Magazine

Les jours bizarres, je les écrase.

Publié le 08 février 2010 par M.
Ne me parlez jamais des hurlements. Tant que je n'entends rien ou que ça murmure seulement, je peux contraindre les pointes à s'arrêter sur ma peau, je peux louvoyer sans effort entres les flaques sur le goudron, mais dès que j'entends les cris, je suis pas loin d'être à ramasser la tête dans la cuvette. C'est étrange, non ? Tu sais à force de rêver de cadavres on les voit partout, pendus aux lampadaires, en traversant les passages piétons, emmêlés dans les roues des camionnettes, sur le quai du métro, à virer des rails d'un coup de serpillère. Dans les rivières, leurs grands yeux laiteux écarquillés qui vous fixent bêtement, puis en résidus caillés dans les fissures du trottoir. Même sur les filtres de cigarette avec des traces de rouge à lèvre. Je me réveille, respire, emmerde mon inconscient et me rendort de l'autre côté. Il y a toujours au moins les étoiles allumées sur le mur pour barrer les images. Mais coincée à la table du fond, avec ce foutu portable qui n'arrêtait pas de sonner, et qui ajoutait les détails aux détails et alimentait mon film intérieur, tu comprends j'ai pas su immédiatement comment y échapper. J'ai du ruser. Avec moi même. J'ai mis beaucoup de rouge sur ma grande feuille, et du gras noir qui grinçait comme une craie sur un tableau froid, j'entendais pas vraiment avec mes écouteurs vissés mais ça faisait se retourner le rang devant d'un air désapprobateur. J'ai reniflé dans ma manche, une fois, deux fois, plein de fois, personne ne m'a rien dit, rien demandé, c'est mieux comme ça. Qu'est ce que j'aurais dit, de toute façon. Que je suis allergique à la réalité quand elle écorche mes tympans intérieurs. Que j'ai l'empathie facile à bouleverser, que je suis un peu trop sensible, peut être. Que c'est plus facile de morver dans son col quand il s'agit des autres. Bah non. J'aurais dit : j'ai un rhume. J'aurais dit : je suis mal réveillée, casse toi. Je me serais marrée. J'aurais fait crisser ma pierre noire sur le papier, exprès. J'aime mieux les emmerder, puisque de toute façon, je garde les yeux secs comme un désert, alors je dis ce que je veux. Ils comprendraient pas. La majorité des gens comprennent pas. Chacun son ennemi intime - moi ce sont les hurlements. Ce sont les fragments de vie parallèle agrafés à mon nerfs optique par un neurone farceur. C'est l'habitant de mes migraines : le hurlement viscéral qui retourne tes boyaux en passant. C'est pas grave, c'est pas vraiment important. C'est juste un mauvais rêve pas différent de tous les précédents, en plus réel, en plus coriace, en ton mélodramatique dans les sms, mais je me suis pincée et c'était terminé. J'ai de la veine d'être celle qui imagine plutôt que ceux qui le vivent, mais de temps en temps ça me prend au dépourvu, voila tout. C'est mon côté instabilité psychologique, mais j'ai qu'à hausser les sourcils et imaginer ton sourire pour que ça s'arrête. C'est la vérité pure et même pas dure à avaler ; ça n'a jamais été mieux que maintenant. C'est juste pas valable à l'échelle planétaire, mais c'est folie dévorante et rouillée que de vouloir absorber les plaies du monde entier. Il y a quand même des domaines dans lesquels je suis raisonnable. Des fois. A vrai dire, en général, je m'en fous du reste. Tant qu'on ne touche pas à mes trésors à moi. En fait tant qu'on me laisse mon innocent périmètre et ma piètre jolie liberté, j'ai envie d'être gentille avec les gens. Être heureux, ça rend sociable, finalement. Et indulgent. Ma cervelle a des failles, c'est vrai la preuve quoi, mais j'ai fini par comprendre que c'était la fin de rien du tout. C'est pas plus qu'un caillou dans ma basket, suffit de l'enlever, la godasse, en plus c'est facile j'attache pas mes lacets, et de rendre l'intrus à l'anonymat des bords de murs. Je pense être fondamentalement être quelqu'un de pas mauvais, même si avec ou sans lunettes, je serai jamais parfaite. Tant mieux. Le gravier c'est ça, c'est ici et maintenant, c'est ce pavé que je vous laisse, et moi je suis déjà repartie. J'ai arrêté d'essayer de comprendre pourquoi. J'écris les caillots coincés et basta. La circulation redevient fluide, et moi tu vois je suis le bouchon là bas qui danse sur la crête des vagues. Un jour aussi, je retournerai voir la mer. C'était cool. J'me noierai plus. Tout est cool, tant que personne ne hurle en rouge, mais quand bien même, je subtiliserai tes mains pour me boucher les oreilles et ça sera tous les jours mieux maintenant. Sur ce, je m'en retourne terrasser la perspective axonométrique, mais je suis probablement meilleure avec les dragons. Qu'est-ce tu veux, j'suis pas une tapette qui sait tracer des droites parallèles à main levée et coller sans en foutre sur la table. J'suis un vrai guerrier, moi.

Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


M. 6 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Dossier Paperblog