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162ème semaine de Sarkofrance: la semaine exemplaire d'une République bananière

Publié le 12 juin 2010 par Juan
162ème semaine de Sarkofrance: la semaine exemplaire d'une République bananièreLundi, Angela pose un lapin à Nicolas. Elle a marre de ces gesticulations qui ne débouchent sur rien. Mardi, Nicolas s'inquiète de la reprise du Monde, sur fonds de Karachigate. Mercredi, Eric susurre que la réforme des retraites sera dévoilée le 15 juin. Jeudi, Christine abandonne ses 9 500 euros pour une mission de complaisance. Une autre Christine fait échouer un amendement anti-spéculation à l'Assemblée. Vendredi, la Coupe du Monde de Football débute enfin. Ouf ! On va pouvoir penser à autre chose...
Sarkozy agace Merkel
Lundi, Nicolas Sarkozy devait se rendre à Berlin, rencontrer Angela Merkel, et discuter gouvernance économique de la zone euro et régulation bancaire. Patatras ! A la dernière minute, la chancelière invoque des « contraintes de calendrier » pour annuler. L'honneur est sauf. Sarkozy n'avait pas décollé. A l'Elysée, on minimise. Dès mercredi, les deux publient une lettre commune adressée à José-Manuel Barroso. Ils lui demandent qu'il accélère les travaux «s'agissant de l'encadrement renforcé du marché des CDS souverains et des ventes à découvert, et présente avant l'EcoFin (réunion des ministres des Finances de l'UE) de juillet l'ensemble des pistes d'action envisageables.» Ils vont jusqu'à réclamer l'interdiction des ventes à découvert à nu. En fait, la mésentente franco-allemande est réelle. Mme Merkel est favorable à un contrôle plus fort du budget des Etats demandant une aide financière, avec sanctions et éventuellement mise en faillite des pays trop endettés. Sarkozy préfère les paroles et les forums : il propose de doter le groupe des 16 chefs d'Etat de la zone euro d'un secrétariat permanent, de rencontres régulières, et d'une présidence qu'il se verrait bien assumer.
Même sur la lutte contre la spéculation et la régulation financière, Sarkozy parle, mais Merkel agit. La chancelière a déjà fait interdire les fameuses « ventes à nu » sur les dettes d'Etats. En France, jeudi dernier, Christine Lagarde a fait rejeter par l'UMP, à deux reprises, un amendement anti-spéculation qui visait précisément à interdire ces ventes à découvert. La ministre explique que la France ne doit pas faire cavalier seul. On croit rêver.
La régulation bancaire traîne en Sarkofrance. A l'automne 2008, le Monarque n'avait pas de mots assez sévères contre les traders, les spéculateurs, le capitalisme boursier qu'il fallait moraliser. Au printemps 2009, un minable G20 à Pitsburg faisait semblant de supprimer les paradis fiscaux d'un coup de baguette magique, et promettait davantage de régulation des marchés financiers. Le gouvernement français a ensuite mis plus de 6 mois pour pondre un projet de loi déposé le 16 décembre 2009 à l'Assemblée Nationale. Six mois de travail pour une belle tartufferie médiatique !
Le projet Fillon/Lagarde était minimaliste, mais il permettait de dire qu'on s'occupait enfin de la spéculation. Dans le détail, Fillon et Lagarde se proposaient de créer deux nouveaux machins administratifs pompeusement appelés  «conseil de régulation financière et du risque systémique» et «collège des superviseurs» qui n'ont qu'un rôle informatif sur les marchés et les agences de notation. Le reste du projet est consacré au financement des entreprises, sans rapport avec les dérèglements de la finance mondiale qu'on a connu depuis 2008. Ensuite, depuis 6 mois, la Commission des Finances de l'Assemblée a durci ce minable petit projet du gouvernement: elle a multiplié par 10 le plafond des sanctions potentielles et élargi les pouvoirs de contrôle de l'AMF sur tous les produits spéculatif. Mais le résultat reste maigre : à l'exception d'une nouvelle procédure d'urgence qui permettrait la suspension des cotations par l'Autorité des Marchés Financiers, cette loi ne créait aucun nouveau pouvoir de contrôle et de sanction, ni aucune nouvelle règle prudentielle à l'égard des opérateurs de marché, fussent-ils nationaux.
Nicolas agace les journalistes
Deux nouvelles, sans rapport l'une avec l'autre, sont venues troubler l'agenda médiatique du Président. Lundi, de nouvelles révélations sur le Karachigate affaiblissent un peu plus la version élyséenne selon laquelle Sarkozy ne connaissait rien à cette affaire. Déjà, d'après Mediapart, la police luxembourgeoise l'accuse d'avoir supervisé la création d'une société offshore, quand il était ministre du budget d’Edouard Balladur, afin de faire transiter les commissions d’intermédiaires lors de contrats de vente d’armes, notamment celle des 3 sous-marins au Pakistan à l'automne 1994. Lundi, le Parisien ajoute une pièce au dossier : Sarkozy correspondait avec le directeur de cette société. En novembre 2006, ce dernier lui demandait même des instructions. Mardi, Libération prend le relais et publie des extraits des courriers. La presse fait son boulot, et sans peut-être un peu trop au goût du Monarque.
