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La CGT a travaillé avec les ONG bien avant le Grenelle de l’Environnement

Publié le 08 juin 2010 par Tulipe2009
La CGT a travaillé avec les ONG bien avant le Grenelle de l’Environnement
La CGT a travaillé avec les ONG bien avant le Grenelle de l’Environnement Cheminot, Daniel Geneste est entré à la SNCF en 1977, militant CGT dans l’entreprise, il a exercé son activité professionnelle jusqu’en 1998 où il devient permanent du syndicat. Depuis2003, Il est secrétaire général de l’Union Interfédérale des Transports (UIT-CGT), dont le siège est à Montreuil. Il a été négociateur dans le cadre du Grenelle de l’Environnement après avoir participé à la Commission Numéro 1 (Lutter contre les changements climatiques et maîtriser l'énergie) présidée par Nicholas Stern et Jean Jouzel. Il a aussi dirigé récemment la délégation CGT au Grenelle de la Mer. Je l’ai rencontré au mois de mai dernier.
Quelle est votre vision des ONG ?
DG: Une question qui vient à l’esprit des organisations syndicales est celle de la représentativité des ONG. Leur légitimité ne repose pas sur une élection ou une base démocratique comme nous. Certaines ONG n’ont pas de base militante et fonctionnent avec des salariés employés. Elles ont néanmoins pris place au CESE (Conseil économique et social) et aux CESE territoriaux. La situation est radicalement différente pour les syndicats, même si la base de militants est parfois plus faible en France qu’à l’étranger. Les syndicats s’appuient en effet sur l’implication des salariés et des adhérents. Le militantisme est une réalité au sein de l’entreprise et de la société. Pour autant, bien des représentants ONG ont une âme militante et les associations ont des bases d’adhérents et un ancrage sur le terrain.
Des ONG réclamaient une présence au sein de l’entreprise. Pour nous, ONG et associations restent une partie externe à l’entreprise, d’autant que pour certaines leur financement repose sur du mécénat. A l’opposé, d’un point de vue de gouvernance, les salariés sont une partie prenante intégrale de l’entreprise. C’est pourquoi nous nous opposons à la présence des ONG au sein des comités d’entreprise, instance représentative des salariés.
Par contre, il est manifeste que ce secteur associatif a une réelle expertise dans le domaine de l’environnement. Leurs connaissances se révèlent précieuses pour les responsables syndicaux. De notre côté, nous avons un meilleur savoir faire pour négocier. Au fond, c’est une complémentarité efficace. Je pense notamment à la possibilité pour un syndicat d’utiliser le droit d’alerte environnemental en s’appuyant sur l’expertise des ONG. A ce titre, nous revendiquons des droits nouveaux pour les salariés et leurs représentants. Il doit être possible de réagir aux problèmes environnementaux dans l’entreprise ou aux questions de nuisance au sein du CE ou du CHSCT tout en bénéficiant de la protection du statut de lanceur d’alerte.

