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L’hyperlocalité

Publié le 20 avril 2010 par Pjgrizel

Le web 2.0 se met à l’hyperlocal. Depuis l’an dernier, des services basés sur la localisation et la proximité apparaissent sur le web et rencontrent un succès croissant. Qu’est-ce que l’hyperlocalité (parfois appelée aussi hyperproximité) ? Qu’est-ce qu’un service hyperlocal ? Qu’est-ce que cela peut apporter à l’entreprise ? Voici quelques réponses, et des éléments concrets pour inciter les entreprises à franchir le pas !

Définition de l’hyperlocalité

Un service hyperlocal, c’est un service qui allie deux éléments en apparence inconciliables : l’ubiquité d’internet et une très grande proximité géographique et/ou sociale.

C’est donc un service qui a pour but de réunir un grand nombre d’utilisateurs et de leur offrir un service basé sur une dimension locale.

L’exemple le plus significatif et le plus populaire actuellement est le site foursquare. Le principe de base : indiquer à ses amis où l’on se trouve. De ce principe simplissime découle un système de récompenses. Certaines actions rapportent des points (découvrir un nouvel endroit, inviter des amis — et leur demander de « pointer » sur foursquare, pointer à deux endroits différents lors d’une même soirée, etc), et les points permettent d’obtenir des récompenses appelées « badges » (de simples images affichées sur le profil de l’utilisateur).

D’autres services existent sur le même principe. En France, le service dismoioù est une sorte de croisement génétique entre Facebook et le Guide du Routard : en s’inscrivant sur le site, on peut retrouver ses amis, et partager ses avis sur les adresses que l’on fréquente (bars, restaurants, boîtes, boutiques, etc).

Le principe de l’hyperlocalité est d’effacer les frontières entre la vie numérique et la vie sociale « classique ». À ce titre, l’hyperlocalité est une passerelle entre le réseau social et la réalité augmentée.

D’une façon générale, on retrouve souvent les mêmes principes et outils dans les différents services d’hyperlocalité :

  • Le check-in (ou le pointage) : cela consiste pour un utilisateur à déclarer le lieu où il se trouve (souvent effectué par téléphone portable grâce aux GPS ou à la triangulation d’antenne GSM, mais aussi depuis son ordinateur avec la géolocalisation par adresse IP) ;
  • La récompense, offerte sous plusieurs formes par différents sites (badges pour foursquare, par exemple) qui est une rétribution indirecte de l’utilisation du service ;
  • L’application mobile, qui est une déclinaison pour téléphone portable du service web. Souvent très travaillée et disponible pour plusieurs plate-formes mobiles (iPhone, Android et Blackberry le plus souvent), c’est l’élément essentiel du check-in.

D’où vient cette tendance ?

Comme nous l’avons vu, beaucoup de services hyperlocaux sont d’une simplicité désarmante et se basent sur des principes bien connus de tous. L’apprentissage en est facile, quasiment naturel, et la façon dont les utilisateurs s’approprient le concept est impressionnante.

Pourquoi, alors, cet engouement est apparu en 2009 et pas avant ? Deux raisons principales expliquent cela : la progression des réseaux sociaux et l’accès mobile à Internet.

Le réseau social a permis aux utilisateurs non seulement de se réunir, non seulement de communiquer, mais surtout de le faire avec leur identité réelle. Avant les réseaux sociaux, les forums, les chats, les salons de discussion, les blogs (et même pour ceux qui les ont connus, les services du Minitel !) avaient pour point d’honneur de respecter un certain anonymat des usagers. Lors de l’inscription d’un membre, on ne lui demandait pas son nom mais son pseudo. Les réseaux sociaux ont silencieusement changé cette règle et incité les utilisateurs à s’abonner sous leur véritable identité, et, mieux encore, à inviter ou retrouver leurs proches. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si de nombreux services hyperlocaux permettent une inscription basée sur les informations de Facebook de l’utilisateur.

D’autre part, le caractère de plus en plus universel de l’accès à Internet a facilité l’émergence de l’hyperlocalité : plus besoin d’être derrière un ordinateur pour être connecté à Internet, le téléphone portable est devenu un outil de navigation sur Internet à part entière. Et c’est un des points fondamentaux des services basés sur l’hyperlocalité : pouvoir identifier facilement la position géographique de l’utilisateur (mis à part certains services qui se basent sur une position fixe, et n’ont pas besoin d’une actualisation constante de cette position).

L’hyperlocalité est donc justifiée par la réunion de ces deux ingrédients. Mais quel intérêt pour ces services (côté usagers et côté business) ?

À quoi sert l’hyperlocalité ?

Pour l’utilisateur, l’hyperlocalité n’a pas d’autre vocation de prime abord qu’un intérêt ludique. Comme Facebook et la plupart des réseaux sociaux grand public, du reste ! C’est un moyen comme un autre de rester en contact avec ses proches, voire de les inviter, de les rejoindre, de découvrir de nouveaux lieux et de nouvelles personnes.

