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Prix du livre numérique: et si on se disait les vraies choses!

Par Traceursdetout

Avez-vous remarqué que chaque fois que l’on parle du livre numérique, ce sont toujours aux mêmes à qui l’on pose la question: Gallimard-Nourry-Hachette, Nourry-Hachette-Gallimard et parfois, Hachette-Gallimard-Nourry. Et forcément comme ce sont ces mêmes éditeurs qui ont la main-mise sur la distribution des livres qu’ils éditent, autrement dit qui ont le monopole de la distribution, la réponse est toujours là-même: 20 à 25% pas plus par rapport au livre papier! C’est de la foutaise, du pur foutage de gueule!

J’ai passé pratiquement 20 ans de ma vie dans l’édition papier (donc, je sais de quoi je suis en train de vous parler) avant que je ne bifurque vers l’édition numérique et le Web 2.0, il y a un peu moins de deux ans maintenant. De mon point de vue, l’édition numérique et le Web 2.0 sont intrinsèquement liés car en changeant de support, on ne peut plus communiquer autour du livre comme on l’a fait jusqu’à présent: des encarts publicitaires dans les journaux, journaux qui, soit en dit en pensant, sont amenés progressivement à disparaître. Super, des économies de papier en perspective, du gaspillage en moins, on va finir par consommer responsable. Je débattrai à ce sujet une autre fois. Pour l’heure, parlons du prix du livre numérique et des aberrations autour de ce débat qui est toujours alimenté par les mêmes. J’ai choisi de m’investir – et croyez-moi investir dans l’édition numérique est un mot faible – parce que j’aime la littérature et les auteurs. Quand on est éditeur, c’est la base, vous me direz. Et surtout n’allez pas croire que je suis un idéaliste: être éditeur, c’est aussi être un gestionnaire. J’aime avoir ma tête dans les nuages et garder les deux pieds sur terre. C’est mon côté Taureau prononcé.

Deux livres par an

Dans la foulée de mes expériences avec Gwen Catala et Christophe Sanchez du Roman d’Arnaud écrit pendant 40 jours et 40 nuits sur Facebook, j’ai créé les éditions Numerik:)ivres, marchant ainsi dans les pas de Publie.net, RobertNeVeutPasLire ou encore des éditions Dédicaces, convaincu qu’il est temps de tout mettre en oeuvre pour créer et diffuser un contenu inédit et de surcroît francophone (parce qu’au rythme où vont les choses, la littérature sera Shakespearienne et nous n’aurons plus que les yeux pour pleurer la sacro-sainte exception culturelle française) dédié 100% à la lecture numérique. Personne ne pourra me reprocher de ne pas mettre des actes à mon discours que j’entretiens par blog interposé, d’abord sur Numerikbook, puis aujourd’hui ici. Clément Laberge, vice-président de DeMarque le disait lui-même lors d’une récente entrevue: « il faut tenter l’expérience, ne pas regarder l’avion mais être dedans quand il va décoller« . Il faut mettre les mains dans le cambouis. J’ai lu et je lis beaucoup de blogs sur l’édition numérique et les journaux en ligne bien établis, vous savez ceux qui donnent toujours la parole au trio Gallimard-Nourry-Hachette, comme si ce trio était une référence en matière d’édition numérique. Ce trio est effectivement une référence d’un univers qui est en train de vaciller, dont l’aura est en train de se fendiller un peu plus tous les jours. Rendez-vous compte si tout à coup, le consommateur/lecteur venait à apprendre la vérité. S’il venait tout simplement à apprendre qu’un livre papier coûte vraiment trop cher. Et n’allez pas croire que ce « trop cher » profite aux auteurs. Non, malgré tout, les auteurs continuent, dans le papier, a touché leurs 8 à 10% de droits d’auteurs! Ce qui coûte cher, c’est la distribution: entre 50 et 55%. Et qui a le monopole de la distribution de ces livres qui « coûtent chers », le fameux trio que je cite depuis tout à l’heure, et qui n’est pas prêt à laisser aller la vache à lait. En moyenne, un consommateur achète 2 livres par année! Au Québec, un auteur vendra en moyenne 250 livres dans une année. C’est important de connaître ces chiffres. Les études montrent qu’il y a de moins en moins de lecteurs. Mais apparemment, ce genre d’information n’a pas l’air de déranger notre trio. On continue à vendre des livres à 25 euros/30$ et quand on parle du prix du livre numérique, la réponse est immédiate, le trio s’excite: l’éditeur doit rester maître du prix, pas question de vendre moins cher, bla,bla,bla,bla. Tout récemment, François Bon, fondateur de Publie.net, montait aux barricades. Je le cite: « les gros vont mourir parce qu’ils n’ont rien compris, qu’ils déclarent (Arnaud Nourry) dans un article sur le biblio nouvelsObs que ce sera -25% par rapport au prix du papier, parce qu’ils sont toujours aussi arrogants et méprisants envers les auteurs : pourquoi Nourry n’en n’a pas profité pour annoncer qu’il allait ainsi mieux pouvoir rémunérer les artistes ? Parce qu’il choie et caresse ses comptes bancaires et ses actionnaires!« 