A ce jour, le MEDEF s’oppose à ces nouveaux droits. Le syndicat patronal reste inscrit dans une logique financière. Une bataille est engagée sur ce thème, elle a commencé au Grenelle avec l’engagement d’une négociation que le MEDEF s’évertue à bloquer. Mais le législateur s’est refusé à trancher, ni dans la loi Grenelle 1, ni dans la 2, alors que certains amendements ont été mis en avant y compris par les ONG.
Quels sont les points de convergence dans le domaine du transport ?
DG: Le fret ferroviaire a été identifié au Grenelle de l’Environnement comme un des moyens les plus efficaces de réduire les émissions de gaz à effet de serre en France. Cette question comporte aussi bien évidemment un volet social. Il s’agit bien de choix stratégiques, qui doivent être pris au plus haut niveau. En fait, nous nous heurtons à un refus d’en discuter et nous considérons en situation de légitime défense. C’est pourquoi nous avons alerté l’opinion publique et mener des opérations de mobilisation. Un collectif a même été créé entre syndicats et ONG sur cette question essentielle pour l’avenir. Le problème est notamment que la SNCF considère que, comme la plupart des activités humaines, le fret va générer du CO2, ce qui va alourdir son emprunte carbone. La SNCF refuse de calculer la réduction d’émission de CO2 pour la société française dans son ensemble, elle raisonne sur son bilan carbone propre. L’Etat la laisse faire et le report modal devient chimère, voir s’opère à l’envers soit du rail vers la route.
Nous avions travaillé avec les ONG bien avant le Grenelle de l’Environnement de 2007. Je rappelle aussi qu’en juin 2008 nous avons co-organisé un colloque sur le transport durable au CES.
La CGT est-elle sensible aux questions de RSE ?
DG: A la CGT, nous parlons de développement humain durable. Nous ne nous situons donc pas dans la décroissance. Nous prônons de nouvelles formes de croissance, où les critères sociaux et écologiques fondent les nouvelles bases de l’économique. Le terme « humain » comprend notamment la dimension de la solidarité, y compris Nord-Sud, et sociale. La réflexion de la CGT sur ces questions est ancienne, on la retrouve dans les documents dès le Congrès de la CGT de 1995. Avec des thématiques comme la question sociale, la politique industrielle, les circuits courts à opposer aux délocalisations, la contrainte du CO2 et le transport, etc. Notre idée est d’identifier les leviers de contraintes et de se constituer les bons outils de mesure. Ces préoccupations descendent au niveau de la base même s’il y a des décalages au regard des vécus immédiats (plans sociaux, précarité….), puisque les militants CGT, lorsqu’ils demandent un rapport d’expertise sur leur entreprise, réclament aux experts d’y intégrer la dimension RSE et posent la responsabilité sociale et environnementale des groupes et entreprises sur le territoire.
Comment se sont passées les négociations au Grenelle de la Mer ?
DG: Compte tenu de l’expérience du Grenelle de l’Environnement, au Grenelle de la Mer nous avons été rapidement opérationnel, en termes d’apprentissage et de gouvernance à 5 collèges. Les réflexions ont notamment portées sur les aires marines protégées, les pavillons de complaisance et le secteur de la pêche.
Syndicats (CFDT, CGT, CFE-CGC), ONG (notamment WWF, Fondation Nicolas Hulot, Greenpeace, Robin des bois, BLOOM…), associations et réseaux (FNE, NPO, RAC…) avaient pris soin de définir une stratégie en amont, avec des compromis arrêtés sur les points de divergence. Nous avons pu être plus offensifs et cohérents. La question de l’emploi a été défendue par les syndicats, qui ont insisté sur les mesures de reconversion pour les pêcheurs directement concernés. Je pense que les ONG n’ont aucun intérêt à ignorer les questions sociales, comme les syndicats ont tout à gagner à intégrer les problèmes environnementaux. La priorité était bien dans le triptyque : économie, écologie et social.
La CGT est attachée à la protection de la biodiversité. Deux livres bleus ont sont issus des travaux du Grenelle de la Mer. Le premier reflète les engagements pris par les différentes parties prenantes. C’est celui que nous reconnaissons. Le second est le livre stratégique du gouvernement, il ne nous engage pas et est en décalage avec les engagements négociés. Dans les faits, le gouvernement ignore pour le moment les engagements pris, notamment la prise en charge des dispositifs d’accompagnement social et de reconversion des pêcheurs par la collectivité, les critères de conditions d’exploitation des ressources de la mer...
Des décisions ont été prises pour les requins taupes, qui concernent 6 bateaux. S’agissant du thon rouge, il a été acté une inscription en annexe 2 de la CITES. Le gouvernement français est allé au-delà de l’accord en demandant l’annexe 1. Pour parvenir à un résultat, cette espèce en danger aurait due être inscrite en Annexe 2. Ce type de pêche emploie 200 bateaux de pêcheurs. Mais ce qui aussi fait des ravages, un véritable pillage, c’est l’ampleur de la pêche illégale. Cela pose la question du contrôle, donc d’une politique publique. En demandant le thon rouge en Annexe 1, tous les pays devaient l’accepter, c’était impossible avec le Japon et la Libye, Sarkozy le savait et sa décision revenait à torpiller l’équilibre négocié au grenelle. C’est une tromperie politicienne.
Qu’en est-il du dialogue ONG/syndicats de salariés au plan européen ?
DG: En France, le souci du développement durable correspond à une démarche unitaire, même si FO et la CFTC sont en retrait. Au niveau européen, le dialogue entre ONG et syndicats est une réalité. A travers la Confédération européenne des Syndicats (CES) et de la Confédération syndicale internationale (CSI), la CGT a été présente à Copenhague. Les questions qui sont défendues par le syndicalisme sont notamment la défense d’un mode de développement respectueux de l’environnement qui préserve l’emploi, la qualité et le niveau de vie des salariés, au Nord comme au Sud. La CES prône l’idée une transition juste de nos économies. ETF (European Transport Federation), qui est la branche transport de la CES, a aussi défini un projet de transport durable en Europe, baptisé TRUST (TRade Union vision on Sustainable Transport).
Ce projet dont la construction a été financé par l’Union européenne, aboutie à des propositions alternatives aux choix actuels. C’est clair, il faut rompre avec la libéralisation des transports incompatible avec les enjeux et défis à relever. Ce concept vient d’être adopté au congrès des syndicats européens, il est notre main courante. Une de ses idées est notamment de conditionner les aides publiques aux entreprises à certains critères de responsabilité environnementales et sociales, sur fond d’une réorientation du système de transport.

Et au niveau mondial ?

DG: La fédération syndicale Internationale de travailleurs du transport (ITF) tiens son congrès en juillet 2010 au Mexique, elle consacre une séance au Développement Durable.
Nous nous sommes aussi opposés aux pratiques douteuses adoptées dans la déconstruction des navires poubelles. Avec des ouvriers payés en monnaie de singe et exposés à des risques sanitaires. Nous avons défendu le principe d’une filière de déconstruction au Grenelle de la mer et l’avons obtenu dans les engagements. Il s’agit d’un acquis important écologique, industriel et social mais le gouvernement cherche à le renier. Un syndicat comme la CGT a une bonne idée de ce qui ne doit pas se faire dans les PVD. Notre solidarité doit aussi consister à leur faire bénéficier de conditions de vie et de travail décentes et durables et du même coup leur éviter les erreurs que nous démontre l’analyse des sociétés développés. Il est indécent qu’ils soient les décharges des pays du Nord.

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