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Michael O'Leary se fâche

Publié le 20 mai 2010 par Toulouseweb
Michael O’Leary se fâche

Ryanair menace de quitter Marseille-Provence dčs l’automne

Bien qu’il évoque de temps ŕ autre son prochain départ en retraite, fortune faite, Michael O’Leary, directeur général de Ryanair, n’avoue ni fatigue, ni lassitude. Bien au contraire ! Il continue de faire fructifier l’audace, la fougue, l’arrogance et le zeste de mauvaise foi qui constituent les fondements de son personnage. Et il aime la bagarre, intimement persuadé, quel que soit le combat ŕ mener, qu’il en sortira vainqueur.

Voici la compagnie irlandaise poursuivie pour travail illégal, comme le fut précédemment EasyJet. C’est la Ťbaseť de Marseille-Provence qui est en cause, les 120 personnes qu’elle occupe, dont une trentaine de pilotes, étant fiscalement domiciliées ŕ Dublin et non pas en France. Une information judiciaire est en cours et, sans préjuger du verdict, on imagine volontiers que la compagnie aura toutes les difficultés du monde ŕ défendre sa maničre de faire. Laquelle relčve, bien entendu, de la notion de Ťlow costť et plus précisément de son volet social. Charges, taxes, contraintes diverses sont jugées incompatibles avec le modčle économique pur et dur de Ryanair, plus sévčre, mieux verrouillé que celui d’EasyJet, Air Berlin et leurs congénčres.

Il va y avoir du sport ! La premičre contre-attaque, immédiate, consiste ŕ frapper oů cela fait le plus mal : si les tribunaux la condamnent, Ryanair se retirera purement et simplement de Marseille, choisissant ainsi une solution par l’absurde. Gesticulation, exagération ? Certainement pas ! Ce ne serait pas la premičre fois que Michael O’Leary claquerait la porte, laissant ses contradicteurs abasourdis, interloqués et sans voix. O’Leary ne fait pas dans la nuance et il lui arrive męme d’ętre méchant, voire rancunier.

A Marseille comme ailleurs, il bénéficie d’une position trčs forte. Ryanair est, de loin, le premier utilisateur de l’aérogare low-cost MP2 au départ de laquelle non moins de 26 destinations sont desservies par la compagnie irlandaise. Quatre Boeing 737-800 y sont basés. La chambre de commerce et d’industrie de Marseille, visiblement trčs inquičte, s’empresse de souligner que le développement local de Ryanair induit un millier d’emplois, fait venir chaque année plus de 400.000 touristes supplémentaires et produit ainsi pour plus de 550 millions d’euros de retombées économiques. Dans trois ans, la cité phocéenne sera capitale européenne de la culture, elle accueillera avant cela l’important forum mondial de l’eau et espčre que cette double opportunité contribuera ŕ rehausser son image. Dans cet esprit, le départ de Ryanair serait un coup dur, un recul difficile ŕ supporter.

Michael O’Leary a déjŕ clamé que les poursuites judiciaires qui viennent d’ętre entamées sont stupides, il y voit bien entendu la main d’Air France et une preuve supplémentaire d’incohérences européennes. Qui plus est, l’affrontement aura sans doute des conséquences politiques locales plutôt sévčres. La gauche dénonce le chantage de Ryanair, la droite exprime son inquiétude au sujet des conséquences économiques du repli éventuel de la compagnie.

Ce dossier marseillais illustre, une fois de plus, l’une des difficultés perverses nées du développement des compagnies low cost. Indirectement, involontairement, elles facilitent et soutiennent des initiatives, voire de nouveaux modes de vie qui, malgré les apparences, sont fragiles et dépendent d’un simple coup de gueule de PDG plus ou moins arrogant. L’une des illustrations de ce phénomčne relčve du domaine immobilier : nombre de citoyens anglais ont acheté une résidence secondaire ŕ proximité d’un aéroport français desservi ŕ petits tarifs. Michael O’Leary a prévenu, de longue date : il n’accepterait pas la plus petite part de responsabilité Ťimmobiličreť en cas de fermeture de lignes s’inscrivant dans cette catégorie.

Force est de constater, de maničre plus générale, que Ryanair est marquée par une image tout en contrastes et contradictions. Elle connaît un essor spectaculaire grâce ŕ une stratégie tarifaire sans équivalent mais n’est pas devenue pour autant une entreprise qui mériterait d’ętre qualifiée de sympathique. D’autant qu’elle est constamment ŕ la recherche de petits arrangements avec les élus, les responsables économiques, les gestionnaires d’aéroports pour encore et encore réduire ses frais d’escale. On l’a mieux compris quand s’est produit l’incident violent lié aux accords conclus ŕ Charleroi. Cet aéroport belge, morne plaine ŕ vocation industrielle, est devenu grâce ŕ Ryanair Brussels South Airport, une ruche bourdonnante trčs appréciée au cœur d’une région économiquement sinistrée.

Reste ŕ savoir si un compromis est possible. Les tribunaux d’Aix-en-Provence pourraient se retrancher derričre une formule ancestrale, dura lex sed lex. Michael O’Leary se retirerait aussitôt, en claquant la porte aussi violemment que possible, et irait ailleurs, accueilli les bras ouverts. On sait aussi qu’il faudra attendre patiemment sa retraite dorée pour tenter d’établir une fois pour toutes des rčgles du jeu qui satisfassent tout le monde.

En attendant, Marseille-Provence va tenter de se débrouiller. Pas facile…

Pierre Sparaco-AeroMorning

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