Cette semaine, Nicolas Sarkozy s'est ainsi invité dans la vente du Monde. Alain Minc opère en coulisses. Le quotidien du soir n'arrive plus à boucler ses fins de mois et cherche un repreneur. Deux candidatures se sont distinguées : le patron du Nouvel Observateur Claude Perdriel et le couple Mathieu Pigasse/Pierre Bergé, rapidement rejoint par Xavier Niel, fondateur de Free et déjà actionnaire de Bakchich et Mediapart. Visiblement, Nicolas Sarkozy s'inquiète de qui reprendra le Monde. Il a appelé Eric Fottorino, le directeur du journal, pour lui dire combien Xavier Niel était peu fréquentable et que si sa candidature était retenue, l'aide de l'Etat à la restructuration du journal serait plus compliquée. Puis, surprise, France Télécom, désormais dirigé par l'ancien directeur de cabinet de Christine Lagarde, a déclaré son soutien à l'offre concurrente de Perdriel. A l'approche de l'élection présidentielle de 2012, l'Elysée se dévoile. Bienvenue en république bananière !
Exemplarité en question
Le Canard Enchaîné a épinglé, ce mercredi, Christine Boutin et Christian Blanc. La première a été embauchée par le ministère du Travail pour une belle mission richement payée 9500 euros par mois (le traitement d'un haut fonctionnaire, a expliqué l'ancienne ministre), sur «les conséquences sociales de la mondialisation», qu'elle cumule de surcroît avec sa retraite de députée à 6 000 euros par mois. En voilà un sujet de réflexion aux implications concrètes dans la gestion du pays ! Mme Boutin en a sans doute pour des mois à pondre son rapport... Luc Chatel est venu au secours de son ancienne collègue. Après les logements de fonction de Christian Estrosi et Fadela Amara (la semaine dernière), le voici à nouveau contraint à la justification maladroite: «C’est une mission importante», a-t-il commenté, reprenant les termes exacts employés par Mme Boutin la veille au soir. Fichus éléments de langage ! Autre révélation du Canard Enchaîné, le secrétaire d’Etat au développement de la région-capitale est soupçonné par le fisc d'avoir dissimulé certains revenus de ces déclarations fiscales de 2004 à 2009. Rien que ça ! Jeudi matin, Eric Woerth lâchait Boutin et lui demandait de renoncer à son cachet. Fera-t-elle jurisprudence ? Les abus, symboliques ou pas, sont légions. Et le Monarque fournit un piètre exemple depuis son entrée à l'Elysée. La République sarkozyenne est reprochable à plus d'un titre: dépenses somptuaires, déplacements excessifs, confusion entre usage privé et mission publique, etc... Quelle gabegie !
Résumons donc les quelques semaines passées : grâce à leurs mandats locaux, les ministres cumulards émargent à 20 000 euros mensuels, un avantage qu'ils n'ont pas voulu remettre en cause; ils bénéficient tous de logements de fonction, même quand cette dernière ne justifie d'aucune contrainte protocolaire ou de permanence; un ministre de l'intérieur condamné en première instance pour injures racistes préfère rester au gouvernement et faire appel; un autre collègue a le fisc au trousses ; une ancienne ministre se fait rémunérée 9 500 euros par mois pour une mission sans intérêt. Où est l'exemplarité en Sarkofrance ?
Mercredi 9 juin, Christine Lagarde semblait bien mal à l'aise lors d'une conférence sobrement intitulée «Pas de refuge pour les biens mal acquis». La France protège très bien les dictateurs et autres présidents qualifiés d'autoritaires qui viennent placés les sommes qu'ils ont détournées dans leur pays. L'année dernière, trois dirigeants africains bénéficiaient ainsi d'une jolie clémence dans le cadre d'une plainte sur leurs biens immobiliers: en avril 2009, le parquet de Paris estimait que les faits incriminés étaient trop anciens, que l'infraction éventuelle n'a pas eu lieu en France, et que les plaignants n'étaient pas lésés.
Sarkozy, le bouclier fiscal
Jeudi 10 juin, le ministre du travail s'est rendu sur un chantier de construction pour évoquer le sort difficile des travailleurs âgés. Remettre les seniors au travail - la France enregistre l'un des pires taux d'activité des plus de 55 ans - est un enjeu d'importance à l'heure où le gouvernement s'apprête à annoncer un recul de l'âge de départ à la retraite. L'an passé, le gouvernement Sarkozy a imposé aux entreprises de conclure des accords avec leurs organisations syndicales de salariés sur l'activité des seniors. Une contrainte qui n'en est pas vraiment une. Laurent Wauquiez, le nouveau chantre de la «droite sociale», et, accessoirement secrétaire d'Etat à l'emploi, a confirmé la prochaine suppression en 2011 de la dispense de recherche d'emploi dont bénéficient les pré-retraités de 58 ans et plus, un «dispositif injuste» selon lui. Début 2009, Sarkozy avait dû suspendre son projet de suppression à cause de la crise.
