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« Le désamour est sans doute né d’une incompréhension entre les médias et Domenech»

Publié le 11 mai 2010 par Delits

A quelques heures de la publication de la « liste des 23 » par Raymond Domenech, Délits d’Opinion a souhaité recueillir l’avis d’expert d’Erick Bielderman, leader de la rubrique Football à l’Equipe Magazine, consultant pour l’Equipe TV, RTL et I-Télé. Avec lui nous sommes revenus sur les facteurs pouvant expliquer la faible popularité  du sélectionneur et aujourd’hui de l’équipe de France.

Délits d’Opinion : Comment expliquer le désamour entre le public français et le sélectionneur des Bleus, Raymond Domenech ?

Erik Bielderman : Il faut tout d’abord rappeler que dans son rapport avec l’opinion publique, Domenech ne fonctionne pas selon le mode de la séduction. Depuis sa prise de fonction il a souvent exprimé la difficulté qu’il avait à communiquer du fait de « l’intermédiaire médiatique ». Ainsi, si le sélectionneur a toujours souligné les excellents rapports qu’il avait avec les Français, il éprouve encore de vraies difficultés à faire passer son message par la voie médiatique.

Si l’on se replonge au moment de sa prise de fonction, on se souvient d’un sélectionneur décontracté qui se distinguait par un vrai goût du dialogue et des rapports relativement spontanés avec les journalistes. Et puis, cette spontanéité étant toujours empreinte d’un minimum de provocation, de jeux de mots ou de second degré, la distorsion est alors apparue et s’est renforcée avec le temps.

Plus récemment on a pu noter une volonté d’apaisement de la part de celui qui a la charge d’emmener les Bleus en Afrique du Sud. Pourtant, ce changement au niveau du mode de communication n’efface pas les longues années où l’incompréhension avec les médias a laissé sa place au désamour avec le public. 

Délits d’Opinion : Comment expliquer la rupture entre les Français, la Fédération et désormais l’équipe de France?

Erik Bielderman : La personnalité de Domenech et sa manière de communiquer ne sont pas les seuls éléments pouvant expliquer la mauvaise opinion des Français envers l’équipe de France. Il faut souligner le niveau de jeu de cette équipe qui s’est qualifiée in extremis pour le Mondial. De plus, la polémique sur la main d’Henry a noirci un peu plus le tableau. Enfin, la Fédération porte une vraie responsabilité dans cette affaire car c’est bien elle qui a fait le choix de reconduire le sélectionneur après l’échec de 2008 alors que tous les observateurs et le grand public souhaitaient voir un changement.

Au sortir de l’Euro, la Fédération a pris et assumé un risque important en reconduisant Domenech alors qu’il mesurait le fossé qui se creusait et se consolidait au niveau de sa popularité. En 2010, le juge de paix sera donc le parcours des Bleus en Afrique du Sud et ce n’est qu’à ce moment là que l’on pourra dire avec certitude si le choix de la Fédération était le bon pour la France, malgré un sélectionneur mal-aimé.

Délits d’Opinion : Quelle est votre jugement sur l’annonce du remplacement de R. Domenech plusieurs mois avant la Coupe du monde? Pour l’équipe de France? Pour les candidats cités ?

Erik Bielderman : Je pense que les premiers à avoir souffert de cette annonce sont les quelques entraineurs qui ont été donnés en pâture aux médias par le Président Escalettes. En voulant faire le choix de la transparence la Fédération a mis une immense pression à certains entraineurs dont Laurent Blanc. En effet, le club de Bordeaux est connu par son calme et son fonctionnement très maîtrisé ce qui explique que cette annonce ait pu fragiliser les girondins.

En réalité l’erreur n’est pas tant au niveau de l’annonce elle-même que de l’évocation de plusieurs noms. Cette volonté de transparence a renforcé le statut d’ultra favori de L. Blanc alors qu’un certain flou aurait pu permettre à L. Blanc ou à un autre de prendre l’initiative et donc de faire retomber la pression.

Délits d’Opinion : Quel est votre opinion sur l’impact de la polémique Zahia sur l’image du football français et sur la liste des 23?

Erik Bielderman : Je pense qu’en France le public parvient à faire le distinguo entre le privé et le public. Sur le cas Benzema, sa non-sélection si elle est confirmée demain, ne pourra être due à cette polémique et cela pour deux raisons : tout d’abord parce que le joueur éprouve de réelles difficultés avec les Bleus et ce depuis plusieurs mois, la seconde, parce que la polémique n’a pas touché Benzema très durement à la différence de Ribery. Ainsi, la présence de Ribery demain dans la liste des 23 confirmera que, pour les Français comme pour le sectionneur, la barrière entre le terrain et la vie privée demeure bien hermétique. Cela étant dit, il y a fort à parier que ces éléments seront rapidement ressortis du chapeau en cas de piètres performances au mondial.

Cette polémique, comme celles qui peuvent toucher d’autres sphères, démontrent qu’en France, malgré la transformation des médias et des modes de diffusion de l’information, l’impact de ce genre d’affaires reste limité. En réalité, le grand public démontre qu’il n’est pas « naïf » et qu’il a bien conscience que ces affaires aujourd’hui fortement médiatisées ne sont en réalité pas des choses totalement nouvelles et que les questions de liaisons extra conjugales sont plus vieilles que le football.

Délits d’Opinion : Comment analysez-vous le pessimisme des Français à l’égard du potentiel des Bleus à moins de deux mois du Mondial?

Erik Bielderman : Ce pessimisme, indépendamment du contexte évoqué, démontre que la France n’est pas un pays de football et que les Français ont encore du mal à s’enthousiasmer pour ce sport sauf dans des cas exceptionnels comme lors de France 98. 

Les Français sont plus réalistes que pessimistes. Leur équipe ne joue pas très bien, les joueurs sont d’un bon niveau mais ne sont plus les meilleurs à leurs postes et certains ne sont pas très en forme.

Les quelque optimistes le sont sans doute au regard d‘un tirage au sort plus que favorable mais sans cela il y aurait fort à parier qu’une grand majorité des Français soit encore moins optimiste que ce n’est le cas aujourd’hui.

Retrouvez Erik Bielderman sur son blog  : THIS IS BILD sur www.lequipemag.fr

 

Propos recueillis par Raphaël Leclerc


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