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Hauts de Montreuil : Dominque Voynet fait front devant la salle

Publié le 12 mai 2010 par Blanchemanche
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12 Mai 2010 Par François Mailloux
Hauts de Montreuil : Dominique Voynet fait front devant la salle
Mardi 11 mai L'école Nanteuil acceuillait la première réunion de concertation des « Hauts de Montreuil » préalable à la création de la ZAC Boissière-Acacia. Dès ses premières paroles dominique Voynet se fait apostropher par un groupe de squatters de la rue de la demi-lune disposés de façon stratégique dans la salle. Ils lui reprochent de ne pas tout mettre sur la table : « Et le dossier de 140 pages ? On ne peut pas le consulter. » On apprend donc que la municipalité répond à un concours du conseil régional qui attend des propositions de construction de nouveaux logements, avec plusieurs millions à la clé. La concertation comprend la réunion, des documents consultables sur le site internet (mais, au moment de la réunion, le dossier de 140 pages n'y figure pas) (voir le pdf ici) et au PIC (Pôle d'Information Municipal, en mairie), un « arpentage » le 12 juin avec une mise en commun de 17 juin. Peut-être un peu mince pour un projet de cette ampleur ?
Mais les squatters n'étaient pas les seuls à être en embuscade : des élus de l'ancienne majorité municipale avec Gaylord Lechequer et Eliane Robin, des militants de la FASE (Fédération pour une Alternative Sociale et Ecologique) avec Stefan Beltran, des militants du Nouveau Parti Anticapitaliste dont moi-même et arrivant en bloc une demi-heure après le début de la réunion la colistière de Dominique Voynet, Mouna Viprey, dont le divorce politique a été prononcé lors du dernier conseil municipal. Tout était en place pour une réunion houleuse. Il faut reconnaître que Dominique Voynet a tenu bon et a fait front... sur la forme. Mais sur le fond, malgré l'appui des élus de la majorité, comme Patrick Petitjean ou Claude Reznik, malgré le soutien logistique du diaporama et l'avantage de la prise de parole en tant qu'organisatrice, elle n'a pas convaincu l'auditoire de s'inscrire dans l'affinement du projet et ses arguments sur les choix déjà effectués n'ont pas désactivé les critiques.
Revenons aux intentions : réglementer les espaces libérés par le déclassement de l'autoroute A186 permettant le passage du tramway et le prolongement de la ligne 11 (station Boissière prévue en 2011) ; ne pas laisser d'espaces vaquants pouvant faire l'objet de spéculation ou pouvant être souillés ; lutter contre la fracture entre le haut et la bas Montreuil ; assurer la mixité des populations (1/3 de logement social) et des activités (services, commerce, entreprise) au sein des ilôts et au sein même des bâtiments ; assurer l'accès de ces nouveaux quartiers par les transports en commun et les déplacements doux. La municipalité veut tirer l'expérience de l'urbanisation récente du bas Montreuil où les zones ont été séparées entre l'activité et le logement. Elle vise à renforcer l'artisanat de façon à avoir des activités de main d'oeuvre non délocalisables avec des très petites et des petites entreprises. Un dispositif de concertation est prévu avec trois instances de consultation regroupant les financeurs publics, un groupe de professionnels qualifiés (énergéticiens, sociologues, architectes, ...) et des comités d'habitants. Un budget participatif est prévu.
Un habitant intervient sur les transports demandant un certain scepticisme concernant l'arrivée du tramway et du métro. Il rappelle qu'arrivé dans le quartier à Montreuil en 1992, on parlait déjà de l'arrivée prochaine de ces deux modes de transport. Depuis cette date, deux voies de bus desservant le quartier ont été abandonnées et la tarification est toujours aussi inégalitaire (tarif zone 2 pour le bas Montreuil et zone 3 pour le haut Montreuil). Il demande l'augmentation des cadences et de considérer le quartier comme un centre ville. Dominique Voynet approuve et se montre à l'écoute du scepticisme. La mise en service du tramway et de ses 5 stations est prévue en 2016 et celle du métro (L11) avec les stations Hôpital et Boissière en 2018. D'ici là la municipalité demande le renforcement des cadences des lignes 301 et 102.
Une deuxième question porte sur le coût de ces opérations estimé à 2 milliards d'euros, sur leur financement et aussi sur le prix des loyers. C'est un chantier qui va durer 20 ans. Son financement s'étalera sur cette durée. Le financement public ne pourra pas assurer l'ensemble d'où le choix des partenariats public-privés et le cadre des ZAC qui pourra réglementer cet « apport ». La municipalité n'a pas de pouvoir pour limiter les loyers, mais concernant les prix du terrain et les risques de spéculation, elle a pris un arrêté pour le limiter aux tarifs actuels pendant toute la durée des opérations.
