Magazine Culture

"Rêve cosmique" ...

Publié le 19 mai 2010 par Myriam

A l'occasion de la visite de l'exposition du Greco à Dali au musée Jacquemart-André, un autre rapprochement s'est imposé de lui-même. Tout en voyant cette œuvre de Dali, "L'Ascension du Christ", peinte en 1958, je me remémorai différents panneaux du rétable d'Issenheim peint par Mathias Grünewald (vers 1512-1516), notamment celui de la crucifixion et celui de la résurrection.

Dali - L'Ascension du Christ, 1958

Ce sont les mains avec ces doigts recroquevillés, exacerbés, et ces bras déployés qui semblent embrasser l'univers qui m'ont tout de suite fait repenser aux mains du Christ crucifiées, convulsées, exsangues du panneau central

Grünewald - Retable d'Issenheim, crucifixion
représentant la crucifixion ; ces mains exhibées, telles des bois de cervidés, des trophées de chasse que l'on peut presque confondre avec la couronne d'épines sur la tête du Christ. Puis, c'est le halo lumineux et enfin les cercles concentriques du panneau de la Résurrection qui se sont tout naturellement imposés.
Grünewald - Retable d'Issenheim, 
Résurrection

Dans ces deux œuvres, nous ressentons comme une lévitation : à l'horizontal pour Dali, qui n'est pas sans rappeler le Christ de Mantegna et qui est plutôt atypique pour les scènes représentant l'Ascension ; à la verticale pour Grünewald, dont la force d'arrachement au sol est renforcée par la posture des soldats au premier plan qui, renversés au sol, sont comme foudroyés et semblent flotter, dans un style très proche de celui qu'aura Simon Vouet un siècle plus tard.

Et coïncidence ? pour traduire ce phénomène qui ne peut pas se décrire c'est la même palette de couleurs qui a été utilisée : la pleine nuit noire enveloppe le Christ avec un rappel ocre pour la terre (le rocher du tombeau du Christ, ou l'univers métamorphosé dans une poussière de météorites), tandis que le disque solaire apporte un halo lumineux jaune, le blanc du linceul étant repris par Dali dans ce deuxième halo blanc lumineux, décalé, dans lequel s'inscrit parfaitement en triangle le corps du Christ.

Dernier trait commun dans ces deux œuvres, le visage du Christ se dérobe à nos yeux. Chez Dali, nous devinons plus que nous n'apercevons le visage du Christ. En fait, il est complètement caché et si nous l'apercevons c'est que nous nous mettons à la place de la Vierge. "Au sommet du tableau, la Vierge, sous les traits de son épouse et muse Gala, pleure encore la Passion de son fils avec les larmes d’une Vierge flamande" (1). Chez Grünewald, "la tête et le buste du Christ se confondent avec la lumière de son nimbe agrandi aux dimensions d'un soleil" (2), son visage semble s'évaporer dans la lumière.

Ces deux peintres ont essayé de rendre visible la réalité du Christ ressuscité qui n'est perceptible que dans la foi. Rendre perceptible l'invisible, je vous laisse contempler ...

(1) l'explication de l'œuvre "L'Ascension du Christ" dans la présentation de l'exposition du "Gréco à Dali" au Musée Jacquemart-André

(2) Sur le rétable d'Issenheim et Mathias Grünewald, vous pouvez consulter cet article très complet http://herve.delboy.perso.sfr.fr/retable_baroque.html


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Myriam 321 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Magazine