Magazine Beaux Arts

Mon Metz à moi

Publié le 19 mai 2010 par Marc Lenot

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Que vous dire sur l’architecture du Centre Pompidou-Metz ? En arrivant depuis la gare, je n’ai guère été emballé par l’aspect extérieur, ce nappage, cette maison de Schtroumpfs. De plus, en levant les yeux, on voit dans la grande baie vitrée au dessus de l’entrée un immense casier à bouteilles des frères Bouroullec (alibi qu’il a bien fallu donner au design) et la prétentieuse vigie d’aspect fascisto-stalinien de Xavier Veilhan : on craint le pire !

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Heureusement, à l’intérieur, on respire : de l’espace, de la hauteur, et les trois galeries en étage, s’ouvrant sur la ville, de plus en plus dépouillées, sont superbes. Je n’en dirais pas autant du fouillis labyrinthique du rez-de-chaussée, aussi desservi par le miroir surplombant, effet d’esbrouffe ne servant en rien l’exposition.

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Mais c’est plutôt de l’exposition inaugurale (Chefs-d’Oeuvre ?)  que je vous parlerai. Le rez-de-chaussée, ‘Chefs-d’oeuvre dans l’histoire’ (jusqu’au 25 octobre), a, au premier abord, un aspect "Histoire de l’art pour les Nuls", avec des oeuvres anciennes dont la présence ici semble plus due à la politique régionale qu’à la pertinence du discours (ainsi de la profusion de dessins de Jacques Callot). Mais ce sont souvent des oeuvres insolites ou délaissées, et on en vient à se demander pourquoi, en quoi elles ont été ou non reconnues comme des chefs-d’oeuvre. On passe ainsi du moulage de la macabre statue du tombeau de René de Chalon, dite le Transi (ci-dessus) de Ligier Richier, à la robe de chambre de Balzac, enduite de plâtre par Rodin. On se perd un peu dans les considérations artisanales, le travail bien fait, la prouesse technique, et la présence d’un lustre en cristal de Saint-Louis semble plus due au mécénat de ladite entreprise qu’à un souci historique ou esthétique.

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Mais la salle sur le Chef-d’oeuvre inconnu est plaisante, quoique un peu pédante (Pourbus ou Porbus ?). Bref, on s’ennuie un peu dans la démonstration du rez-de-chaussée. Heureusement, on sort avec les magnifiques panneaux des Delaunays pour l’expo de 37, Sonia pour le Portugal et Robert pour le Palais du chemin de fer.

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Après cette progression labyrinthique confuse, le premier étage ("Histoires de chefs-d’oeuvre", jusqu’au 9 mai 2011) est nettement plus intéressant. On y est accueilli par une merveilleuse installation "totale" de Pennone, Respirer l’ombre, nous environnant de feuilles mortes emprisonnées dans des ballots de grillage; au bout, deux poumons en feuilles de laurier doré : on en perd le souffle.

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Fuyant loin de Ben, je suis parti à droite, vers les présumés chefs-d’oeuvre : un très beau Kupka aux rythmes syncopés, le grand Severini de la pan-pan danse, une salle où le Marteau sans maître de Boulez accompagne l’Orchestre de Nicolas de Staël, grand tableau jamais montré de son vivant, moment d’émotion pure.

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Au bout de la galerie, Dream passages with four corridors, de Bruce Nauman est une prison métallique, panoptique, éclairée au néon, évoquant le rêve, la mort, la torture, l’enfermement.

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Derrière, la maquette du Mouvement pour la 3ème Internationale de Tatline, reconstruite en 1979, s’ouvre vers la ville, négligemment accompagnée de petits Cadere.

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Revenant sur mes pas, l’autre moitié de la galerie, supposée moins établie, propose Ben (bof !), une belle salle Duchamp (avec un grand desssin méticuleux d’Étant donnés par André Raffray) et les Precious Liquids de Louise Bourgeois, coincé entre un très beau Soulages et les horreurs Bouroullec-Veilhan sus-mentionnées.

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Le second étage ("Rêves de chefs-d’oeuvre", jusqu’au 29 août 2011) est passionnant (dans sa première moitié) car il questionne fort bien le regard du spectateur : une allée tout en longueur présente les joyaux du musée, de Rodin à Lavier (et de Méliès à Apollo 11), en passant par Chagall, Kupka, Braque, Malevitch, Picabia (la Sainte Vierge, tache d’encre), Léger, Le Coq de Brancusi, la Poupée de Bellmer, Kandinsky, Picasso, Ernst, Pollock, la Femme debout de Giacometti, une Grande Anthropométrie bleue de Klein, bref une vraie galerie de chefs-d’oeuvre.

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Au delà de leur juxtaposition brute (genre "Les 100 oeuvres d’art que vous devez absolument avoir vues"), l’intérêt est de déambuler dans la sombre et étroite galerie parallèle, où sont affichés textes et notices, et montrées quelques vidéos (dont l’infâme film en couleur où Hans Namuth fait peindre Pollock sur du verre, déclencheur de sa rechute dans l’alcool) : de ce couloir, on voit les oeuvres à distance, via des échancrures, des meurtrières, des fenêtres. Pour l’amateur habitué à saisir dans un même regard cartel et tableau ou sculpture, c’est une sensation d’abord dérangeante, puis assez vite jubilatoire, car interrogeant pertinement le regard face à l’oeuvre. L’autre moitié de l’étage est consacrée aux réalisations et projets architecturaux de musées : il est surprenant qu’on y soit si chauvin, se limitant à la seule France, ni Bilbao, ni Abou Dhabi.

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Enfin, le troisième étage ("Chefs-d’oeuvre à l’infini", jusqu’au 17 janvier 2011), clair et dépouillé, est un bonheur : des juxtapositions d’oeuvres stimulantes (Matisse face à Ellsworth Kelly, Brassaï face aux harnachements d’un troupeau de moutons en transhumance), une riche réflexion sur le musée d’artiste (avec Boltanski et Broodthaers, Filliou et Duchamp). Une des baies est quasiment fermée par une immense photographie de Marc Couturier, qu’on ne voit bien que de l’extérieur. L’autre, au bout d’une salle quasi vide, avec la bibliothèque de Malraux et la collection de revues de Paul Destribats, adjointe de quelques alcoves (dont les très commerciales Larmes de Man Ray) s’ouvre vers la cathédrale de Metz, au loin : on s’arrête et on respire profondément.

En conclusion, une relative réussite (sans mériter les dithyrambes de la plupart des commentateurs) et une belle réponse aux opposants à la politique d’antennes des musées parisiens, à Lens ou à Abou Dhabi après Metz.

Voyage à l’invitation du Centre Pompidou Metz. Photos de l’auteur, excepté la 11ème (D.R.). Nicolas de Staël, Bruce Nauman, Louise Bourgeois et Man Ray étant représentés par l’ADAGP, les reproductions de leurs oeuvres seront retirées du blog à la fin des expositions.


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