Je remarque que les interventions du groupe de squatters de la demi-lune sont exagérées sur la forme (elles monopolisent les prises de parole et ne respectent pas les intervenants) mais sont bien fondées. Je reprend la question des logements vides évalués à 4000 pour l'ensemble de la ville. De même des immeubles de bureaux sont inoccupés et ne servent que la spéculation. Ne devraient-on pas faire un audit pour réhabiliter ces espaces et en faire des logements sociaux de haute qualité énergétique ? Le choix de densifier le quartier n'est-il pas discutable ? Souhaitons-nous une ville à 120 000 habitants ? Le choix de partenariats public-privé me paraît contestable : l'esprit des promoteurs c'est « les profits de demain font les investissements d'aujourd'hui ». Même réglementés, on empêchera pas cette logique et on introduit le loup dans la bergerie en recherchant de nouvelles sources de financement. Concernant les grands groupes de service comme Véolia ou Suez, nous avons l'expérience de la délégation à Véolia de la gestion de l'eau. Ce groupe fait des profits sur un besoin vital de la population en vendant son eau plus chère de 40% par rapport aux tarifs pratiqués par des régies publiques. Il arrive à obtenir sa délégation avec des arrangements, par exemple en finançant certains équipements pour des communes clés dans la gestion intercommunale. Cela revient à faire supporter des investissements par un coût supplémentaire pour l'accès à l'eau supporté par la population à la place de l'impôt. L'avantage, c'est que les responsables politiques n'ont pas à l'assumer devant leurs électeurs. Je demande des explications sur la rotation des réservoirs d'eau du SEDIF : un espace de jardins familliaux qui sera un « espace ouvert et vert » sera utilisé pour un nouveau réservoir. Les anciens réservoirs seront alors disponibles pour le nouveau quartier. Pourquoi détruit-on d'anciens réservoir pour en construire un nouveau juste à côté, en dégradant au passage un espace de loisir populaire comme le jardinage ? Je termine en remarquant un changement avec l'équipe précédente sur la prise en compte d'équipements collectifs comme la création d'une école et d'une crêche. Je souligne cependant des problèmes de taille. Le projet prévoit une école à 24 classes. L'équipe de Jean-Pierre Brard avait pris beaucoup de retard dans la construction d'écoles à Montreuil si bien que les besoins scolaires nécessitent déjà la construction d'école. Avec la construction de 900 logements nouveaux dans le quartier, soit 2 à 3000 habitants supplémentaires, cette école ne va-t-elle pas être très vite insuffisante ? Par ailleurs je fais remarquer qu'une école de 24 classes, ce sont au moins 600 enfants. C'est la taille des plus gros collèges de la ville. Les enfants, notamment les petits de maternelle ne vont-ils pas être perdus dans tout ce monde ?
Sur les logements vides, ce sont en général de petits propriétaires et il est difficile d'intervenir. En ce qui concerne les immeubles de bureau il est opposé deux arguments : la propriété n'est pas celle de la ville, et le coût de ces réhabilitations est élevé. Cette réponse ne m'a convaincu : il faudrait une vraie expertise pour cela et pas un sentiment non vérifié. Concernant le choix des ZAC et la densification, la réponse se fait par l'absurde. Si on ne fait rien les promoteurs viendront et ce sera encore pire. Ce n'est pas faux, mais cela veut dire qu'il serait impossible de préserver des espaces verts près des zones bien desservies par les transports en commun. Difficile à croire. Par ailleurs la limitation des prix du foncier au niveau actuel est à un niveau élevé. Il n'y aura pas de maîtrise des loyers privés, et là-dessus on ouvre de vrais espaces de profits pour les promoteurs. L'apport de population nouvelle et la volonté de mixer socialement la population aboutit toujours au même résultat : c'est une population plus riche qui remplace les classes ouvrières et populaires. Les plus démunis sont relégués toujours plus loin en banlieue. C'est d'ailleurs ce que craint un habitant du quartier regrettant l'abandon d'une culture ouvrière très ancrée à Montreuil. La mixité sociale se fait toujours à sens unique. Je formule ici des doutes que je n'ai pas exprimé oralement : cette densification est justifiée par la réponse à l'appel d'offre de la région, mais n'y a-t-il pas aussi des enjeux concernant la taille de la ville et la communauté d'agglomération « Est ensemble » qui n'ont pas été dévoilés ?
Un intervenant fait des remarques très justes sur la différence entre une concertation a posteriori et la construction avec les habitants eux-mêmes d'un éco-quartier. Ne devait-on pas associer dès le départ les habitants à la conception du projet ? La concertation mise en place revient à faire entériner des choix déjà effectués en petit comité. Il insiste sur d'autre choix possible avec l'autoconstruction. Ce serait d'ailleurs une façon de renouer avec les expériences des « castors » qui ont déjà construit deux ensembles, un au carrefour Aristide-Briand-Boissière, l'autre sur le côté du parc Montreau.
Encore deux ou trois interventions et Dominique Voynet met fin à la réunion reconnaissant être fatiguée. J'ai fait part au début de son endurance face à ce public rebelle, mais son projet n'a pas l'adhésion de la population. Elle doit se rappeler que l'ancienne équipe a été sanctionnée en partie par son aveuglement et par le coût de l'opération coeur de ville. La nouvelle municipalité devra démontrer qu'elle a retenu la leçon et qu'elle sait écouter l'avis de la population. Si l'on peut admirer la performance de Dominique Voynet, cette démonstration reste à faire.

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