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Confrontation en mer entre Greenpeace, l'industrie du thon et la marine maltaise

Publié le 13 juin 2010 par Jpa

La chasse aux pêcheurs de thons rouges aviré à  l'affrontement

La devise sur un bateau de Greenpeace, c’est “hurry up and wait” (“magne toi et attends”), comme me l’ont expliqué plusieurs équipiers de l’Artcic sunrise. Samedi soir, il était clair que quelque chose se préparait , même si on me tenait soigneusement à l’écart des discussions.

Dimanche, quand le bord s’est réveillé vers 7h30, l’hélicoptère était déjà parti à la recherche d’une cible pour les militants écologistes qui tentent d’empêcher la pêche au thon rouge. Passée l’effervescence matinale, plus rien.

Ce n’est qu’après le déjeuner que l’équipage s’est agité. Presque sans prévenir. L’Arctic sunrise se dirigeait en fait vers une cage remplie de dizaines de tonnes de thons rouges. Elle était remorquée par un chalutier vers les fermes d’embouche de Malte. C’est une cible de choix pour les écologistes : la cage est en effet tractée à très faible vitesse (1 nœud, 1,8 km/h) pour ne pas abîmer les poissons avant qu’ils ne soient engraissés et revendus.

Peu avant 14 heures, l’Arctic sunrise se trouvait à proximité du Rainbow warrior. Les deux bateaux de Greenpeace ont mis sept zodiacs à la mer avec une vingtaines de militants. C’est à bord de l’un de ces pneumatiques que j’ai pris place. Ils ont embarqué comme “armes” quelques couteaux et objets tranchants pour couper les mailles de la cage, ainsi que des sacs de sable pour faire couler les flotteurs qui la maintiennent à la surface.

Les zodiac sont mis à l'eau à l'aide d'une grue

L’armada de pneumatiques s’est mise en branle, escortée par les deux navires de l’association et survolée par son hélicoptère. Après une demie-heure de mer – assez agitée – nous sommes arrivés à proximité de la cage. Il s’agit en fait d’un grand filet, entouré d’une longue bouée circulaire. (photo ci-dessous à droite)

Les propriétaires de la cage n’ont pas été surpris par l’arrivée de ces zodiacs ornés de drapeaux appelant à sauvegarder les ressources de la mer. Les allers et venues de hélicoptère dans la matinée et l’apparition, en rangs serrés, des navires et des embaractions de Greenpeace ne sont pas passés inaperçus…

Les propriétaires de la cage à thons rouges  étaient au courant de l'arrivée de Greenpeace

La petite armada était en effet attendue de pied ferme par le chalutier qui remorquait la cage et par le bateau qui lui servait d’escorte. Ce dernier a mis à l’eau une petite annexe où avaient pris place deux personnes. Les pneumatiques de Greenpeace et l’annexe de l’escorte ont commencé à jouer au chat et à la souris. Si Greenpeace était supérieur en nombre, ils n’ont pas usé des mêmes moyens de coercition… Et c’est finalement tout le problème : comment mener une action pacifique – certes spectaculaire et discutable – tout en s’opposant à une action violente ?

Les deux occupants du bateau pneumatique ont très vite sorti un couteau et ont tenté de crever les pneumatiques de Greenpeace. A ce petit jeu là, ils n’avaient aucune chance puisque les embarcations de Greenpeace sont dotées de moteurs beaucoup plus puissants… et de conducteurs habitués aux manœuvres rapides et aux volte-faces de dernière minute.

Peu après, ceux qui défendaient leur cage à poisson ont reçu un soutien de poids. La marine maltaise s’est invitée dans la partie. Le vaisseau qui est arrivé sur la zone a à son tour mis à l’eau un canot pneumatique qui a participé à la danse, désormais une valse à trois temps entre les écologistes, les pêcheurs et les militaires. Les marins maltais ont surtout veillé à maintenir l’Artctic sunrise loin de la cage qu’il tentait d’approcher.

L’action de Greenpeace aurait sans doute pu réussir si un yatch d’une quinzaine de mètres n’était pas à son tour arrivé dans ce coin de la Méditerranée…

Récapitulons. Il y avait à ce moment là, en plein milieu de la mer : deux navires de Greenpeace et ses sept pneumatiques, un chalutier, son escorte et son pneumatique, un navire militaire et son annexe, un yatch et un hélicoptère bientôt rejoint par un second…

L’arrivée de ce yatch a failli faire tourner l’opération au drame. Il prenait en chasse tous ceux qui tentaient de s’approcher les cages. Ce qui fût assez efficace, puisque les pneuamtiques étaient contraints de détaler.

A un moment, il a volontairement coupé la route à l’une des embarcations, celle sur laquelle je me trouvais… Ce qui n’a pas ému outre-mesure les militaires. Si le choc n’avait été esquivé, j’aurais volontiers parié sur une défaite du plus petit des deux. Voila ce que ça donne vu de près (et au début de cet article, la même scène vue de l’Artctic sunrise).

Un bateau a tenté de couler une embarcation de  greenpeace

Après une heure de ce ballet qui ne mena à rien, les militants ont choisi de changer de stratégie. La cible n’était plus, cette fois, la cage elle-même, mais l’énorme corde qui la relie au chalutier. L’un des bateaux a profité de cette courte pose pour aller chercher du carburant auprès de l’Artctic sunrise. C’est au moment où il était arrêté, non manœuvrant, que l’annexe de l’escorte en a profité pour se ruer vers lui et crever sa partie gonflable. Le 4 juin, deux embarcations de Greenpeace ont ainsi fini au fond de la mer…

crever.1276456191.jpg

Comme celle de la cage, l’attaque de ce câble se révélera également infructueuse. A chaque fois que l’un des canots de Greenpaece s’en approchait, les marins maltais arrivaient aussi. Et couper ce cable n’est pas aussi simple qu’il n’y paraît puisque en s’approchant, le bateau l’immerge un peu plus… Les militants de Greenpeace ont été obligés de reconnaître leur échec, la limite de l’utilisation de la non-violence contre des gens prêts à en user. Ils retenteront sans doute leur chance demain.

La première photo est de Stefan Hemmen, qui m’a autorisé à la publier ici.

J.P.


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