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Il ne fait jamais noir en ville

Publié le 08 juin 2010 par Clarabel

08/06/10

Il ne fait jamais noir en ville

C'est court, mais c'est tellement beau. En 105 pages, Marie-Sabine Roger danse avec les émotions, avec les chutes, avec les messages, avec la petite mélodie qui touche ou qui donne le sourire. D'une histoire à l'autre, ce n'est jamais de tout repos.

On se surprend à trouver cocasse l'aventure de Sylviane, la bonne cruche à qui on fait tout voir au boulot ou dans la vie de tous les jours, et qui enfin va se surprendre à dire crotte, parce qu'il a suffi d'une rencontre pour que tout change chez elle. Et même l'histoire avec monsieur Mesnard, ce voisin inquiétant, secret, silencieux, trop bon pour être honnête, serviable mais étouffant, qui sait ? La narratrice nous fait vivre cette montée d'angoisse, ce climat lourd, qui nous laisse mi-figue, mi-raisin, on ne saurait dire mais on devine le malaise, et à l'instar de la narratrice, on a très envie de se barricader, d'y aller à reculons, de ne plus savoir s'il faut avoir peur ou faire confiance. Flippant, mais savoureux.

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Néanmoins, tout le monde n'est pas à la fête dans ce recueil composé de dix nouvelles. C'est aussi sensible et très émouvant, le drame d'un père qui se sépare de son enfant, la mort à petits feux d'une femme qui se sent corvéable à merci, l'adieu au père (dans Tout va bien), ohlala, ce texte est d'ailleurs une perle. Il m'a fallu le lire plusieurs fois, l'émotion m'a surprise à chaque fois, j'avais la gorge nouée, je relisais des passages, je me le murmurais à moi-même et j'avais des frissons partout. Ce texte figure très haut parmi mes préférés, avec Sans blessure apparente, un autre instant scotchant, bluffant et brut de décoffrage. 

Comment vit-on sa vie quand la vie n'est plus là ?
L'allée de gravier me semblera plus étroite et mal entretenue. Est-ce que le sac tirera sur l'épaule, est-ce que le ventre fera mal ? Qu'y a-t-il donc, après l'irréparable ? Après la lâcheté, la peur et le déni. La perte refusée mais pourtant consentie.
Et la mutilation, sans blessure apparente.

C'est un livre arc-en-ciel. Il possède le charme des sensations changeantes, il nous surprend, il nous séduit, il nous bouleverse. Je ne m'y attendais pas, j'ai été sur le carreau. 

Car souvent, Marie-Sabine Roger ne se contente pas d'être aimable ou serviable. Pas du genre où nous offrir ce qu'on attend. C'est ce qui ressort de la lecture, le sentiment d'un bel accomplissement, d'un certain étourdissement, entre rires et larmes, et un désir de sincérité, sans forcer. C'était beau, c'était bien.

- Ils laissent tout le temps brûler les lumières, ici ? Ils n'éteignent jamais ?
Pascal sourit :
- Eh non, maman ! Il ne fait jamais noir, en ville. 

Il ne fait jamais noir en ville ~ Marie-Sabine Roger
éditions Thierry Magnier (2010) - 105 pages - 16€

Un très beau recueil qui paraît au moment où le roman de Marie-Sabine Roger, La tête en friche, est adapté à l’écran par Jean Becker avec Gérard Depardieu et Gisèle Casadesus.

ma tête en friche, août 2008


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