Le Polar: pop or not?

La réponse à cette question rejoint celle que nous avançâmes à propos de l’œuvre de Hopper : si Hopper substitua la Ville à la Nature, il en préserva néanmoins l’aura mystérieuse, source de beauté et de fatalité, dont l’homme, lui, demeurait toujours le témoin.

Mais si ses peintures offrent une déclinaison principalement esthétique de cette situation, les polars en accentuent la portée métaphysique. La Pop substitue, détourne, sublime mais actualise également, ce qui signifie qu’elle nous informe sur l’état de valeurs éternelles en utilisant l’actuel, soit la culture populaire. Dans cette optique l’esthétique se révèle aussi importante que le(s) message(s) que celle-ci enrobe. Le polar, avec ses personnages types (détectives, jolies filles, bars, policiers…), son environnement (métropoles) et ses codes de narration (intrigues, trahisons…), constitue donc une vision esthétique de la morale contemporaine interrogeant des concepts millénaires tels que la solitude, la rédemption, l’héroïsme, l’amour, ou le rapport à la Loi.

Si le bruit des balles, l’odeur du tabac et la saveur du whisky demeurent des constantes, les messages qu’ils englobent varient en fonction des auteurs et des époques. Chez Hitchcock l’intrigue traduit l’impuissance sexuelle (Vertigo), chez Hawks l’amour conflictuel (The Big Sleep), chez Singer du pouvoir des apparences (Usual Suspects) et chez De Palma de l’amoralité (Scarface). Le destin récompense ou punit ces héros et anti-héros avec la même clémence ou sévérité que les divinités grecques leurs créations antiques. Au théâtre ou au cinéma, la tension dramatique resta la même au fil des siècles et la mise en mouvement de l'histoire. L'alcool a remplacé l'ambroise, les magnums les épées, et les bars abritent une nouvelle faune étrange, peuplée de marginaux, où souvent le héro trouve des réponses à leurs questions (le lieux des oracles modernes?). Les déesses pouvaient êtres manipulatrices et vicieuses au même titre que nos héroïnes dont le héro ne sait plus parfois quelle confiance lui accorder.    

      L'alcool a remplacé l'ambroise, les magnums les épées, et les bars abritent une nouvelle faune étrange, peuplée de marginaux, où souvent le héro trouve des réponses à leurs questions (l'antre des oracles modernes?). Les déesses pouvaient êtres manipulatrices et vicieuses au même titre que nos héroïnes dont le héro ne sait plus parfois quelle confiance lui accorder. Les politiciens et les policiers ont pris la place des dieux mais complotent de la même manière en oubliant parfois leur statut. Bienvenue dans la Cité Moderne.

Les anciens mythes s’actualisent ainsi dans une vision moderne en conservant une portée éthique et un statut de divertissement. Hollywood produit donc de nouvelles mythologies prolongeant les questionnements de leurs ancêtres olympiens auxquels la technique fournit une représentation et l’intrigue une trame; comme si Homère rencontrait le 7ème art. Car le polar constitue une actualisation de questionnements millénaires par le biais des techniques cinématographiques.

Mais si l’homme se révèle être le centre de l’histoire, la ville en devient le second. Car le polar mystifie également l’urbanisme moderne, à la manière de Hopper dont il emprunte la symbolique (bars, buildings, bureaux, cinémas...). Hostile et fascinante, la métropole (New York, LA, Miami…) s’apparente à un nouveau champs de bataille entre l’amour et la mort, le vrai et le faux, le bien et le mal. Alors à la question “le Polar est-il pop” la réponse est oui. Et plus qu’une production pop, le polar est un romantisme moderne. Friedrich/De Palma, même combat?