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Education nationale : la droite rétrograde en action

Publié le 03 juin 2010 par Juan
Education nationale : la droite rétrograde en actionLes ténors de l'UMP s'imaginent modernes. Ringardiser l'adversaire est chose habituelle en politique. Mais cette semaine, Luc Chatel vient de fournir un triste contre-exemple, l'illustration d'une politique rétrograde, idéologique et passéiste.
Luc Chatel réfléchit à une douzaine de pistes pour respecter l'engagement présidentiel du non-remplacement d'un fonctionnaire partant à la retraite sur deux. Parmi elles, augmenter le nombre d'élèves par classe de primaire. 16 000 suppressions de postes ont été décidées pour 2011.
Le site Internet Le café pédagogique, relayé ensuite par la presse, révèle ainsi que le ministère a demandé aux recteurs de «quantifier, à partir de leviers d'efficience identifiés, les marges de manoeuvre par académie, notamment pour 2011 et 2012».
La démarche ministérielle est étonnante. L'argument sarkozyen en faveur de la réduction du nombre de fonctionnaires dans l'Education nationale était qu'il fallait adapter l'effectif enseignant et administratif à la population des élèves. A lire le compte-rendu des sessions de travail au Ministère, on comprend qu'il ne s'agissait que d'une vaste fumisterie. La logique est inverse : le gouvernement veut supprimer des postes, et demande ensuite à ses recteurs et inspecteurs d'académie de «dégager les gisements d'emploi possibles». Il s'agit d'ajuster la qualité du service au dimensionnement des effectifs décidé à l'Elysée. Triste France, ambitions minables.
Les inspecteurs d'académie doivent donc remonter des «fiches de suppression de postes». Les consignes gouvernementales sont claires. Les mesures d'économies à l'étude sont nombreuses. Les décisions sont attendues pour le 15 juin prochain.
Pour l'enseignement primaire :
1. Suppression des RASED.
Xavier Darcos avait déjà tenté, en 2008, de supprimer les RASED. Devant le tollé général, il avait partiellement reculé. Cette fois-ci, le gouvernement utilise les nouveaux horaires scolaires, réduit sur 4 jours. Il argumente que «la durée de l’enseignement scolaire dans le premier degré est désormais fixée à vingt-quatre heures hebdomadaires dispensées à tous les élèves auxquelles s’ajoutent deux heures d’aide personnalisée en très petits groupes pour les élèves rencontrant des difficultés dans leurs apprentissages.» Et il ajoute : « Cet effort représente l’équivalent de 16 000 postes d’enseignants entièrement dédiés à aider les élèves qui en ont le plus besoin.» Plus besoin des RASED, on donne déjà des cours de soutien ! Le gouvernement conclue : «Dans ce nouveau contexte, la contribution des enseignants spécialisés des RASED, qui s’ajoute à cet effort, doit évoluer». Pour y parvenir, Chatel propose d'évaluer 3 scenarii, par ordre croissant d'austérité : suppression des maîtres G, puis des maîtres E, et enfin des pyschologues scolaires. Les services de Luc Chatel préviennent toutefois des difficultés à réaliser ces «extinctions»: il faudra un «accompagnement politique important» !
2. Augmentation du nombre d'élèves par classe.
Le gouvernement avance, sans justifier, des résultats d'études et expériences pour expliquer que la mesure ne produira aucun effet négatif sur la qualité de l'enseignement. Où ? Quand ? Avec qui ? : «hors cas ou situations spécifiques, les études et expériences les plus récentes indiquent que la diminution des effectifs dans les classes n’a pas d’effet avéré sur les résultats des élèves et que les très petites écoles ne s’avèrent plus toujours performantes». Chatel propose aux inspecteurs plusieurs leviers d'action: relèvement des seuils de création de classe, fusion d'écoles en milieu rural, «regroupements pédagogiques intercommunaux», modification des modalités d'affectation des élèves.Tout ça pour permettre «une répartition plus homogène et plus cohérente des effectifs tout en réduisant le nombre de classes nécessaires». En France, les classes en primaire comptent en moyenne 22 élèves. La moyenne des pays de l'OCDE est de 21. La France est 18ème .
3. Suppression de la scolarisation à l'âge de 2 ans. 
Le nombre d'enfants scolarisés entre 2 et 3 ans ne cessent de baisser depuis 2000. Encore une fois, le gouvernement se réfugie derrière des «études disponibles» qui «ne démontrent pas que la scolarisation à deux ans constitue un avantage évident dans toutes les situations par rapport à d’autres modes de garde alternatifs».
4. Réduction du besoin de remplacement.
Le gouvernement suggère que les formations hors temps scolaire soient encouragées, tout comme le recours à des non-titulaires.
Pour l'enseignement secondaire,