À cela, certains services ajoutent des « challenges » telle que les badges de foursquare. Là encore, l’intérêt reste purement ludique, mais n’est pas à négliger. Après tout, la compétition découle naturellement de beaucoup d’activités ludiques (sports, jeux de société, jeux télévisés, …). Le succès d’applications de jeux sur Facebook telles que Farmville est d’ailleurs instructif à cet égard.

D’ailleurs, la clé du succès d’un service hyperlocal est d’offrir une balance équilibrée entre la proximité et le web, c’est à dire entre les accroches à la proximité (rendez-vous physiques dans des lieux) et les ancrages virtuels (badges, jeux en ligne, interfaces de gestion des amis et commentaires des lieux visités, etc).

L’intérêt de l’hyperlocalité pour une entreprise est énorme : c’est un vecteur pratique et peu coûteux pour étendre sa clientèle. Là encore, foursquare a bien compris l’enjeu et a rapidement proposé à des lieux (restaurants, cafés, etc) de s’associer au site pour offrir des récompenses autant réelles que virtuelles. Réelles, sous la forme par exemple de promotions réservées aux membres de foursquare. Virtuelles sous la forme de points convertibles ensuite en badges foursquare.

Mais le réseau social, hyperlocal de surcroît, est viral ! Ainsi, les récompenses peuvent aussi se baser sur la cooptation. Par exemple, si un membre invite deux autres membres, on lui offre une consommation gratuite. Résultat : la portée de la promotion, basée initialement sur un service de proximité, se voit démultipliée par le réseau social !

La publicité de l’hyperproximité n’est donc plus seulement basée sur des bannières posées dans des sites, mais sur du bouche-à-oreille savamment orchestré. Et surtout, le système économique qui en découle est bien plus tangible, et bien plus adapté en particulier aux petites structures. Un café, un restaurant, une boutique ont tout à gagner à se faire référencer par des services hyperlocaux s’ils sont dans une zone géographique à implantation forte de ces services — les zones à forte densité urbaine.

Les limites de l’hyperproximité

Cet engouement, finalement récent, ne veut pas dire que la tendance sera stable dans les années à venir.

D’une part, les services manquent encore de maturité et de concentration. Ainsi, Foursquare pourrait se vendre à un acheteur gourmand (Google ?) dans les mois à venir. En France, dismoioù doit faire ses preuves (notamment face à foursquare), et il y a fort à parier qu’il n’y aura pas la place pour deux services concurrents sur ce segment.

D’autre part, l’hyperproximité fonctionne bien à condition d’avoir un maillage démographique suffisamment important. Sans aller jusqu’à l’exemple de la rase campagne, les banlieues des grandes villes sont en général moins actives en termes de réseaux hyperlocaux que les grandes villes elles-mêmes. Il y a plusieurs raisons à cela : le fait que les revenus des habitants-consommateurs sont plus élevés en centre ville qu’en périphérie, mais aussi la densité des lieux de sorties (bars, restaurants, magasins) plus forte en ville qu’en banlieue.

Pour réussir, un site hyperlocal doit offrir un service simple, lisible, facile à appréhender et viral (un concept facile à partager avec ses proches sans distinction d’âge, de sexe, de catégorie socio-professionnelle). Comme dans le web 2.0, un site à vocation sociale qui ne dispose que de peu d’abonnés tombera en quelques mois dans l’oubli le plus total — et même Google en a fait l’amère expérience avec Dodgeball.

Enfin, pour les usagers, l’hyperlocalité présente bien entendu un problème de confidentialité de données. Bien que le check-in soit basé sur le volontariat (heureusement !) il permet de « tracer » le parcours d’un individu dans son environnement. Que dirait par exemple un employeur potentiel d’un candidat s’il remarquait que celui-ci passe toutes ses soirées dans des bars ?

Quelques exemples de sites hyperlocaux

Pour clore cette présentation de l’hyperlocalité, voici quelques exemples de services hyperlocaux, en France ou à l’international.

  • foursquare, l’actuelle référence. Créé en 2009, basé sur les récompenses (badges), ce service intelligemment couplé à Facebook et Twitter remporte un beau succès, le nombre d’utilisateurs étant pour l’instant évalué entre 500.000 et 1 million ;
  • brightkite est une sorte de Twitter géolocalisé. Il permet de faire des « status updates » basés sur le lieu, et surtout de filtrer ces lieux dans la page de suivi des membres.
  • Gowalla est inspiré de foursquare, et basé sur les mêmes principes (check-in / récompenses).
  • En France, dismoioù propose des recommandations de lieux par les utilisateurs du service : en plus du « check-in », l’utilisateur donne une appréciation sur le lieu, et peut comparer avec les recommandations de ses amis.
  • Enfin, ma-residence.fr est un service d’hyperproximité de quartier : il permet aux habitants d’un quartier d’entrer facilement en contact et de se proposer des services entre voisins. Initialement basé sur une vision « immeuble » et sur une boîte à outils orientée syndics de copropriété, le site offre maintenant une palette de services visant à refléter la vie de quartier.

N’hésitez pas à partager votre expérience avec ces services dans les commentaires !

(photo : snow globe par Robert Couse-Baker, licence Creative Commons)


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