L’arrogance du papier

Il y a effectivement beaucoup d’arrogance dans le monde merveilleux de l’édition bien établie. Arrogance vis-à-vis des auteurs, arrogance vis-à-vis des lecteurs qui se désintéressent de plus à plus de la lecture, sans oublier la génération Y qui est née avec un écran d’ordinateur entre les mains et pour qui l’attachement à l’odeur du papier ne veut absolument rien dire. Le monde merveilleux de l’édition bien établie a trouvé les coupables dans un trio: le trio Google-Amazon-Apple. Rassurez-vous, ce trio-là a des intentions clairement mercantiles mais au moins il avance à visage découvert et avec les modéles économiques qu’il propose pour diffuser le livre numériquement, c’est un sacré coup de pied qu’il met dans la fourmilière de l’édition papier qui fait tout pour résister en avançant des arguments démagos comme le métier de libraire va disparaître (non, il va évoluer), le piratage (continuez à vendre des livres à 25 euros en numérique et effectivement, ils vont être piratés). Avez-vous remarqué, jamais on ne parle pas du consommateur/lecteur, on ne tient jamais compte de ses désirs. Alors forcément, il faut des coupables et les coupables, c’est Google, Apple et Amazon. Des méchants qui, s’ils réussissent en mettre en place leur modèle d’agence – et croyez-moi ils vont réussir – des auteurs vont pouvoir être mieux rémunérés (attention, cependant de ne pas tomber dans les pièges de l’auto-édition) et les lecteurs vont avoir accés à des contenus littéraires de qualité sur des tablettes ou des liseuses qui seront de plus en plus confortables et de plus en plus accessibles commercialement parlant avec un prix du livre numérisé juste.

Au fait, vous continuez à acheter des CD à 20 euros/20$ dans les boutiques? Moi, ça fait longtemps, que j’achète ma musique dématérialisée, sur iTunes pour être plus précis, à 9,99$ le CD. Je n’ai jamais autant écouté de la musique de ma vie et mes CD sont bien rangés dans un lecteur Mp3 avec une pomme gravée dessus. Messieurs les journalistes de la presse bien établie qui, dans un article sont capable de tirer à boulet rouge sur l’iPad d’Apple pendant que leur patron pavane devant les caméras pour vanter les mérites de la toute nouvelle application géniale développée pour que le journal puisse être lu sur la géniale tablette d’Apple, quand vous voudrez faire des reportages objectifs sur le prix du livre numérique, arrêtez de regarder et de flatter toujours les mêmes nombrils et adressez-vous à ceux qui ont compris quels sont les véritables enjeux intellectuels et économiques de l’édition numérique.

Jean-François Gayrard (il paraît que c’est mal vu de ne pas signer ces posts, ben c’est fait!)


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