement plus importante et respectée qu’en Europe et suscite fréquemment des débats passionnés. Malheureusement, il est rare qu’ils bénéficient d’un écho de notre côté de l’océan, et cela bien que le courant de pensée post-Ralph Nader soit riche d’idées méritant considération. Entre-temps, voici qu’émerge une situation inattendue, qui ne manque pas de piquant, la responsabilité nouvelle confiée de facto aux low-cost, chargées d’éviter que les legacy carriers ne poussent le bouchon trop loin.
D’oů l’envie irrésistible de se laisser aller ŕ un moment d’aviation-fiction européenne avec un scénario qui verrait Michael O’Leary en défenseur de la veuve et l’orphelin ŕ coup de tarifs totalement hors de portée de ténors que leur ailes de géant empęchent de voler ŕ bon compte.
On suivra avec d’autant plus d’intéręt les travaux de Christine Varney et le défilé de lobbyistes venus frapper ŕ la porte.
Pierre Sparaco - AeroMorning

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