Le ministre du travail a promis qu'il dévoilerait enfin sa réforme des retraites le 15 juin prochain. Cette date a été arrêtée par le Monarque lui-même, lors d'un petit-déjeuner avec les responsables de l'UMP. Jeudi matin sur Europe 1, Eric Woerth voulait encore faire croire qu'il restait des arbitrages à décider. Quel suspense ! L'essentiel de la réforme sont connus : allongement de la durée de cotisation, recul de l'âge minimal de départ à la retraite (actuellement de 60 ans), recul de l'âge permettant une retraite à taux plein (actuellement de 65 ans), absence de prélèvement supplémentaire sur l'épargne et le capital, dérogation possible en cas de pénibilité médicalement prouvée par un médecin, alignement des cotisations vieillesses du public sur le privé, et ... contribution modeste des hauts revenus. Cette dernière serait une taxation temporaire sur les hauts revenus fixés à 11.000 euros par mois et par personne.  Elle sera aussi marginale, environ 600 millions d'euros par an. Bizarrement, pas une idée n'est sortie sur les retraites-chapeaux qu'une centaine de patrons peuvent s'octroyer aux frais des entreprises qu'ils dirigent; rien non plus sur les nombreuses défiscalisations décidées depuis 2002 qui plombent les comptes sociaux. Le camp présidentiel s'abrite derrière le niveau des prélèvements obligatoires, jugé trop élevé par rapport à nos voisins. Il mélange opportunément assurance sociale et impôt. Ces comparaisons internationales n'ont aucun sens. La santé ou les retraites ne sont qu'affaire de transferts. Qui rappellera que la santé coûte plus chère aux Etats-Unis qu'en France, alors que les cotisations sociales aux Etats-Unis ne représentent que 7% du PiB contre 16% en France ?
Opportunément, le gouvernement a publié ses nouvelles prévisions de déficit de la sécurité sociale. L'assurance vieillesse afficherait un déficit record de 11 milliards d'euros, auxquels il faut ajouter environ 20 milliards d'euros de déficits sur les régimes publics pris en charge par l'Etat. Les dépenses augmentent (de 4,4% prévus cette année), mais surtout les recettes diminuent. La hausse du coût des retraites ne provient pas des pensions, qui sont prévues en augmentation très modeste de 0,9% cette année. Mais il est un autre sujet sur lequel le gouvernement reste étrangement silencieux : le déficit de l'assurance maladie devrait atteindre 13 milliards d'euros cette année. Mais aucun plan d'économies ou de recettes supplémentaires n'est annoncé. Le principal poste de dépense reste les affections de longue durée (ALD) comme le diabète, le cancer ou l'hypertension artérielle. Ces dernières représentent  plus des deux tiers des dépenses de l'assurance maladie. Le sujet n'est pas à l'ordre du jour... officiel.Après les retraites, quel sera le prochain coup de vis ?
Nadine Morano a fait publier son décret sur la surcharge des crèches, mardi 8 juin. Désormais, les établissements pourront être surchargés à 15% pour les crèches de plus de 20 places, et à 10% pour les établissements plus petits. Le décret augmente également la proportion de personnels peu qualifiés dans les effectifs d'encadrement des crèches. Il faut «élargir la palette des recrutements», explique la ministre.
Retraite, santé ou éducation, les grands gagnants des contre-réformes sarkozyennes seront les plus fortunés.  La réforme des retraites s'annonce comme exemplaire du lâchage des classes populaires par Nicolas Sarkozy. Ces dernières seront les plus affectées par le recul du départ en retraite. Et si la sécurité sociale fera des économies, rien n'est moins sûr au niveau global. La SNCF est un bel exemple du «court-termisme» gouvernemental : depuis la réforme de leur régime de retraite à l'automne 2007, les cheminots ont reculé leur départ à la retraite (générant une trentaine de millions d'euros d'économies pour leur caisse de retraite en 2009), mais les comptes de la SNCF sont plombés par leur maintien dans les effectifs (le surcoût dépasse les 100 millions d'euros). 
Les grandes promesses sur le travail et le mérite sont oubliées. Chômage, précarité, crise immobilière, on ne compte plus les échecs du «Travailler plus». Trois ans de mandat plus tard, l'heure est au recentrage sur les classes moyennes. Laurent Wauquiez  l'a rappelé mardi : «le problème, c'est que, depuis une vingtaine d'années, les plus riches ont profité de la mondialisation et les plus pauvres ont bénéficié très fortement du système social : les perdants, ce sont les classes moyennes.» Les contours du projet présidentiel pour 2012 se dessinent. Le monarque jouera fiscalement au centre, pour mieux protéger ses amis du Fouquet's.
Vendredi, Nicolas Sarkozy a reçu son ami Vladimir Poutine. Son modèle ?
Ami sarkozyste, où es-tu ?

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