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Peut-il y avoir un « impôt juste » ? (2)

Publié le 03 juin 2010 par Lecriducontribuable

Ci-dessous, la traduction réalisée par François Guillaumat de « Can there be a just tax ? », de l’économiste américain Murray N. Rothbard (1926-1995), article extrait de son livre Power & Market (1970, désormais inclus dans Man, Economy and State).

L’article se décomposant en quatre parties (A, B, C, et D), nous publierons chaque jour une partie. Aujourd’hui, « Coûts de collecte, commodité et certitude » (B) :

B.   Coûts de collecte,  commodité  et certitude

Même les maximes les plus simples ne doivent absolument pas être prises pour argent comptant.

Il y a deux siècles,  Adam Smith a posé en matière fiscale  quatre canons de la justice que les économistes,  depuis,  répètent comme des perroquets[1].

L’un d’entre eux porte sur la répartition de la charge de la fiscalité,  et sera traitée en détail plus loin.

Peut-être le plus « évident » est-il l’injonction de Smith comme quoi les coûts de collecte devraient être réduits « au minimum »  et les impôts prélevés avec ce principe à l’esprit.

Une maxime évidente et qui ne mange pas de pain ?

Certainement pas,  cette norme-là de la justice n’est pas évidente du tout. En effet,  le bureaucrate employé à la perception des impôts aura tendance à préférer un impôt dont les coûts d’administration seront élevés,  ce qui nécessitera de développer l’emploi dans son administration.

Au nom de quoi jugerions-nous évident que le bureaucrate se trompe ?

La réponse est qu’il ne se trompe pas,  et que pour lui donner « tort » il est nécessaire de se lancer dans un raisonnement  de philosophie morale qu’aucun économiste n’a pris la peine d’entreprendre.

Autre argument : si l’impôt est injuste pour d’autres raisons,  il peut être plus juste d’avoir des coûts administratifs élevés,  car alors il y aura moins de chances que cet impôt soit intégralement collecté. Si l’impôt est facile à percevoir,  alors il peut faire plus de mal au système économique et fausser bien davantage l’économie de marché.

On pourrait avancer le même argument  à propos d’un autre des canons d’Adam Smith,  à savoir que l’impôt devrait être prélevé de telle manière qu’il soit facile à payer.

Là encore,  cette maxime-là semble évidente,  et il y a certainement beaucoup de vérité là-dedans.

Mais quelqu’un pourrait faire valoir qu’une taxe doit être incommode pour pousser les gens à se rebeller,  et forcer à une réduction du niveau d’imposition.  C’était même l’un des premiers arguments des « conservateurs » en faveur d’un impôt sur le revenu,  par contraste avec l’imposition indirecte. La validité de cet argument-là  n’est pas ici la question ;  ce qui est en cause  c’est qu’il n’est pas évident en soi  qu’il n’est pas valide,  donc que cette norme-là  n’est pas plus simple ni plus évidente que les autres.

Le dernier canon fiscal de Smith est que l’impôt devrait être certain et non pas arbitraire,  de sorte que le contribuable sache ce qu’il devra payer.

Là encore,  une analyse plus approfondie montre que ce n’est pas du tout évident .

Certains pourront dire  que l’incertitude profite au contribuable,  car elle rend l’exigence plus flexible et permet de corrompre le percepteur.  Et cela profite  au contribuable dans la mesure où le pot-de-vin est moindre que l’impôt qu’il aurait à payer autrement.

En outre,  il n’existe aucun de moyen d’instituer une certitude à long terme,  étant donné que les hommes de l’état peuvent changer à tout moment les taux d’imposition.

À long terme,  l’impôt certain est un objectif absolument impossible à atteindre.

Un argument semblable peut être avancé contre l’idée qu’il « devrait » être difficile d’échapper à l’impôt.  Si un impôt est lourd et injuste,  la fraude pourrait être très bénéfique pour l’économie et morale par-dessus le marché.

Ainsi,  aucun de ces canons d’imposition,  supposés évidents,  n’en est un du tout.

Certains points de vue éthiques les déclareront justes,  pour d’autres ils sont erronés.

Pour ce qui est de la théorie économique,  celle-ci ne peut pas les départager.

[1] Adam Smith,  The Wealth of Nations (New York: Modern Library,  1937),  pp. 777–79. Voir aussi Hunter & Allen,  Principles of Public Finance, pp. 137–40.


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