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C. Lepage, écologiste sincère ou mercenaire libérale ?

Publié le 12 mai 2010 par Vogelsong @Vogelsong

C. Lepage est députée du parlement européen, elle appartient au groupe libéral ALDE. Elle fut ministre sous le gouvernement de droite d’A. Juppé de 1995 à 1997 ; aux élections régionales de 2004, elle se présente sur la liste de l’UDF d’A. Santini. Puis à la tête de son parti CAP21, elle intègre le MODEM de F. Bayrou en 2007. Pour claquer la porte après la débâcle des régionales de 2010. Ensuite, elle se rapproche de la nébuleuse Europe écologie. Un parcours qui ressemble à du nomadisme politique. Elle revendique une approche ni droite, ni gauche. Une posture paradoxale comme l’illustrent ses choix. En particulier sur l’influence des lobbys et le libéralisme. De ce parcours, on ne peut retenir que les écueils, car il y a aussi des prises de positions fortes. Mais jusqu’où peut-on, malgré un engagement citoyen manifeste et une réelle acuité, louvoyer dans cet environnement politique et rester crédible ?

Technocratie et Lobbyisme

C. Lepage, écologiste sincère ou mercenaire libérale ?
Immergée dans les rouages de la citadelle technocratique Europe, C. Lepage décrit un fonctionnement formaté, aseptisé loin de possibles débordements. Elle se plait ainsi à décrire les turpitudes de ses petits camarades facilement convaincus par les lobbys. Qui recyclent docilement les amendements déjà rédigés. Pas de noms. En ce qui la concerne, elle déclare ne pas céder aux groupes de pression quels qu’ils soient. Une attitude transparente et démocratique comme elle le stipule sur son blog. Mais pas à une contradiction près, C. Lepage approuve l’omniprésence des lobbyistes à Bruxelles, “Ils font parti du jeu démocratique”. Une perspective quelque peu étonnante, qui laisse plus entendre un fatalisme désarmant face aux institutions et leur fonctionnement opaque, plutôt qu’un réel engagement pour une Europe démocratique, des peuples. En effet que pèse le vote citoyen distant, face au travail de proximité des multinationales. La tarte à la crème des “européistes” consiste à mettre en avant l’influence des ONG (moins de 10%) qui font aussi parti des dits “lobbys”. Ainsi, la directive REACH est inlassablement mise en avant pour souligner l’influence de la WWF. Tactique habituelle de l’arbrisseau masquant la forêt des intérêts très particuliers des plus puissants. Cela rappelle les publicitaires qui minimisent l’impact de leur propagande.
Les lobbyistes à Bruxelles doivent s’enregistrer auprès de praticiens des “public affairs”. Un code de conduite mode éthique libérale est instauré. Décoratif et non contraignant. Dans ce cadre de gentleman prime l’autorégulation. À l’européenne.
Quand par chance l’ignare populace européenne a droit au chapitre et s’exprime de façon démocratique (vote) sur l’”Europe”, sa décision est mise en attente et repassée au scrutin jusqu’à aboutissement du point de vue “correct”, c’est-à-dire de l’acceptation (France, Danemark, Irlande, TCE, Lisbonne). La route est longue et étroite entre le citoyen et ses représentants continentaux. Il n’en est pas de même pour les 10 000 techniciens en directives employés pour servir les intérêts minoritaires et spécifiques qui influent au plus haut de la structure technocratique. C. Lepage milite pour la responsabilité du politique. La reprise en main des leviers économiques face au dogme libéral et à la puissance des intérêts particuliers. C’est ce qu’elle déclare. Aussi. Dans quelle mesure cette réappropriation passe-t-elle par une remise en cause de ce petit arrangement de sommets sous couvert d’assentiments démocratiques ?

Sur le plan national, elle considère le Grenelle II comme une reculade. Déclarant par exemple que le gouvernement a cédé au sujet de l’énergie éolienne sous l’influence d’EDF. Et probablement du lobby nucléaire. Ces fameux lobbys dont on loue la nécessité démocratique.

Une “antilibérale” dans un parti libéral

G. Verhofstad fut surnommé Baby Tatcher. Il dirige le groupe ALDE au parlement européen. Il suffit de l’écouter s’exprimer sur les politiques économiques pour se convaincre de son attachement au versant le plus rigoriste du libéralisme économique sauce eurocratique. Le FDP allié droitier de la CDU en Allemagne appartient au groupe ALDE. Seules différences avec le PPE conservateur, il est plus libéral économiquement (c’est possible), et moins raide sociétalement (élémentaire). Le groupe ALDE fait la bascule selon les votes avec le PPE conservateur ou les verts et sociaux-démocrates. C. Lepage déclare s’exprimer en totale indépendance hors consignes de vote, “on me demande seulement de prévenir avant”. Son objectif, faire avancer l’Europe sur les sujets écologiques. Cruciaux. Certes, mais comment concilier les dogmes du consensus de Washington qui inspire le catéchisme du groupe ALDE dans sa vision économique du développement, et les impératifs écologiques nécessaires à une révolution des mentalité. Le libéralisme n’a que faire du fardeau écologique. Il s’en sert au mieux comme d’une vitrine marketing pour faire passer ses prérogatives (greenwashing). Une vitrine marketing dont C. Lepage fait peut-être partie ? Du moment que cela n’entrave pas les échanges internationaux, la circulation du capital et l’accumulation des profits. L’idée même d’une taxe écologique hérisse les libéraux. C’est assez interloqué que l’on peut l’entendre déclarer :”On a un parlement très libéral, en terme de liberté publique c’est très bien, en terme économique c’est très mal”.
C’est aussi avec une grande acuité qu’elle décèle les nouvelles cibles du néolibéralisme. Quand un adepte de F.v. Hayek lui parle de la société post-moderne comme “la société de la peur”, elle en tire une conclusion limpide. L’étape suivante du projet libéral est d’extirper du coeur de l’État la notion de sécurité. Rompre le contrat qui liait le citoyen et l’entité étatique. En substance, il abandonnait un peu de sa liberté et consentait à l’impôt pour vivre en relative sécurité. Selon C. Lepage, le dénigrement du principe de précaution, l’instrumentalisation des peurs n’ont qu’un seul objectif, reculer encore les frontières du “bien public”. Pour privatiser.

Insaisissable et paradoxale C. Lepage, qui prend le parti de se nourrir du système, mais aussi de le nourrir. Paroles radicales, approche iconoclaste qui accouchent de reforme(tte)s symboliques au sein d’un bloc idéologique qui n’a que faire du pragmatisme et de la bonne volonté. Vouloir se placer au dessus du clivage droite gauche c’est faire le pari que l’environnement politique le permet. Comme elle le remarque si bien, l’offensive néolibérale transforme tout, recycle tout à sa mesure. L’économie individuelle de la peur est devant. C. Lepage compte-t-elle s’y opposer avec le gentil G. Verofhstad ?

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Vogelsong – 11 mai 2010 – Paris

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