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Pour une nouvelle alliance de classe

Publié le 14 mai 2010 par Dornbusch

Une excellente tribune de mes excellents camarades Laurent Baumel et François Kalfon

Laurent Baumel

Laurent Baumel

“Du côté de la rue de Solférino, quelque chose a changé. Au lendemain des élections régionales et à la veille de quatre conventions programmatiques, les socialistes se seront dotés d’un nouveau logiciel. En outre, le PS a rétabli son leadership dans l’opposition ; il pourra compter plus que jamais en 2012 sur la “force de frappe territoriale” de ses milliers d’élus locaux ; enfin, au moins deux de ses dirigeants sont en capacité d’incarner avec succès une alternative face à Nicolas Sarkozy.

Pour transformer ces potentialités en victoire, le Parti socialiste doit relever quelques défis. Celui de son unité, d’abord. Selon une enquête menée par TNS-Sofres la veille du premier tour des élections régionales, 79 % des Français continuent de le voir comme “un parti profondément divisé”. Celui de son offre politique, surtout. Ainsi, 68 % des Français estiment que “le PS critique mais ne propose pas vraiment”.

A travers leur texte sur le “nouveau modèle” économique, social et écologique, les socialistes ont commencé à répondre à ces défis. Après des années de tâtonnements et de débats stériles entre “première” et “deuxième gauche”, “archaïques” et “sociaux libéraux”, ce document, qui restaure la régulation du capital, le droit du travail, la politique industrielle, en introduisant des réflexions sur le bien-être, le développement durable, la production des richesses, consacre une volonté unanime de concilier la fidélité aux valeurs et la modernité. Sur ce socle idéologique, il devient possible de répondre aux attentes de la société.

Insistons, de ce point de vue, sur l’un des enjeux-clés de la future élection présidentielle pour la gauche : la prise en compte de la fragmentation de notre pays et de l’affaissement du pacte républicain, aggravé par trois années de sarkozysme. Les exclus, les couches populaires précarisées, exposées au chômage, à la dégradation de la condition salariale ou aux discriminations raciales, n’ont pas les mêmes intérêts, besoins et attentes que les couches populaires intégrées, disposant d’un emploi, d’un CDI, mais souffrant de la stagnation des revenus, des difficultés de logement, ou que les couches moyennes, inquiètes de l’avenir de leur retraite ou de celui de leurs enfants.

L’enjeu des services publics ou du cadre de vie ne se formule pas de la même manière au coeur des villes-centres, dans les territoires des premières couronnes, dans les zones périurbaines pavillonnaires ou dans les territoires ruraux.

Cette fragmentation est renforcée par la montée de l’individualisme et l’effondrement des solidarités de classe. Elles-mêmes fragilisées, les couches populaires intégrées et les couches moyennes supportent mal de “payer” pour les politiques d’assistance. Elles sont sensibles à la stigmatisation par la droite populiste des “assistés”, des “fainéants”. Il reste heureusement possible de fédérer ces classes sociales dans un projet politique, mais ce rassemblement n’est pas donné d’avance et ne peut plus résulter d’un appel incantatoire à un “peuple de gauche” censé converger derrière des valeurs. Il ne peut se construire qu’à travers un ensemble cohérent de propositions, économiques, sociales, sociétales, constitutives d’un compromis social majoritaire.

Les échecs de la gauche aux élections présidentielles depuis 1988 tiennent assez largement à l’occultation de ces questions. Bien que Lionel Jospin ait formulé cette intuition d’une “nouvelle alliance”, la gauche a donné l’impression, entre 1997 et 2002, de focaliser son action sur la lutte contre le chômage et l’exclusion au détriment, par exemple, du pouvoir d’achat des salariés intégrés. Elle s’est fait dérober en 2007 de larges pans de “la France qui se lève tôt” et s’est symboliquement laissé enfermer dans la défense du secteur public, de l’assistanat et des banlieues difficiles.

Les socialistes ont trop souvent eu tendance à se détourner de l’analyse sociologique, qu’ils confondent parfois avec le marketing électoral. Gagner en 2012 suppose de bâtir explicitement cette nouvelle alliance. Dans un contexte alourdi par le poids de la dette et des déficits publics, la gauche devra notamment incarner en 2012 la restauration d’un “Etat social efficace”.

Elle devra proposer sa réforme de la protection sociale et des services publics, en ayant le courage de dépasser postures et slogans trop faciles. Elle devra surtout porter un projet fiscal et social qui recentre réellement la grande machine “redistributive” au profit du salariat et des couches moyennes jusque-là négligées.

La proposition courageuse d’un nouvel impôt citoyen sur le revenu peut constituer l’un des axes-clés de ce nouveau compromis social. Elle devra être précisée et réinscrite dans le grand récit fédérateur qu’attend le pays, revenu des recettes tactiques du président de la République pour dresser les couches de la population les unes contre les autres. Bien loin du repli sur une identité nationale étriquée, c’est la tâche historique de la gauche que de réinventer en 2012 un pacte social qui puisse redonner à la France son élan et sa fierté”


Laurent Baumel est secrétaire national adjoint à l’Europe et aux relations internationales du PS.

François Kalfon est délégué général aux études d’opinion du PS.


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