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Euro: Sarko le zorro est arrivé

Publié le 10 mai 2010 par Juan

Euro: Sarko le zorro est arrivéSamedi 8 mai, Nicolas Sarkozy a tenu une conférence de presse depuis Bruxelles à l'issue de ses échanges avec les autres chefs d'Etat de la zone euro.Ce fut un curieux exercice. Sarkozy voulait évidemment tirer la couverture à lui, et se pavaner sur une estrade. Mais, questionné avec insistance par les journalistes présents dans la salle, il dut battre piteusement en retraite.


Des menaces...
Samedi, le Monarque tenait son pupitre des deux mains pour annoncer, tel un Churchill de pacotille, que : «la zone euro traverse aujourd'hui, la crise sans doute la plus grave depuis sa création». La situation est grave, le ton sarkozyen l'est tout autant. S'en suit immédiatement un petit dérapage narcissique, dès la seconde phrase : «notre devoir, mon devoir, était de tout faire pour contribuer à unir les chefs d'États et de Gouvernements de la zone euro sur des mesures fortes à la hauteur de cette situation exceptionnelle». Sarkozy précise : «C'est ce qui m'a conduit à me rendre à Bruxelles quelques heures avant le début du sommet de l'Eurogroupe.» Quel dévouement... Le capitaine est sur le pont, même un week-end !
Il fallait annoncer des décisions, surtout quand elles sont imprécises. La première d'entre elles est «la confirmation de notre soutien au Gouvernement grec». Encore heureux ! Ce plan a été défini voici à peine dix jours avec le blanc-seing de l'eurogroup. Imaginait-on que le conseil européen allait se désavouer en si peu de jour... ? La seconde est plus intéressante, mais tout aussi floue: «Nous avons décidé de mettre en place un mécanisme européen d'intervention pour préserver la stabilité financière en Europe.» A charge aux ministres des finances d'en définir ensuite les modalités.
Et Sarkozy menace les grands méchants de cette crise de l'euro: «Désormais, les spéculateurs doivent savoir qu'ils en seront pour leurs frais.»
L'annonce suivante vaut le détour : «Nous avons donc décidé de doter la zone euro d'un véritable gouvernement économique.» Vous avez bien lu: un gouvernement économique. Sarkozy en précise les contours: « le renforcement de la surveillance économique et de la coordination des politiques économiques dans la zone euro ; la révision du Pacte de stabilité et de croissance pour renforcer les sanctions en cas de manquement répété aux règles ; la mise en place d'un mécanisme de management de crise pour l'avenir.» On s'imagine que ce gouvernement économique de l'Europe aura des moyens, notamment de coercition. En particulier, on s'attend à ce qu'il impose des programmes de redressement des comptes publics. Que nenni ! Sarkozy précise : «chaque pays, en fonction de sa situation propre prendra les mesures qui s'imposent
D'autres promesses suivent: «nous allons réglementer les produits dérivés, nous allons moraliser les agences de notation». Sarkozy lève les yeux quand il prononce cette dernière phrase. Il insiste sur le mot «m-o-r-a-l-i-s-e-r». Comment ? On ne sait pas. Les agences de notation ( Fitch Ratings, Moody's ou  Standard & Poor's) sont basées à New York.
... à l'embarras devant les journalistes
Après cette courte intervention, les journalistes s'en donnent à coeur joie. Ils n'avaient pas beaucoup de temps. Un journaliste commence par demander à Sarkozy «avec quoi vous allez les terroriser ce soir.» Le Monarque n'apprécie pas: «vous savez pour moi, Monsieur, ce n'est pas un sujet de plaisanterie.» Et il ajoute: «vous savez parfaitement que je ne peux pas rentrer dans le détail car je n'ai pas l'intention de dévoiler l'ensemble de notre plan afin que celui-ci soit le plus efficace possible.» Sans blague ? Voici un petit président français qui vient jouer les fiers à bras sur l'estrade, crier à la riposte, puis, à peine questionné, qui se replie gêné.
La confusion est la plus totale quand Sarkozy rajoute que la Banque Centrale Européenne (BCE) sera mise à contribution, mais, comme elle est indépendante, ce sont finalement les Etats qui suivront... «Quant à la Banque Centrale européenne, elle fera en toute indépendance ce qu'elle croit devoir faire, et je peux vous dire que la totalité des États membres, nous la soutenons et nous la soutiendrons». Avez vous compris ?
Sarkozy s'énerve ensuite qu'on puisse douter de la faiblesse de l'annonce: «C'est donc une mobilisation générale qui est décidée. Si cela ce n'est pas une nouvelle, je me demande si vous avez participé à de nombreux Conseils européens et si vous connaissez la mécanique communautaire !»
Titillé par une seconde question de journaliste sur le même sujet, Nicolas Sarkozy part dans une longue diversion, pour avouer, à propos du mécanisme de gestion de crise : «Cela veut dire respecter la lettre et l'esprit des traités, respecter l'indépendance des uns et des autres mais aller dans le même sens.» Ah... C'est tout ?
La dernière question est croustillante : mais qui sont donc ces spéculateurs, régulièrement accusés de tous les maux, et encore ces derniers jours ? Le Monarque est gêné. Il n'a pas envie de balancer: «il y a un mouvement spéculatif parfaitement artificiel qui s'est joué.»
Fermez les bancs.
Tout seul, Sarkozy s'impatiente
En fait, les détails du plan ont été décidés et finalisés le lendemain. Nicolas Sarkozy ne pouvait pas attendre. Qu'importe s'il n'avait rien à dire. Dimanche, les ministres européens des finances ont prévu la mise en place d'un fonds de 60 milliards d'euros. Ce fonds, alimenté par des prêts, serait mobilisable par les Etats nécessiteux sous condition d'austérité budgétaire. Un schéma «à la grecque» adopté pour l'ensemble d'une Union européenne menacée par la spéculation. Dans un second temps, les Européens se sont dotés d'un fonds de garantie de 440 milliards d'euros, géré par une société commune de droit privé.
De retour à Paris, Sarkozy trépignait sans doute. Dimanche, l'Elysée publie donc une petite salve de communiqués : à 18h, Sarkozy a téléphoné à Merkel: «ils ont constaté leur accord complet sur les mesures qui seront annoncées ce soir par l'Ecofin dans la ligne des conclusions de l'Eurogroupe réuni au niveau des Chefs d'Etat et de gouvernement, vendredi dernier. » Le communiqué est bref, trois lignes, et on s'en fiche.
A 18h30, Sarkozy a téléphoné à Obama.  Il fallait le faire savoir. «Ils ont constaté un large accord sur la nécessité d'une réponse d'ampleur aux désordres actuels qui affectent les marchés. »
Le communiqué est également bref, quatre lignes, et on s'en fiche aussi.
A 18h45, Sarkozy réunit Fillon, Baroin, Kouchner et Lellouche à l'Elysée «sur la crise financière que traverse la zone euro». Christine Lagarde n'est pas rentrée de Bruxelles. On n'a pas grand chose à se dire sur l'euro, mais il faut que les Français sachent qu'on bosse aussi à Paris, même le dimanche.
Qui croit encore à ce cirque médiatique ?

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