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Haïti : Les non-dits d’une opposition à la dérive Par...

Publié le 17 mai 2010 par 509
Haïti : Les non-dits d’une opposition à la dérive
Par Fritz Calixte*
publié sur le site d'AlterPresse le 15 mai 2010
Et si la mobilisation de l’opposition en Haïti était l’arbre qui cachait la forêt ? Les hommes politiques haïtiens pratiquent un art politique dont la rationalité peut faire pâlir les puristes du cartésianisme. Ils se disent leaders politiques, mais de ce métier ils n’ont que le mot. Aucun parti politique n’a esquissé un programme de gouvernement depuis les cinq dernières années qui nous séparent des présidentielles de 2006. Sur ce point, reconnaissons que l’état affligeant et non professionnel de notre quatrième pouvoir leur a facilité le labeur. Quand nos hommes politiques s’invitent dans les médias aucune question économique, fiscale, de justice sociale ou autre ne leur est posée. L’esprit de facilité sied aux uns et aux autres comme un gant.
Nos hommes politiques, nos amuseurs publics, ne retiennent de la politique que de la politique politicienne. S’il en fallait une preuve, leur récente trouvaille est là pour nous le rappeler. Elle ne disconvient nullement à la tradition que ces Georges, ces Plim et consorts nous ont habituée depuis 1986 et qui nous a fait perdre presque trois décennies dans une interminable transition démocratique. Ils veulent remettre aux goûts du jour de vieilles recettes malgré leurs échecs répétés. Ils réclament la démission de René Préval à six mois de la fin de son mandat pour le remplacer par un gouvernement provisoire. Un CNG ferait bien l’affaire, il ne leur manque qu’à sortir le général Henri Namphy de sa retraite, et ainsi condamner d’autres générations d’Haïtiens à ne pas avoir droit à un avenir dans leur pays.
C’est peu dire que les gens sensés ne s’empêcheront pas de sourire tant ce projet est farfelu dans sa forme et dans son essence. Néanmoins, nous ferons bien de réfléchir à deux fois devant les manœuvres de cette bande d’apprentis sorciers endurcis. Nous devons être prudents face à cette convergence de l’obscurité afin qu’elle ne nous conduise dans de nouveaux précipices et tentons de comprendre les linéaments secrets de cette confusion qui se trame sous nos yeux.
Dans le contexte actuel, est-ce que cette opposition a les moyens de porter le gouvernement et la présidence à la démission ? La réponse à cette question est un non massif. Pour expliquer cette affirmation, rien qu’un regard sur l’état des forces en présence et les différents résultats des élections organisées dans le pays depuis cinq ans la réaffirment avec éloquence. Les personnages qui restent médiatiquement au premier rang sont parmi ceux qui ont eu des résultats électoraux les plus insignifiants, signant ainsi leur faiblesse politique et leur illégitimité à se présenter dans des habits de chefs de révolte. Ils n’ont pas la confiance des Haïtiens et depuis vingt-cinq ans, ils n’ont rien fait pour la mériter. L’objection facile à formuler est de brandir les irrégularités qui ont accompagné ces différentes consultations pour contester le maigre pourcentage représentatif de nos hommes politiques. Mais cela n’est qu’une vérité de polichinelle. Il n’est un secret pour personne que dans le Plateau Central, dans le Nord’Est, dans le Nord’ouest aussi bien l’opposition que le Parti au pouvoir ont usé des mêmes pratiques pour se faire élire. Les histoires sont légions où ils se rejettent des accusations de bourrage des urnes. Les uns et les autres, sans truquage, seraient en dessous de leurs résultats ; ce qui annihile l’objection. Ainsi, ils ne disposent d’aucun levier pour contraindre le pouvoir à abdiquer. Certes, ils clameront qu’ils l’ont fait en 2004 et comment ne pourront-ils pas récidiver en 2010 ? Ils oublient que les enjeux ne sont pas les mêmes. Les paramètres ont changé. Ils ont co-dirigé le pays avec Préval. La Fusion, l’OPL, et d’autres ont eu des représentants dans les gouvernements de l’actuel Président. En sont-ils conscients ? Accordons-leur le bénéfice de comprendre les limites de leur entreprise. Alors comment se justifie leur mobilisation anti-Préval ? Reconnaissons cependant que ce Président restera dans les annales comme étant le chef d’État qui n’a été, à aucun moment, à la hauteur de sa fonction. Toutefois, pour rendre la démocratie pérenne, il doit finir son mandat et transmettre le pouvoir à un successeur démocratiquement élu. Nos hommes politiques ne souhaitent pas entendre parler de cette option. Ils exigent purement et simplement la nomination d’un gouvernement provisoire. Est-ce un cri du désespoir ou une demande très intéressée de nos mêmes et éternels leaders politiques en place ad vitam æternam à la tête de leurs formations respectives depuis le départ du président à vie Jean Claude Duvalier ? Ces messieurs savent qu’ils ne peuvent pas rendre le pays ingouvernable et obliger René Préval à partir. Ils savent que la communauté internationale se dit prête à dépenser (qui vivra verra ?) 9 milliards de dollar dans le pays et nos chers pays amis souhaitent voir se réaliser des élections pour renouveler la légitimité des gouvernants haïtiens. Mais là n’est pas l’objectif de cette opposition. Son projet ne vise pas vraiment à obtenir le départ de René Préval. Elle cherche à créer assez de trouble pour empêcher la tenue d’élections. Ainsi au 7 février 2011, le pouvoir aura moins de légitimité pour symboliser l’État. Nos hommes politiques s’imaginent qu’ils seront en situation pour faire valoir le projet du gouvernement provisoire. Ils réussiront sur les deux tableaux. Ils reviendront d’une part au pouvoir par des voies dérobées ; et d’autre part ils éviteront la tenue d’élection qui une fois de plus mettrait à l’évidence leur faiblesse.
C’est à ce tournant que nos apprentis sorciers vont rapidement déchanter, si toutefois ils parviennent à empêcher la réalisation d’élections. Ils n’ont rien appris des expériences du passé. Qu’on se remémore 2004, la communauté internationale n’a pas confié le pouvoir à l’opposition ni n’a retenu son projet. Elle a sorti son poulain, le Sieur Gérard Latortue, de sa manche. En 2011, l’enjeu sera encore plus grand. Nos pays amis auront des milliards de dollars dans la balance. Notre opposition travaille, comme dit le vieux proverbe, pour le Roi de Prusse. Elle sera mise de côté à l’arrivée. La communauté internationale n’a pas plus confiante dans cette pléthore d’hommes politiques plus motivés à se trouver un strapontin pour assurer leurs vieux jours que dans ce président qui a dû répondre de l’état de la corruption dans son administration lors d’une visite très officielle à Washington. Ce qui risque de se produire l’année prochaine, si les élections n’ont pas lieu, s’apparentera à une prise de contrôle total du pays, avec en prime la mise à la retraite de facto de quelques membres de cette opposition.
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* Linguiste

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