5. Augmentation du nombre d'élèves par classe dans les collèges.
Pour aider les inspecteurs d'académie dans leurs simulations de destructions d'emploi, la note gouvernementale précise même la méthode comptable (et connue) pour évaluer les gains d'effectifs en surchargeant un peu plus les classes, à l'aide d'un exemple bien théorique : «Exemple : Au sein d’un établissement, 240 élèves sont en 4ème dans 10 divisions soit un nombre d’élèves par division de 24,0. En augmentant le nombre d’élèves par division de 5 élèves on devrait obtenir : 240 / 29 = 8,3 divisions arrondi à 9 (gain d’une division). Soit un gain théorique en ETP (sur la base d’un coût théorique d’une division de 29 heures) de 1(division) x 29(heures) /18 = 1,6.»
6. Fusion des petits établissements
Le gouvernement aura besoin de l'appui des régions et des départements. Avec les mêmes arguments utilisés contre la justice de proximité pour justifier la coûteuse et dramatique réforme de carte judiciaire, il critique l'enseignement de proximité : «outre le coût de ces établissements pour les finances publiques (Etat et collectivités territoriales), cette situation peut nuire à la qualité de la formation dispensée : isolement des enseignants, multiplication des services partagés, difficulté à monter financièrement des projets pédagogiques, difficulté de faire intervenir des partenaires».
7. Rationalisation des lycées.
La réforme des lycées, adoptée l'an dernier, devrait porter ses «fruits» dès la rentrée scolaire de septembre 2011, à coups de «mise en réseau» d'établissements et de réduction d'horaires d'enseignements. Le ministère invite les inspecteurs à évaluer, pour chaque établissement, les gains d'effectifs en réduisant leur «dotation horaire globalisée» d'enseignement.
8. Fusion des enseignements professionnels à effectif réduit.
Le ministère prévient: «Le regroupement des divisions à effectifs réduits sera recherché ainsi qu’une augmentation de la taille des divisions. L’objectif est de rationaliser la carte des formations et de spécialiser les établissements afin d’optimiser la taille des structures».
9. Réduction des décharges horaires
Le ministère veut réduire ou supprimer les décharges horaires non statutaires (soutien scolaire, chorale, coordination disciplinaire, missions académiques, formation tice, utilisation tice).
10. Suppression des Initiatives de Découverte (IDD).
Les IDD s'adressent aux élèves des deux années du cycle central du collège, et permettent, à raison de 72 heures par an, d'accroître les horaires dédiées à certaines disciplines. Les voici jugées inutiles et donc à supprimer.
Mercredi, Luc Chatel s'exprimait sur ces annonces, dans le Talk Orange-Le Figaro. Porte-parole du gouvernement, il devait d'abord défendre sa collègue Fadela Amara: le Canard Enchaîné révélait le jour même que la ministre de la Ville, qui habite toujours chez elle, prête régulièrement son logement de fonction (120 mètres carrés place Fontenoy dans le 7ème arrondissement) à ses proches l'usage de . Il fallait donc écouter Chatel, bafouillant, défendre Amara : «elle a par ailleurs un logement - d'après ce que je comprends - qui est aménagé dans son bureau... euh... à proximité immédiate de son bureau et qui doit lui permettre aussi de se reposer.» Cette affaire n'a rien à voir avec l'Education nationale, mais elle est symbolique de la schizophrénie gouvernemental : la rigueur pour les uns, l'abondance pour les autres. Concernant la surcharge programmée des effectifs par classe, Chatel se défend : «le sujet à l'Education nationale n'est pas la question des moyens. (...) Le sujet c'est la bonne répartition de ces moyens sur l'ensemble du territoire. (...) L'Education nationale, premier budget de l'Etat, qui emploie la moitié des fonctionnaires, ne peut pas s'exonérer de la politique de maîtrise des dépenses publiques
Le ministre ment, clairement et sans complexe.
Le sujet, posé par ces instructions ministérielles, est la réduction des moyens sur l'ensemble du territoire.


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